Le Premier ministre Michel Barnier a récemment déclaré que la santé mentale sera la grande cause nationale de l’année 2025, marquant ainsi un tournant majeur dans la reconnaissance et la gestion de ce problème de santé publique. Ce choix répond à un appel longuement exprimé par un collectif d’acteurs du secteur, représentant plus de 3 000 structures engagées dans la sensibilisation, la prévention et la déstigmatisation des troubles mentaux.
Depuis 2020, l’ampleur des troubles mentaux dans la population française s’est intensifiée, nécessitant une réponse collective à la hauteur des enjeux.
13 millions de français touchés
Aujourd’hui, on estime qu’une personne sur trois sera confrontée à des troubles psychiques au cours de sa vie. Cette réalité affecte de manière transversale toutes les catégories d’âge.
En France, 13 millions de personnes souffrent de troubles psychiques et psychiatriques. Parmi eux, 40 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans présentent des symptômes dépressifs. La santé mentale affecte non seulement les personnes atteintes, mais également leurs proches et les aidants et a un impact direct sur la qualité et l’espérance de vie. En effet, quand la santé mentale est dégradée, il devient difficile de maintenir des relations sociales, un emploi, voire un logement.
Les conséquences ne se limitent pas à l’individu ; elles se répercutent sur les performances de l’entreprise, avec des coûts estimés à 3 000€/an/collaborateur portés par les entreprises, soit des milliards chaque année en raison de l’absentéisme, de la diminution de la productivité ; et ce sans même comptabiliser des soins de santé associés : la santé mentale représente 233 milliards d’euros, soit près de 14 % des dépenses totales de santé en France.
Zoom sur la santé mentale des femmes
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé mentale comme « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et d’apporter une contribution à la communauté. » Cependant, la réalité quotidienne est bien plus complexe, et les inégalités face à la santé mentale sont flagrantes, notamment chez les femmes.
Selon une étude menée par la plateforme Teale, spécialisée dans le bien-être mental en entreprise, l’état de santé mentale des femmes est particulièrement dégradé. 23 % d’entre elles se trouvent dans une situation critique, exposées à un risque élevé de dépression, contre 15 % chez les hommes. Ces chiffres proviennent d’un échantillon de 10 000 salariés issus de plus de 100 entreprises, tous secteurs confondus, et soulignent une tendance inquiétante : les femmes sont souvent les premières victimes des troubles psychiques en entreprise.
Seules 43 % des femmes interrogées déclarent se sentir calmes et sereines au quotidien, et seulement 31 % d’entre elles affirment se réveiller en pleine forme le matin. Le stress est omniprésent et pour six femmes sur dix, il est principalement lié à des éléments de leur vie personnelle plutôt que professionnelle. Leur surcharge émotionnelle est exacerbée par les injonctions sociales auxquelles les femmes doivent faire face : être à la fois une mère dévouée, une professionnelle performante et une figure irréprochable dans tous les aspects de la vie. Cet équilibre difficile à maintenir conduit à des cas fréquents de burn-out et d’épuisement professionnel.
Dans une autre étude de l’IFOP pour AESIO, 77 % des personnes interrogées estiment qu’à l’origine d’un mal-être mental, il y a souvent une situation de violence, notamment de violence conjugale, les premières victimes de ces dernières étant les femmes. L’étude indique que les personnes ayant subi des violences au cours des 5 dernières années sont deux fois plus en mauvaise santé mentale que celles qui n’ont pas ce passif (34% contre 15%).
En plus des violences conjugales subies par les femmes, la violence économique ne peut être ignorée. L’étude de l’IFOP montre une corrélation entre précarité et dégradation de l’état mental. Parmi les personnes à faibles revenus, 31 % estiment leur état mental « moyen » ou « mauvais », contre seulement 8 % des plus hauts revenus. Les femmes, surreprésentées parmi les précaires, sont particulièrement vulnérables à cette détérioration.
Une prise de conscience dans les entreprises
Bien que la situation actuelle des femmes en matière de santé mentale soit critique, certaines entreprises commencent à prendre conscience de l’importance d’agir. Les mentalités évoluent, notamment dans un contexte de « guerre des talents », où l’attractivité et la rétention des collaborateurs deviennent des enjeux majeurs pour les employeurs.
Certaines initiatives, comme la mise en place de réseaux de soutien entre femmes au sein des entreprises, apportent une lueur d’espoir et ce soutien entre pairs, permet de prévenir la détresse psychologique. Ce type de solidarité entre femmes en milieu professionnel pourrait devenir un rempart efficace contre l’épuisement et contribuer à l’amélioration de la santé mentale des salariées.
D’une façon plus globale, et selon une étude récente de Deloitte menée au Royaume Uni, investir sur la santé mentale de ses collaborateurs et collaboratrices peut présenter un retour sur investissement potentiellement très élevé, jusqu’à 11 fois le montant investi. Les décideurs ont ainsi un rôle crucial à jouer dans la promotion de la santé mentale au sein de leurs organisations.
Un leadership engagé est un pilier essentiel pour instaurer un environnement où la santé mentale est une priorité. Lorsque les dirigeants reconnaissent et soutiennent ouvertement les initiatives visant à améliorer le bien-être mental, cela envoie un signal fort à toute l’entreprise. Des stratégies efficaces impliquent également l’intégration de la santé mentale dans la culture d’entreprise. Cela va au-delà de simples politiques : il s’agit de créer un environnement où chacun se sent entendu, respecté et soutenu.
En somme, la santé mentale est un enjeu qui concerne chacun d’entre nous. Qu’il s’agisse de salariés confrontés à des conditions de travail stressantes, ou de femmes victimes de surcharge mentale ou de violence, la prise de conscience doit être collective. En 2025, avec la santé mentale comme grande cause nationale, des actions concrètes permettront peut-être de faire avancer cette cause essentielle. En évoquant la santé mentale, Michel Barnier s’il s’est inquiété de la jeunesse, ne devra pas oublier d’évoquer le genre, afin que le diagnostic servant à orienter l’action publique ne soit pas incomplet.
Les entreprises pour la Cité – N.Ducongé
Sources : « Les Français·es et leur bien-être mental » de la fondation AESIO réalisé avec l’IFOP, publiée le 30 septembre 2024.
Teale : Baromètre de la santé mentale des salariés – Mai 2024
La Journée mondiale de la santé mentale, célébrée le 10 octobre, se veut bien plus qu'une simple commémoration : elle lance un appel à l'action. Elle incite à une meilleure sensibilisation, à la lutte contre les préjugés et à la mise en place de mesures concrètes pour soutenir ceux qui en ont besoin. Cet événement rappelle avec force que la santé mentale, à l'instar de la santé physique, nécessite attention, soins et compréhension. C'est une opportunité pour réfléchir, dialoguer et, surtout, offrir un soutien à ceux qui traversent des épreuves. Car, en fin de compte, la santé mentale est l'affaire de tous.