Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 04 octobre 2024.
Marché de l’électricité
Volatilité des marchés et défis structurels
Le marché de l’électricité a été caractérisé par une demande en hausse, en lien avec la baisse des températures, mais aussi par des signaux tarifaires plus volatils. En France, le parc nucléaire continue de jouer un rôle central dans l’approvisionnement, mais la modulation de la production pour répondre à la demande entraîne des coûts supplémentaires et des risques accrus de pannes. Ce phénomène s’explique par la nécessité d’ajuster la production aux fluctuations de la demande, dans un contexte où les énergies renouvelables prennent une part croissante.
Le marché du carbone (EUA), quant à lui, a enregistré une baisse notable, en partie en raison de la pression liée à la fin du délai de conformité avec l’Union européenne. Cette baisse affecte la rentabilité des centrales thermiques et renforce l’incertitude sur la trajectoire future des quotas d’émission. Des craintes quant à une possible implosion du marché des quotas existent, accentuant ainsi les défis pour les producteurs d’électricité et les industriels européens.
L’électrification directe, le coup de grâce pour l’industrie européenne ?
L’industrie européenne, autrefois fortement dépendante du gaz russe, est aujourd’hui confrontée à une transformation radicale de ses approvisionnements énergétiques.
La guerre en Ukraine et l’interruption des importations de gaz russe a forcé l’UE à se tourner massivement vers le GNL américain, désormais son principal fournisseur.
Pourtant, le coût élevé de ce gaz pose des défis, et les entreprises énergivores peinent à rivaliser sur le marché mondial. Le secrétaire général Kristian Ruby souligne que, bien qu’il y ait quelques années l’hydrogène semblait être la solution miracle pour ces industries, l’orientation actuelle se dirige plutôt vers l’électrification directe, perçue comme plus rentable et efficace.
Mario Draghi partage cette vision, affirmant que l’électrification directe est la voie la plus judicieuse pour remplacer les combustibles fossiles. Cependant, les investissements dans les énergies renouvelables se heurtent à des obstacles comme les taux d’intérêt et la volatilité des prix de l’électricité.
Ruby insiste sur la nécessité pour les décideurs politiques de faciliter cette transition en accélérant l’adoption de l’électricité par les industries. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, envisage un plan d’action ambitieux pour garantir que la transition énergétique repose sur une production d’électricité propre et locale, bien que des ajustements réglementaires supplémentaires soient perçus comme inutiles à ce stade.
L’analyse électricité de notre expert
Entre boom des renouvelables et risque de fracture régionale
D’abord, le marché des contrats à long terme (ou PPAs) connaît une dynamique croissante, en lien avec la transition énergétique et l’essor des énergies renouvelables. De plus en plus d’entreprises se tournent vers ces contrats pour sécuriser leurs approvisionnements et se protéger contre la volatilité des prix à court terme, une tendance qui s’observe particulièrement sur la plateforme européenne EEX. Cette transition se reflète également en Allemagne, où les énergies renouvelables ont couvert 56 % de la consommation électrique entre janvier et septembre 2024, soulignant le poids croissant du solaire et de l’éolien dans le mix énergétique.
Cependant, cette montée en puissance des énergies vertes ne va pas sans défis. Des groupes de pression, notamment dans les secteurs du solaire et de la gestion flexible de la demande, expriment leurs inquiétudes face aux risques associés aux prix localisés de l’électricité. Ces acteurs craignent que cette évolution ne pénalise certaines régions moins bien équipées en infrastructures renouvelables.
Enfin, le basculement vers une production d’électricité décarbonée s’accélère au niveau mondial. Selon un rapport récent, plus d’un tiers des pays membres de l’OCDE sont désormais « sans charbon », renforçant l’idée que la sortie des combustibles fossiles est en marche. Ces éléments confirment une transition énergétique rapide mais complexe, nécessitant des ajustements politiques et économiques constants.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Tensions géopolitiques et impact sur la production
Les prix du gaz en Europe ont été marqués par des oscillations liées à plusieurs facteurs : la baisse des températures qui stimule la demande en chauffage, mais aussi les tensions au Moyen-Orient qui font craindre une perturbation des voies d’approvisionnement. La consommation énergétique en France, par exemple, a augmenté en raison de températures plus fraîches, atteignant un pic de 53,7 GW. Bien que les flux de gaz norvégiens aient augmenté, soutenant l’approvisionnement européen, l’incertitude persiste en raison des risques de perturbation dans des zones stratégiques comme le détroit d’Ormuz, à la suite des tensions entre l’Iran et Israël.
Sur le plan charbonnier, l’Europe observe une hausse de la production d’électricité à partir du charbon, particulièrement en Allemagne. Ce regain est motivé par des marges bénéficiaires plus attractives comparées à celles du gaz, ainsi que par la baisse saisonnière de la production solaire. Alors que l’hiver approche, cette dépendance accrue au charbon pourrait se prolonger.
L’illusion de l’abondance : le gaz naturel face à la réalité de l’offre
La demande mondiale de gaz naturel devrait atteindre un niveau record en 2024, stimulée principalement par les marchés asiatiques et européens. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), cette augmentation est prévue malgré un ralentissement de l’approvisionnement, notamment à cause de la production limitée de gaz naturel liquéfié (GNL) et des tensions géopolitiques.
Cette dynamique souligne un rééquilibrage fragile entre l’offre et la demande, avec des risques de volatilité accrus.
L’Asie, en particulier, joue un rôle clé dans cette croissance, avec des économies en pleine expansion qui nécessitent davantage de gaz pour soutenir leurs besoins énergétiques. En Europe, la demande reste élevée malgré les efforts pour diversifier les sources d’énergie après la réduction des approvisionnements russes en 2022, à la suite du conflit en Ukraine.
Le secteur commercial et industriel européen devrait également voir une légère hausse de sa consommation en 2025.
Cependant, l’approvisionnement en GNL peine à suivre cette montée en flèche de la demande, créant des incertitudes pour les acteurs du marché, et appelant à une coopération renforcée entre producteurs et consommateurs afin de sécuriser les approvisionnements futurs tout en facilitant la transition vers des énergies plus propres.
L’analyse gaz de notre expert
La stratégie énergétique européenne en échec
Selon un rapport récent, la plate-forme d’achat de gaz conjointe phare de l’UE – AggregateEU – peine à stimuler le marché, ce qui met en évidence les défis persistants auxquels le bloc fait face dans ses efforts pour sécuriser des approvisionnements énergétiques stables et abordables. En effet, malgré des initiatives visant à renforcer la résilience énergétique, les prix du gaz continuent d’être influencés par des facteurs externes et des tensions géopolitiques.
D’autre part, la première expédition de gaz naturel liquéfié (GNL) russe à travers la mer Rouge depuis janvier a été un événement marquant, soulignant l’importance stratégique de cette voie maritime pour l’approvisionnement énergétique russe. Les prévisions indiquent que les importations de gaz de l’UE en provenance de Russie devraient chuter de 20 % en 2024, en grande partie en raison des sanctions et des changements dans les préférences d’approvisionnement. Cette diminution accentue les préoccupations concernant la dépendance de l’UE vis-à-vis des sources énergétiques russes.
Enfin, la récente réglementation sur le méthane de l’UE a suscité des inquiétudes pour le secteur du GNL américain, qui pourrait faire face à des pressions supplémentaires pour réduire ses émissions. En effet, cette réglementation pourrait avoir des répercussions importantes sur la compétitivité du GNL américain sur le marché européen. Dans un contexte où l’UE s’efforce de diversifier ses sources d’énergie, il est crucial d’observer comment ces dynamiques interagiront dans les mois à veni.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
L’Europe à la croisée des chemins face aux inégalités et à l’instabilité du marché
Tout d’abord, la politique climatique de l’Union européenne (UE) est au cœur des débats, avec un appel à renforcer la protection des groupes vulnérables. Les experts de Bruegel soulignent que les politiques de décarbonation doivent impérativement intégrer des mesures spécifiques pour soutenir les ménages à faibles revenus, souvent les plus touchés par la hausse des coûts énergétiques. Ce besoin d’une approche équitable est d’autant plus urgent que l’UE s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Ce cadre ambitieux ne peut fonctionner que si les gouvernements parviennent à concevoir des mécanismes de compensation adéquats.
Par ailleurs, la Pologne fait face à une fermeture prématurée de sa flotte de centrales à charbon, conséquence d’une pression croissante pour réduire les émissions et une transition vers des sources d’énergie renouvelable. Les compagnies énergétiques polonaises, confrontées à une législation de plus en plus stricte et à une demande de plus en plus verte, envisagent de décommissionner jusqu’à 4 GW de capacités de charbon d’ici 2025. Cela pourrait transformer le paysage énergétique du pays, qui repose encore à 70 % sur le charbon.
Sur le marché mondial du pétrole, les craintes d’approvisionnement augmentent en raison des tensions au Moyen-Orient. Les prix du pétrole ont montré des signes de stabilisation, mais les analystes s’inquiètent d’une potentielle hausse des prix si les conflits dans la région s’intensifient. Les prévisions actuelles indiquent que le baril pourrait atteindre des niveaux alarmants, exacerbant les inquiétudes inflationnistes qui touchent déjà les économies.
Dans le secteur de l’électricité, des tendances inquiétantes émergent, comme l’augmentation des heures de prix négatifs sur le marché e