Audrey Klieber. J’en vois au moins trois principales.
La première, c’est l’intelligence artificielle et son impact déjà perceptible sur les métiers et les compétences associées.
Les effets concrets sur le travail vont commencer à se faire ressentir dès cette année. Il y a d’abord eu une phase exploratoire, les entreprises ont testé l’outil, cherché à en évaluer le potentiel… Nous entrons à présent dans quelque chose d’autre. Prenez l’exemple des centres d’appel : l’IA fait déjà aussi bien que les opérateurs humains. Quelles sont les tâches qui vont être exécutées par l’IA ? Des tâches à faible valeur ajoutée, sans doute, mais pas uniquement, c’est aujourd’hui une certitude.
Quoi qu’il en soit, du point de vue des entreprises, l’usage est devenu régulier, il s’inscrit désormais dans le quotidien. Et elles commencent à prendre la mesure des mutations qui s’annoncent – sur la nature du travail, sur son organisation mais également sur l’évolution future des effectifs – mais on ne parvient pas encore à les quantifier.
La deuxième force à l’œuvre, c’est l’allongement de la durée du travail. La dernière réforme des retraites nous a fait passer de 62 à 64 ans, et nous savons qu’une nouvelle réforme arrivera aux alentours de 2028 (retrouvez l’Interview décryptage de Raymond Soubie). Or, il va falloir trouver de nouvelles formes de travail pour des collaborateurs qui vont devoir travailler plus longtemps, surtout celles et ceux qui ont un travail pénible (qui travaillent en 3×8, de nuit, etc.) et ne pourront pas tenir jusqu’à l’âge de 64 ans dans ces conditions. Comment accompagnons-nous cette dernière phase de la vie professionnelle ? C’est une question qui se pose tant sur le fond du travail que dans son organisation.
Enfin, il faut évidemment considérer l’évolution démographique du pays : nous allons assister à des vagues massives de départs à la retraite qui ne seront pas complètement compensés par de nouvelles arrivées sur le marché du travail. Cela se traduira par des tensions dans certains secteurs et par une pénurie de compétences stratégiques. Dans ces conditions, comment organise-t-on le passage de témoin entre générations ? Comment retenir les talents, comment les fidéliser, comment construire une marque-employeur forte ? Ce sont des mutations structurelles qu’il faut anticiper.
J’en rajoute une quatrième : la transition écologique, qui va entraîner la conversion de pans entiers de notre économie, comme dans le cas de l’automobile, qui doit passer du thermique à l’électrique, ce qui appelle de nouvelles compétences. C’est un exemple parmi d’autres, mais il est parlant.