L’association « Vent de Folie », soutenue par Sites & Monuments, a déposé début 2024 un recours en annulation auprès de la cour administrative d’appel de Douai à l’encontre de l’arrêté du préfet de l’Aisne du 25 octobre 2023 accordant à la société Q Energy – anciennement RES - l’autorisation d’exploiter neuf éoliennes "supplémentaires" (de 150m de haut en bout de pale) avec deux postes de livraison, dans le parc éolien de « Vieille Carrière » situé à environ 25 km au nord-est de Laon.
Les communes directement concernées par ces nouvelles éoliennes sont Parpeville, La Ferté-Chevresis, Chevresis-Monceau et Surfontaine (Canton de Ribemont et Communauté de communes du Val de l’Oise), une implantation autorisée après des années de procédures sur lesquelles il est instructif de revenir...
Un combat au long cours
- En 2008, la société RES construit un premier parc éolien dit « Carrière Martin » sur le territoire des communes de Villers-le-Sec, Ribemont et Brissy Hamégicourt.
La même année, cette entreprise dépose une nouvelle demande d’autorisation en vue d’exploiter pas moins de 21 éoliennes de 150 mètres de hauteur sur le site du Parc « Vieille Carrière ».
- En 2010, le préfet de l’Aisne autorise l’installation de seulement 6 aérogénérateurs sur les 21 demandés, les 15 autres étant retoqués. Des recours contentieux sont déposés sans succès à l’encontre des arrêtés préfectoraux. Autorisées en 2014, les 6 éoliennes seront construites en 2017 sur les territoires de Villers-le-Sec et La Ferté-Chevresis.
- En 2013, le tribunal administratif annule les refus d’autorisation des 15 autres éoliennes prévues dans le projet initial, après des recours contentieux du promoteur. Retour à la case départ...
- Fin 2016, la société RES revient à la charge avec une nouvelle demande d’autorisation pour 12 machines, et non plus 15, reparties en instruction, mais cette fois-ci classées au titre des ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement) auprès de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) ce qui permet la mise en place d’une enquête publique.
- En 2019, le promoteur revoit encore une fois ses ambitions à la baisse et supprime trois éoliennes du projet. À l’issue de l’enquête publique, le commissaire enquêteur a en effet émis un avis défavorable « estimant que les inconvénients l’emportent sur les avantages qu’ils génèrent ». Il considère que « la non prise en compte de la présence de l’ensemble des parcs voisins et / ou à venir, la sur-densification qui règne sur le secteur, l’encerclement des villages, l’atteinte aux paysages et monuments historiques, etc… sont autant de facteurs qui font obstacle au devenir du projet ».
Il indique que « tous les indices sont au rouge », notamment ceux d’occupation des horizons et du pourcentage de sorties de villages « d’où l’on voit les éoliennes à moins de 10 km, dont le seuil d’alerte à ne pas dépasser de 50 est en fait au maximum de 100 pour Landifay, Chevresis Monceau, Fay-le-Noyer, Villers-le-Sec, Monceau-le-Neuf, Renansart, Parpeville et le hameau de Vilancet ». Le commissaire-enquêteur insiste sur cette « modification du paysage et l’impact visuel » en notant que « le projet accentuera l’emprise des éoliennes sur le paysage et l’augmentation de la concentration de machines contribuera à une sensation d’encerclement ».
Dans le cadre de l’enquête publique, le commissaire-enquêteur s’est rendu à Parpeville et plus précisément dans le parc du château. Ses conclusions sont éclairantes : « J’ai pu constater que les éoliennes déjà installées par la société Eole-RES (parcs Carrière Martin et Vieille Carrière) étaient visibles de toutes parts ».
De fait, l’extension du parc aura un impact visuel sur le château de Parpeville. En l’espèce, l’argument des retombées financières n’a pas convaincu les communes concernées par ce projet qui, dans leur grande majorité, ont rejeté cette nouvelle implantation.
- En 2023, après plusieurs années de procédure et malgré l’opposition grandissante des élus, d’une large majorité de la population, de l’analyse de l’architecte des Bâtiments de France et de l’avis défavorable du commissaire enquêteur de l’ICPE dans son rapport du 15 juillet 2019, la préfecture de l’Aisne accorde le 25 octobre 2023 à Q.Energie l’autorisation d’exploiter neuf machines de 150 mètres de hauteur et deux mâts de mesure sur les territoires des communes de Parpeville, Chevresis-Monceau, la Ferté-Chevresis et Surfontaine.
L’impact sur le patrimoine architectural
Ce parc est localisé dans un contexte éolien dense. Le rapport de la Mrae du 25 mai 2021 (page 5) recense 87 parcs représentant 438 éoliennes construites, autorisées et à l’étude dans un rayon de 20 km dans la « vallée de l’Oise ».
Carte de l’implantation des éoliennes du parc Vieilles Carrières– rayon de 10 km. Le projet s’étend sur une distance de plus de 8100 mètres. C’est sans doute l’un des éléments qui explique son impact sur l’ensemble des villages étudiés. Extrait de l’étude portant sur la saturation visuelle publiée par la DREAL des Hauts-de-France en février 2022.
Cette carte de la DREAL recense dans un rayon de 10km autour du village de Parpeville 144 éoliennes dont 57 sont déjà construites, 41 autorisées non construites et 46 en instruction dans les services de l’État.
Or le Val de l’Oise est une région riche en vestiges archéologiques, en monuments historiques et en sites mémoriels. L’association « Vent de folie » s’inquiète de l’impact de ces nouvelles constructions à proximité de plusieurs monuments majeurs :
- La butte de Laon est concernée à partir des remparts nord de la cité médiévale par un nouvel horizon éolien qui en sature la vue. L’éloignement est certes important mais l’impact est réel.
À l’horizon de la cathédrale de Laon des XIIe et XIIIe siècles, classée MH en 1840, un mur immense s’érige et avance au nord et à l’est. Là-bas, la nuit c’est Las Vegas !