Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 10 janvier 2025.
Marché de l'électricité
Électricité au cœur d’un hiver sous haute tension
Alors que l’hiver s’installe, la France fait face à une hausse de la demande d’électricité, exacerbée par des prévisions météorologiques plus froides que la normale, avec des températures moyennes négatives. La demande de pointe devrait atteindre 83,1 GW, contre une moyenne quotidienne de 76 GW, un défi pour un réseau fortement sollicité, notamment pour le chauffage. Cette tension énergétique contraste avec l’Allemagne voisine, où une légère hausse des températures atténue les besoins énergétiques.
Dans ce contexte, les interconnexions électriques entre pays européens jouent un rôle clé pour équilibrer l’offre et la demande, mais elles ne suffisent pas à réduire les risques de surcharge en période de grand froid. Les marchés de l’électricité, déjà sensibles à la variabilité climatique, reflètent ces incertitudes, renforçant la volatilité des prix. Avec une demande attendue en hausse, la capacité à répondre efficacement aux pics reste tributaire des sources d’approvisionnement, notamment du nucléaire, mais aussi des énergies renouvelables, moins prévisibles.
À la une
Le Royaume-Uni au bord de la crise énergétique
Le Royaume-Uni a frôlé la crise énergétique semaine dernière, illustrant une fois de plus la fragilité des réseaux électriques européens face aux défis croissants de l’approvisionnement. Mercredi, le gestionnaire national du système énergétique (NESO) a émis un rare avis de marché de capacité, signalant un déficit potentiel d’électricité.
Avec seulement 215 MW de capacité disponible au-dessus de la demande prévue, l’équilibre du réseau semblait sur le point de vaciller. Si cette alerte a finalement été levée grâce à l’activation en urgence de quatre turbines à gaz à prix exorbitants – jusqu’à 5750 GBP/MWh pour une unité à Rye House –, l’incident illustre l’ampleur des tensions sur le marché britannique.
Ces manœuvres de stabilisation ont toutefois un coût. Le prix du déséquilibre a atteint un sommet de 2 900 GBP/MWh, son plus haut niveau en trois ans, reflétant des marges d’approvisionnement historiquement serrées. Par ailleurs, les importations d’électricité, qui servent habituellement de soupape de sécurité, ont été lourdement entravées. Deux interconnexions stratégiques, BritNed et ElecLink, sont hors ligne, tandis que la Viking Link fonctionne à une capacité réduite. Résultat : les prix intrajournaliers ont grimpé à près de 600 GBP/MWh, bien au-delà des enchères journalières.
Cet épisode met en lumière les défis d’un réseau confronté à des pressions structurelles et à des aléas conjoncturels, exacerbés par la transition énergétique. Alors que l’hiver s’installe, cette situation appelle une réflexion urgente sur la résilience et la gestion de l’intermittence pour éviter une répétition de ces flambées tarifaires.
Les tendances électricité de la semaine par notre expert
Tensions et transitions sur les marchés de l’énergie
En Europe, la première adjudication de quotas carbone de l’année a atteint un sommet de quatre mois, avec un prix de 71,02 euros/tonne, mais une demande timide, marquée par un taux de couverture de 1,37. Ce résultat contraste avec les enchères plus dynamiques de l’an passé et reflète les défis d’une offre accrue et d’un marché encore fragile. Si le marché carbone évolue lentement, les traders restent prudents, dans un contexte où l’illiquidité tempère les fluctuations.
En Italie, la réforme « Tide » du marché de l’électricité, bien qu’ambitieuse, dévoile ses limites. L’introduction d’intervalles de négociation de 15 minutes et l’intégration accrue des énergies renouvelables promettent une modernisation alignée sur les standards européens. Toutefois, des incertitudes opérationnelles, combinées à un calendrier flou, freinent l’adhésion des acteurs du marché. Certains estiment que la pleine efficacité de ces mesures ne se manifestera qu’à long terme, laissant 2025 comme une année de transition.
Enfin, au Royaume-Uni, les températures glaciales et l’arrêt des livraisons de gaz russe via l’Ukraine ont réduit les réserves de gaz à des niveaux inquiétants, avec moins d’une semaine de consommation en stock. Pourtant, les importations de GNL restent élevées, apaisant les craintes d’un approvisionnement insuffisant. Greenpeace accuse Centrica d’alimenter l’alarmisme pour obtenir des subventions, soulignant une dépendance durable aux interconnexions européennes.
– Helder FARIA RUBIO,
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie
Marché du gaz
Gaz et GNL entre accalmie et incertitudes
L’arrêt des livraisons russes via l’Ukraine depuis le 1ᵉʳ janvier n’a pas encore provoqué de chocs majeurs, mais il illustre la fragilité d’un marché tributaire d’une offre diversifiée. Les stocks limités, combinés aux tensions géopolitiques persistantes, exposent l’Europe à des fluctuations rapides des prix. Par ailleurs, les discussions autour d’un éventuel plafonnement des prix du gaz montrent les efforts pour contenir les impacts sur les ménages, mais révèlent également les divergences au sein de l’Union européenne.
De son côté, le GNL continue de jouer un rôle stratégique dans la sécurité énergétique européenne. La capacité d’importation, notamment via des terminaux en France, en Espagne et aux Pays-Bas, a permis de compenser partiellement les ruptures d’approvisionnement russes. Cependant, à l’approche des mois les plus froids, la combinaison de faibles stocks et de pressions climatiques pourrait transformer ce répit en une nouvelle tempête énergétique.
À la une
Le GNL au cœur des tensions énergétiques mondiales
Les importations de GNL en Europe et en Turquie ont atteint leur niveau le plus bas depuis 2021, totalisant 99,3 millions de tonnes, loin du pic de près de 122 millions enregistré en 2023. Cette chute s’explique par un rééquilibrage des sources d’approvisionnement et une demande en baisse.
Malgré cela, le GNL reste la principale source de gaz pour l’Union européenne, représentant 37 % des importations totales, devant les livraisons norvégiennes (31 %). Les États-Unis se sont imposés comme le principal fournisseur de GNL de l’Europe (45 %), tandis que la Russie conserve une part notable (17 %), portée par des coûts compétitifs et l’absence d’interdiction généralisée.
En Asie, la dynamique est opposée : les importations ont atteint un record historique de 279 millions de tonnes, témoignant de l’appétit croissant des économies de la région.
Cette réorientation de la demande mondiale s’est opérée dans un contexte de stagnation des exportations globales, limitées à 411 millions de tonnes en 2024, leur plus faible croissance depuis 2020. Les États-Unis, leaders du marché, ont exporté 87 millions de tonnes, suivis de l’Australie et du Qatar.
L’avenir s’annonce sous tension pour l’Europe, avec des stocks qui s’épuisent et une demande industrielle en hausse, augurant une reprise des importations en 2025.
Les tendances gaz de la semaine par notre expert
La Moldavie accuse la Russie, l’Europe ajuste ses approvisionnements
En Moldavie, la crise humanitaire qui s’aggrave en Transnistrie illustre les conséquences géopolitiques d’une guerre énergétique sans précédent. Privée de gaz russe après l’arrêt des flux via l’Ukraine, cette région séparatiste pro-russe, habituée à la quasi-gratuité énergétique, plonge dans une crise où se chauffer au bois devient une nécessité. Le gouvernement moldave accuse Moscou de manipuler la situation pour exacerber l’instabilité, tandis que l’Union européenne, par la voix de la Commission, qualifie cette situation de « très grave ».
Parallèlement, le Royaume-Uni enregistre une chute historique de ses importations de GNL, tombées à leur niveau le plus bas en six ans. Ce repli s’explique par une demande domestique en berne et par une Europe qui renforce sa propre capacité d’importation. Cette évolution illustre un continent qui diversifie ses approvisionnements et réduit sa dépendance à la Russie. Néanmoins, les experts prévoient une remontée des importations britanniques en 2025, portée par de nouvelles installations de liquéfaction.
En contraste, la Norvège se positionne comme un pilier énergétique en Europe. Avec une production record de 124 milliards de mètres cubes de gaz en 2024, boostée par des mises à niveau majeures, le pays consolide son rôle de premier exportateur européen. Cette dynamique, portée par les champs de Troll et Johan Sverdrup, devrait se maintenir sur les prochaines années, alors que l’Europe réinvente son équilibre énergétique face à l’instabilité globale.
– Helder FARIA RUBIO
Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie