Rencontre avec Zanzim - Grand Petit Homme

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Après Peau d’Homme, succès aux plus de 200 000 exemplaires vendus en France, Zanzim revient avec un nouveau chef-d’œuvre, un roman graphique drôle, tendre et profondément humaniste qui soulève une question : que signifie être un grand homme ? Empreint d’une douce mélancolie qui contraste avec ses couleurs vives, ce récit touchant confirme le talent d’un auteur au style unique. Rencontre avec l'auteur.

Comment vous est venue l’idée de raconter les aventures de Stanislas, qui rapetisse après avoir fait le voeu de devenir “un grand homme” ?
J’aime bien l’idée d’aller à contre-courant. Dans ce cas de figure, j’ai voulu jouer sur l’ambivalence de la taille et de la grandeur d’âme. Devenir grand, c’est surtout s’élever sur le plan humain et pas seulement prendre quelques centimètres.

À quoi fait référence le titre de l’album ?
Le titre fait référence au film Little Big Man d’Arthur Penn (1970), avec Dustin Hoffman, un de mes acteurs préférés. L’histoire n’a rien à voir, même s’il est question de grandeur d’âme. Grand Petit Homme est aussi un clin d’oeil – peut-être inconscient – aux livres d’Hubert comme Les Ogres-Dieux avec les tomes Petit et Le Grand Homme (signés Hubert & Gatignol, éd. Soleil).

Du haut de son mètre cinquante-sept, Stanislas est trop timide pour aborder les femmes et n’a pas de succès en amour. Aurait-il pu développer une haine envers la gent féminine, qui soit le déconsidère soit le maltraite ? Comment garde-t-il son bon coeur ?
C’est un personnage timide et introverti qui est hypersensible. Au début, il a un point de vue limité sur les femmes. Mais au fur et à mesure, sa vision va évoluer. Il est à la fois victime puis bourreau, il va évoluer sans cesse en tenant compte de ses erreurs et de ses expériences.

Notre petit homme a une passion : les chaussures. Il travaille dans un magasin avec de jolies vendeuses qui le relèguent en arrière-boutique. Est-il une cendrillon ?
Stanislas est très attaché à la féminité et à l’élégance. C’est un expert, un magicien qui sait comment sublimer une cheville et rendre une femme sublime. Ce qui le freine, c’est le fait d’être extrêmement émotif et impressionné par les femmes. Il travaille alors dans l’ombre pour apporter la lumière…

Ce roman graphique pourrait se rapprocher du conte. On y découvre une chaussure magique qui a le pouvoir de changer notre destin. Quels autres éléments relèvent encore du conte ?
Le fait de ressentir des émotions fortes, de passer du sourire aux larmes, de percevoir une certaine gravité et une certaine légèreté dans la même oeuvre, contribuent au conte. On y retrouve également la grande épopée et le conte initiatique. Cependant, contrairement au conte, le lecteur se crée sa propre morale à la fin.

Pourquoi avoir ancré l’histoire dans le Paris des années 1960 ?
D’abord, c’est une époque intéressante sur le plan de la libération de la femme. C’est aussi une période très riche côté mode, que j’apprécie énormément au niveau du design (objet, graphisme, automobile, mode, musique, etc.) et qui, d’un point de vue graphique, m’a beaucoup inspiré.

Quand il ne mesure que onze centimètres, Stanislas est tour à tour proie des chats mais aussi des femmes, en devenant homme à tout faire puis objet sexuel. Les femmes peuvent-elles aussi être cruelles ?
Les hommes, tout comme les femmes, ont leur part d’ombre et de lumière, de bonté et de cruauté. Personne n’est fait d’un seul alliage. C’est exactement cette ambivalence que je cherchais à illustrer et à mettre en avant.

L’histoire est drôle et touchante, l’album en cela est un chef-d’oeuvre tragicomique qui nous fait vivre de grandes et de petites émotions. Le message principal réside-t-il dans cet adage : nous sommes “grands” de par nos actes et la conduite de notre vie ?
Oui, c’est tout à fait cela. L’Homme essaie de s’élever en dépit de ses faiblesses et tente d’être bon.

Le tragicomique s’illustre aussi dans les couleurs vives qui contrastent avec la mélancolie du récit. On retrouve votre patte graphique et votre style unique. Quelles ont été vos inspirations pour le personnage de Stanislas ?
Mes inspirations sont avant tout cinématographiques. Je pense aux films de François Truffaut comme Baisers Volés (1968) – avec le personnage d’Antoine Doinel – et L’Homme qui aimait les femmes (1977) avec le personnage joué par Charles Denner. Des films comme L’Aventure intérieure (1987) et L’Homme qui rétrécit (1957) ont également été très inspirants.

Avec Peau d’Homme (2020), vous abordiez la question de notre rapport au genre et à la sexualité. On retrouve dans ces pages la question de la sexualité (voyeurisme, frustration, domination, plaisir) tout comme celle du courage. Le courage d’être qui l’on est reste-t-il la clé de voûte de l’oeuvre ?
Il faut d’abord apprendre à se connaître pour pouvoir s’accepter. Il faut avoir le courage d’affronter ses peurs et ses angoisses pour devenir fort, sans perdre pour autant sa sensibilité.

Sur ce projet, vous réalisez les dessins et le scénario, et le résultat est magique. Comment avez-vous procédé ? Le dessin suffit-il parfois pour susciter une émotion, un comique de situation, etc. ? Est-il plus expressif que l’écrit ?
C’est une sorte de cuisine où il faut composer avec tact et modération : pas trop de sel ni trop de sucre. Laisser un dessin s’exprimer sans texte, éviter d’être redondant, faire vivre les personnages avec des dialogues mais aussi avec des silences : c’est une question d’alchimie.

Connaissez-vous beaucoup de “grands hommes” ?
Je dirais que les grands hommes sont sans doute ceux qui sont les moins connus ; ceux qui ont fait de grandes choses, dans l’ombre, sans être brûlés par la lumière de leur ego.

Recapiti
Glénat