[L'Actu - Janvier 2025] Alexandra Bertron - Regarder ensemble dans la même direction - INSA Toulouse

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Parmi vos grandes orientations figure la montée en puissance des actions contractuelles avec les partenaires socio-économiques, pourquoi ?

Alors que nous sommes sur une trajectoire financière très contrainte, avec un État qui se désengage de plus en plus, une stratégie de contractualisation avec les acteurs économiques en échange de notre expertise devrait permettre d’augmenter nos ressources propres. Mais pour y parvenir, nous devons mettre en place une démarche structurée, prospective et proactive, donc être force de proposition.

Il faudra travailler en concertation pour aller sur de nouveaux champs – comme l’accompagnement des entreprises à la transition -, et proposer à nos partenaires une offre totale et intégrée : en recherche et en formation. Cela peut passer par le développement de chaires ou par davantage de réponses à des appels à projets, comme, par exemple, les appels à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir », centrés sur la formation.

Cela nécessite d’aller chercher des entreprises partenaires, de renforcer la collaboration entre la Direction des relations entreprises et la Direction des études et de la formation. Cette recherche de nouvelles ressources financières est d’autant plus importante que l’INSA défend un modèle qui se veut très accompagnant pour les étudiants et privilégiant de bonnes conditions de travail des personnels.

En quoi ces relations contractuelles vont-elles bénéficier aussi aux étudiants ?

Même si les taux d’insertion de nos étudiants sont déjà très bons, nous pouvons toujours faire mieux. Et pour y contribuer, il faut que nos formations soient intimement connectées au monde professionnel, à ses besoins et ses évolutions. Nous avons également besoin que nos étudiants soient accompagnés sur certains dispositifs par les professionnels, des projets par exemple.

Nous avons la chance d’être dans une communauté qui est capable de faire de l’intelligence collective, qui a une vraie conscience de l’utilité
de sa mission pour la société.

Vous souhaitez aborder toutes les évolutions de l’établissement en impliquant la communauté…

Rien ne peut se faire sans embarquer la communauté, sans co-construire. Il faudra donc créer des espaces d’échanges pour tous les sujets. Les organiser prend du temps, mais cela nous rend plus forts.

Nous avons, par exemple, un projet de création d’un institut franco-chinois avec l’université Beihang, qui dispenserait une formation d’ingénieur avec 60 % des enseignements donnés en français. Or, c’est un sujet qui peut soulever des interrogations : qu’y gagne-t-on ? Comment l’organise-t-on sans se faire « aspirer » nos savoir-faire ? Mais c’est un formidable vecteur d’ouverture académique et culturelle. C’est pourquoi, alors que le projet doit être soumis au vote du Conseil d’administration en mars prochain, il est actuellement en discussion avec les personnels et les étudiants.

Pour réussir nos transformations, il est important que la communauté en perçoive le sens, donc qu’elle ait le temps de se saisir des sujets et d’y réfléchir. D’autant que nous avons la chance d’être dans une communauté qui est capable de faire de l’intelligence collective pour bâtir des choses utiles, qui a une vraie conscience de l’utilité de sa mission pour la société.

J’aime la confrontation des idées, entendre des points de vue différents pour pouvoir bâtir un chemin qui soit la meilleure synthèse de toutes les sensibilités.

Comment allez-vous poursuivre la transition vers un système plus soucieux de son impact environnemental et social ?

Nous disposons d’un contexte favorable, celui de la mise en œuvre des schémas directeurs DDRSE [l’élaboration d’une feuille de route, sur cinq ans, des actions de l’établissement pour contribuer à la transition écologique et sociétale, ndlr]. C’est l’occasion de faire encore évoluer nos pratiques. Entre autres actions, je souhaite créer une direction adjointe DDRSE.

L’idée ? Que ces sujets soient portés au plus haut niveau pour qu’ils soient ensuite déclinés à tous les niveaux, et de façon transversale, en formation, recherche, bâtiments…

Pourquoi créer une direction adjointe pour ce faire ?

J’aime la confrontation des idées, entendre les points de vue différents pour pouvoir bâtir un chemin qui soit la meilleure synthèse de toutes les sensibilités. C’est ce qui permet d’avoir la stratégie la plus solide. Une commission des statuts travaille déjà sur cette création, que j’espère voir validée en février.

En complément de ce portage politique, sera créé un centre de transition environnementale qui sera en charge du portage opérationnel, un équivalent du centre Gaston Berger pour ces questions. Un projet que l’établissement avait déjà inscrit, parmi ses projets structurants, dans son contrat d’objectifs et de performance 2024-2026.

Vous prônez la transversalité, qu’entendez-vous par là ?

Il s’agit de renforcer le lien entre formation et recherche afin de susciter encore davantage d’innovation chez les étudiants. L’idée ? Les faire s’interroger, à travers des ateliers, sur l’utilité des sujets que nous abordons pour la société en recherche : de la façon dont on pose les questions jusqu’aux résultats et la façon dont cela se traduit en retombées pour la société. De même, il faut davantage regrouper nos étudiants de disciplines différentes et mettre toutes les disciplines en regard avec les SHS.

À titre d’exemple, il est utile qu’il sachent que travailler dans le génie civil avec des granulats recyclés issus de bâtiments déconstruits permet de limiter la quantité de déchets que l’on génère, mais que persistent des verrous, en particulier une réglementation qui limite leur utilisation. De la même manière, ils doivent avoir conscience que parmi les gros leviers à travailler figure l’acceptabilité.

L’idée, à travers ces ateliers, est d’activer cet intérêt pour l’innovation et en même temps ce raisonnement : comment, en tant qu’ingénieur, je vais pouvoir agir pour accélérer la transition ?

J’aime construire et quand c’est difficile, cela me procure encore plus de plaisir !

Qu’en est-il enfin de vos pistes pour renforcer l’internationalisation de l’établissement ?

Si je devais dire « I have a dream », ce serait celui-là ! Mon rêve serait d’ouvrir suffisamment le campus pour que, dans 5 ans, je puisse y entendre toutes les langues ! Et que cette évolution soit vécue par tous comme une opportunité, car nous avons tous à apprendre de toutes les cultures.

S’ouvrir à l’international, ce n’est pas juste parler l’anglais, c’est savoir être un vrai lieu d’accueil pour les étudiants internationaux, donc travailler sur le rayonnement de l’établissement. Nous devons conforter des accords de coopération avec l’Espagne et l’Allemagne, avancer en parallèle avec les pays scandinaves, avec l’Afrique, un terrain quasi vierge à travailler, ou encore le Moyen-Orient. Et cette réflexion sur les territoires avec qui nous aurons envie de collaborer, en fonction de nos spécificités et de nos points forts, doit faire aussi l’objet d’une réflexion collective.

Vous étiez déjà très investie dans la recherche, sur des fonctions à responsabilités, qu’est-ce qui vous a décidé à candidater sur ce poste de direction ?

Je suis passionnée par mon travail, j’ai toujours aimé apprendre et me challenger : j’aime construire, et quand c’est difficile, cela me procure encore plus de plaisir !

Mais il y a deux ans, j’ai eu envie d’apprendre autre chose et pas forcément dans une posture scientifique. Au printemps dernier, je me suis dit « c’est maintenant ou jamais ». J’avais vraiment envie de travailler sur l’humain et de voir une répercussion immédiate sur mon environnement.

Rédaction : Camille Pons, journaliste

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Chrystelle Bonnabau