Florence Gros, KTO radio, La parole aux associations, 5 février 2025
Florence Gros : Le déficit auditif touche environ 7 millions de personnes en France. Ce nombre très conséquent de personnes et quelques récentes rencontres m’appellent à oser parler d’elles, même si elles ne se reconnaissent pas dans la grande famille des personnes handicapées. « Nous ne sommes pas des handicapés, nous sommes une minorité linguistique. » témoignent certaines personnes sourdes ou malentendantes. Elles ont, en effet, développé une langue – la langue des signes – et une culture qui leur permettent de vivre entre elles et parmi nous. Aux entendants, elles disent : « Cessez de vouloir nous guérir, cessez de vouloir nous changer ».
Comment entrer en relation avec une personne sourde ?
Florence Gros : Entrer en relation, c’est aller vers elle pour lui signifier notre désir de communiquer avec elle, en la regardant. On dit souvent qu’un pas vers une personne sourde, c’est faire la moitié du chemin dans la communication. Trop souvent, les entendants fuient pour ne pas se trouver en échec et avouons-le, nous peinons déjà à nous entendre entre nous, bien-entendants, encore plus à nous écouter, alors aller vers l’autre qui communique différemment, oui, cela demande un effort. C’est pourquoi, toute tentative sincère de communication avec une personne malentendante est bien accueillie.
Concrètement, si la personne est appareillée, elle lira probablement sur nos lèvres. Il suffit alors de se placer devant elle (en évitant les contre-jours) et de parler distinctement sans crier. Si son mode de communication est la langue des signes, il faudra garder le contact visuel et sans doute favoriser l’écrit. Quelques signes appris facilitent la communication, mais apprendre l’ensemble de la langue des signes demande une véritable formation.
Quelles sont les expériences de la Fondation OCH avec les personnes sourdes ou malentendantes ?
Florence Gros : Non seulement la Fondation OCH se sent très concernée par cette communauté soudée mais elle apprend d’elle. Chaque rencontre avec une personne sourde est un enrichissement personnel et plus largement pour la Fondation. J’aime leur présence lors des conférences de l’OCH que nous essayons de rendre accessibles. Elles sont, la plupart du temps, signées. La langue des signes met, je trouve, une certaine poésie et la prière finale signée et gestuée par tous est une véritable chorégraphie. C’est tout simplement beau à voir. Travailler avec une personne sourde demande une adaptation, une bonne adaptation, quand ce n’est pas une habitude.
Par exemple, inviter une personne sourde à une réunion, c’est ne jamais oublier de la regarder, c’est articuler (ce que j’ai bien du mal à faire), c’est lui laisser le temps d’intervenir et s’assurer qu’elle a pu suivre notre discours en même temps que les visuels projetés, c’est aussi vérifier qu’elle suit l’ensemble des réactions … les personnes sourdes nous apprennent à nous écouter vraiment.
Récemment, l’équipe de l’OCH a invité Xavier Lopinnet, dominicain, docteur en théologie spirituelle et prêtre référent de la communauté sourde de France. Il ne cache pas le temps qu’il lui a fallu pour comprendre les personnes sourdes. Il dit : « La communauté des sourds constitue un véritable pays, une planète à part, un univers même. Mais, au fond de chaque sourd, se trouve un monde intérieur, bien plus délicat encore à appréhender. » Il leur a consacré un magnifique livre intitulé « Les sourds, en ce jour-là, entendront les paroles du livre » aux éditions du Cerf. Son témoignage m’a touché. En effet, les sourds ont modifié sa présence aux autres et à Dieu, dans sa façon d’écouter, de regarder et d’exprimer avec son visage ce qu’il dit. Une invitation pour chacun, à offrir son visage à l’autre et à accueillir celui de l’autre comme une grâce.
J’ai remarqué, en effet, que beaucoup de vos évènements sont accessibles. Avez-vous une invitation particulière à faire à la communauté des sourds ? Ou à faire à l’ensemble de nos auditeurs ?
Florence Gros : J’espère que la communauté des sourds se sait la bienvenue à l’OCH. La Fondation OCH vient de lancer une formation en ligne. 5 intervenants confrontés au handicap nous donnent à réfléchir sur 5 visages de Dieu. Cette formation est complètement accessible, sous-titrée et signée. Comme l’OCH invite à vivre ce MOOC en petite fraternité, j’invite tous les auditeurs à se procurer cette formation (sur le site de l’OCH ou d’e-Theo notre partenaire) et à former un petit groupe autour de personnes malentendantes. Une belle façon de se rencontrer, de réfléchir à plusieurs, de partager nos expériences, de s’écouter en profondeur et de communiquer différemment.