Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes et durant tout le mois de mars, redécouvrez le destin hors norme de quatre sénonaises d'exception. Une série de fabuleux destins ! Aujourd'hui, découvrez l'histoire d'Augusta Hure.
Qui aurait imaginé qu’Augusta Hure, fille de vignerons, deviendrait la première femme conservatrice de musée en France ? Figure emblématique du paysage culturel et scientifique de Sens, elle a su tracer son chemin dans un monde dominé par les hommes, grâce à sa détermination et sa passion pour le savoir.
Des racines modestes
Augusta Hure est issue d'une famille de vignerons dont les vignes, situées à Saint-Martin-du-Tertre et Paron, sont durement frappées par la crise du phylloxéra. Le décès de son père en 1883, alors qu'elle n'a que 13 ans, l'oblige à quitter l'école pour aider sa mère Joséphine, qui ouvre alors une boutique de modiste. Ce bouleversement façonne son caractère ainsi que son engagement futur.
Une curiosité insatiable et un goût pour le voyage
Très jeune, Augusta manifeste une curiosité insatiable pour le monde qui l'entoure. Entre 1895 et 1907, elle sillonne la France et l’Europe, visitant notamment Pornic, Nice, et l'Italie. Ces voyages nourrissent son intérêt pour la géologie, l’histoire et les arts, qu'elle consigne minutieusement dans de petits carnets. En 1913, elle publie "L'Italie et ses beautés", un récit de voyage qui reflète son amour pour la nature et son talent d'écrivaine.
Une femme d’engagement
La Première Guerre mondiale constitue un tournant majeur. Sensible et patriote, Augusta s'engage au chevet des blessés. D’abord infirmière, elle devient rapidement sous-directrice de l'hôpital militaire n°105 à Sens. Son dévouement lui vaut d'être distinguée par l’Insigne spécial en or du ministère de la Guerre en 1919.
Une autodidacte au service de la science
Parallèlement, Augusta se révèle comme une auteure prolifique. Elle publie des articles de presse, des notices scientifiques et même un roman inachevé sous le pseudonyme de Savinienne Delavanne, rendant hommage à son père Savinien Hure, à la rue Savinien Lapointe et à la rivière la Vanne. Membre de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, elle y publie plus de soixante articles.
Autodidacte, Augusta se fait un nom dans le domaine de la géologie. Sa rigueur scientifique et sa méthode de travail, alliant collecte de notes bibliographiques et rédaction de rapports, lui valent une reconnaissance nationale. En 1916, la Société géologique de France lui décerne une médaille d’argent pour ses travaux sur les ressources naturelles de l’Yonne.
Première femme conservatrice de musée en France
Sa carrière atteint son apogée en 1920 lorsqu'elle est nommée conservatrice du musée municipal de Sens et du musée Jean Cousin par Lucien Cornet, maire réformateur. Elle devient ainsi la première femme en France à occuper un tel poste, qu'elle assure à titre bénévole jusqu'à sa mort. Âgée de 50 ans, cette nomination récompense une vie consacrée à la connaissance et à la transmission du savoir.
Réformatrice et gestionnaire
Augusta modernise le musée et enrichit ses collections. Elle défend notamment l'acquisition de pièces historiques d’importance, comme le chapeau porté par Napoléon à Waterloo. Sous sa direction, la salle de peinture est transformée en 1931, une salle dédiée aux souvenirs napoléoniens est aménagée, et une salle d'histoire naturelle ouvre en 1946. Malgré les contraintes financières, Augusta gère l’institution avec une grande efficacité. Dès 1948, elle applique la nouvelle réglementation sur le registre d'inventaire, tout en assurant les visites guidées.
Un legs précieux à la Ville de Sens
Fidèle à son attachement pour sa ville natale, Augusta Hure lègue ses biens à la Ville de Sens, avec pour condition que le produit de cette donation soit consacré à l'entretien et à l'enrichissement du musée. Sa collection riche de plusieurs milliers de silex néolithiques vient compléter le fonds muséal. En reconnaissance, une rue du quartier sud est baptisée en son honneur en 1959.
Un héritage durable
Augusta Hure laisse une empreinte indélébile sur le patrimoine local et la recherche scientifique. Son impressionnante bibliographie, forte de 112 articles et de plusieurs ouvrages de référence sur le Sénonais (« Le Sénonais préhistorique », « Le Sénonais aux âges du Bronze et du Fer », « Le Sénonais gallo-romain »), témoigne de son inlassable quête de savoir.
Décédée en janvier 1953 à l'âge de 93 ans, Augusta Hure demeure une figure marquante de l'histoire locale et de la recherche scientifique. Son destin exceptionnel force le respect et inspire encore aujourd'hui les générations futures.