Hétérosexualité compulsive et assimilation coloniale : Décoloniser le désir

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Suite à ma lecture de Et maintenant le pouvoir écrit par Fania Noël, j’aimerais faire un parallèle entre le concept d’hétérosexualité compulsive énoncé dans cet ouvrage et la logique d’assimilation coloniale. Comment l’hétérosexualité a-t-elle été imposée comme norme universelle et outil de domination ? En s’appuyant sur Et maintenant le pouvoir de Fania Noël, cet article analyse le concept d’hétérosexualité compulsive et son rôle dans l’assimilation coloniale. De la destruction des structures familiales précoloniales aux injonctions modernes, il interroge les moyens de repenser le désir hors des cadres imposés.

Qui est Fania Noël ?

Fania Noël est une militante afro-féministe, essayiste et activiste engagée dans les luttes antiracistes, féministes et décoloniales. Elle a participé à divers mouvements sociaux, notamment le collectif afroféministe Mwasi, et contribue à la revue Assiétan. Son ouvrage Et maintenant le pouvoir propose une réflexion radicale sur l’émancipation des personnes opprimées, en mettant en lumière les mécanismes de domination systémique, y compris dans les sphères de l’intime et du désir.

Définition et contexte de l’hétérosexualité compulsive

Le concept d’hétérosexualité compulsive a été théorisé par Adrienne Rich – poétesse, professeure et militante américaine. Il désigne la pression sociale qui impose l’hétérosexualité comme norme universelle, rendant invisibles ou marginalisant les autres orientations sexuelles. Cette norme structure les relations de pouvoir, où les femmes et les minorités de genre se voient enfermées dans des attentes prédéterminées autour de la sexualité et de la famille. L’hétérosexualité n’est donc pas simplement une orientation parmi d’autres, mais une institution qui sert à maintenir un ordre social patriarcal et capitaliste.

L’hétérosexualité compulsive et l’assimilation coloniale

L’hétérosexualité compulsive peut être perçue comme un outil d’assimilation coloniale. Le colonialisme, en plus de la domination économique et politique, a imposé des normes sociales et sexuelles aux populations colonisées. Dans de nombreuses sociétés précoloniales, les structures familiales et les rapports de genre étaient bien plus diversifiés, incluant des formes de parenté non binaires, des sexualités fluides et des organisations matrilinéaires. Le colonialisme européen a imposé le modèle patriarcal et hétérosexuel, souvent sous couvert de « civilisation ».

Des exemples concrets illustrent cette imposition. Par exemple, dans les sociétés amérindiennes, les Two-Spirit étaient respectés pour leur fluidité de genre, mais la colonisation européenne a criminalisé et stigmatisé ces identités. La chanson Two-Spirit Anthem (Noodl Beats) de l’artiste Bobby Sanchez que je vous recommande vivement, en parle.

En Afrique et aux Caraïbes, la polygamie et les structures matrilinéaires ont été combattues par les missionnaires chrétiens, qui imposaient le mariage monogame et hétérosexuel comme seule norme acceptable.

Repenser le désir hors de l’hétéronormativité

Pour sortir de la domination patriarcale et néocoloniale, il est essentiel de déconstruire les normes de désir imposées. Fania Noël, dans sa critique, propose une contre-politique de la désirabilité, qui consiste à désamorcer les structures de pouvoir dans nos relations affectives et sexuelles. Cela implique de revaloriser des formes de solidarité, d’amour et de désir qui ne sont pas conditionnées par la reconnaissance du patriarcat ou du capitalisme.

Réinterroger nos désirs, c’est ainsi un acte politique de décolonisation, une manière de reprendre le pouvoir sur nos corps et nos relations, en dehors des injonctions normatives. C’est aussi une invitation à redéfinir la sexualité comme un espace de libération, plutôt que de soumission à un ordre imposé.

Recapiti
Kevin N