Rapport de la Cour des comptes sur l’attractivité de la France pour les étudiants étrangers
Une évaluation de l’attractivité de l’enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux
COUR DES COMPTES 10.03.2025
Le nombre d’étudiants en mobilité diplômante dans le monde est passé de 600 000 en 1975 à 3,5 millions en 2005 et à 6,4 millions en 2021, après l’arrêt notable de l’année 2020-2021 marquée par la crise sanitaire. Les étudiants en déplacement international représentent aujourd’hui 2,7 % des 256 millions estimés dans le monde, contre 2 % seulement en 2008. L’accueil de ces derniers fait l’objet d’une compétition de plus en plus intense entre les établissements d’enseignement supérieur pour attirer les talents, mais aussi entre les États qui associent leurs stratégies d’attractivité à des objectifs plus ou moins précis. Sur la base des données de l’Unesco qui recense le nombre des étudiants internationaux en mobilité dite diplômante, la France était le deuxième pays d’accueil en 1980 derrière les États-Unis et le quatrième en 2017. Elle est en 2022 septième derrière le Canada, l’Allemagne et la Russie. L’évaluation de la politique publique d’attractivité de l’enseignement supérieur prolonge plusieurs travaux récents de la Cour des comptes sur les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur, les programmes d’études internationaux ainsi que sur l’entrée et le séjour des personnes étrangères en France.
La politique d’accueil des étudiants étrangers en France est-elle en adéquation avec les différents enjeux nationaux (économie, recherche, migrations, société et influence) ?
Par rapport aux autres principaux pays d’accueil d’étudiants internationaux, la France ne parvient pas à choisir les objectifs qu’elle assigne à l’attractivité internationale de l’enseignement supérieur en matière de mobilité étudiante. Historiquement, le principal objectif était le rayonnement culturel et linguistique par l’accueil d’un grand nombre d’étudiants internationaux. Dans un contexte de remise en question des finalités de l’accueil de ces derniers, plusieurs réformes majeures se sont succédées, sans jamais être coordonnées dans une même temporalité. La procédure de candidature et de sélection « Études en France » représente à partir de 2007 un premier effort de coordination entre les services de l’État et les établissements d’enseignement supérieur. L’action extérieure de l’État a ensuite connu une importante réforme organisationnelle avec la création de Campus France, dont les objectifs étaient d’améliorer, entre autres, la qualité de l’accueil des étudiants internationaux. Enfin, la politique migratoire a connu de nombreuses évolutions, sous l’effet de lois successives. Une tendance nette s’en dégage en faveur de la fluidification du parcours des étudiants étrangers avec notamment l’introduction du visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) ou encore leur contribution à la recherche française par le biais du passeport-talent. Ces évolutions parallèles ont été réunies pour la première fois dans une stratégie interministérielle d’ensemble, avec l’annonce de la stratégie « Bienvenue en France » fin 2018. Elle s’est heurtée à l’incapacité des ministères à prioriser les objectifs associés à l’attractivité, débouchant sur un objectif quantitatif d’accueil de 500 000 étudiants étrangers, dont l’atteinte est en bonne voie avec 430 000 personnes recensées en 2023-2024.
Les actions et les moyens mis en œuvre contribuent-ils à l’attractivité, à l’accueil et à l’amélioration du parcours des étudiants étrangers ?
La mise en œuvre concrète de la politique d’attractivité dépend d’une coordination étroite d’un grand nombre d’administrations, qui interviennent dans le parcours de l’accueil puis du séjour des étudiants étrangers. Elle présente d’importantes marges de progression, sur le plan du calendrier d’admission de ceux-ci dans l’enseignement supérieur et du renouvellement des titres de séjour. Au sein des établissements d’enseignement supérieur, la mobilité individuelle des étudiants internationaux est peu pilotée voire mal connue. Elle est donc insuffisamment prise en compte dans la stratégie d’attractivité, bien que la sélectivité soit importante. Outre la nécessaire amélioration du suivi des étudiants internationaux en mobilité individuelle et des alumni, les services centraux des universités et leurs regroupements pourraient accentuer le développement des mobilités encadrées, en particulier à l’occasion des universités européennes qui disposent de financements de l’Union européenne (UE). Enfin, la connaissance des formations prodiguées par les universités, fortement dépendantes des étudiants internationaux, mérite d’être améliorée. Cela bénéficierait, tant aux établissements eux-mêmes qu’aux services de l’État et permettrait de mieux distinguer les formations d’excellence répondant à des besoins en matière de recherche et d’emploi de celles dont la qualité justifierait une évaluation. Un effort doit aussi être fait pour accroître l’offre de formation en langue anglaise et, dans le même temps, l’offre de cours de français langue étrangère.
Quels sont les impacts mesurables de la politique en matière d’enseignement supérieur, de recherche, d’économie, d’emploi et de rayonnement ?
La mesure précise de l’impact de la politique d’attractivité de l’enseignement supérieur sur différentes variables telles que la croissance économique, l’emploi, l’innovation ou encore la production scientifique est particulièrement complexe. Des limites méthodologiques ainsi que des contraintes d’appariement des données disponibles obligent à estimer ces impacts d’une façon encore approximative. De plus, l’absence de situation contrefactuelle à la politique d’attractivité formulée dans la stratégie « Bienvenue en France » ne permet pas d’estimer directement l’impact de ses mesures, et ce d’autant plus que la crise sanitaire a eu un effet majeur sur la mobilité internationale des étudiants entre 2020 et 2022. Il est toutefois possible d’apprécier les effets associés à l’accueil de ces derniers dans certains champs. Le coût net pour les finances publiques de la présence dans l’enseignement supérieur français de plus de 10 % d’étudiants internationaux est d’environ un milliard d’euros, ce qui en soi justifie, au vu de l’état de nos finances publiques, une évaluation plus rigoureuse de ses apports et ainsi qu’une implication de l’ensemble des ministères concernés par les objectifs associés à l’attractivité. Des priorités claires, pérennes et largement concertées méritent d’être établies pour stabiliser l’action de l’État en faveur de l’attractivité vis-à-vis des étudiants internationaux. Une priorisation sur la base des compétences professionnelles et des disciplines scientifiques à renforcer constituerait un point d’entrée pertinent, sans se substituer notamment aux considérations diplomatiques.