Impossible d’évoquer le jazz sans mentionner Miles Davis. Trompettiste visionnaire, éternel expérimentateur, il a traversé les époques en bouleversant les codes du genre. Des premiers enregistrements bop aux fulgurances électriques, chaque album est une porte ouverte sur un univers en perpétuelle mutation. Mais par où commencer dans cette discographie aussi foisonnante que fascinante ? Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs albums de Miles Davis à écouter absolument, en vinyle de préférence !
Birth of the Cool (1949-1957)
Birth of the Cool de Miles Davis, sorti en 1957, compile des enregistrements réalisés en 1949-1950. Cet album marque l’émergence du cool jazz, un style plus doux et sophistiqué contrastant avec le bebop dominant. Le nonet de Davis, avec une instrumentation innovante incluant cor d’harmonie et tuba, enrichit la palette sonore du jazz. Les arrangements, signés par Gil Evans, Gerry Mulligan et John Lewis, fusionnent influences classiques et jazz. Des morceaux emblématiques comme Move et Boplicity illustrent cette approche raffinée. Bien que peu reconnu à sa sortie, l’album a profondément influencé le jazz des années 1950. Et reste encore aujourd’hui une œuvre incontournable.
Cookin’ with the Miles Davis Quintet (1957)
Sorti en 1957, Cookin’ with the Miles Davis Quintet est l’un des quatre albums enregistrés lors de sessions marathon par le légendaire quintet de Miles Davis, comprenant John Coltrane, Red Garland, Paul Chambers et Philly Joe Jones. Ces sessions, organisées pour honorer un contrat avec Prestige Records, ont donné naissance à des œuvres majeures du jazz hard bop. L’album se distingue par son improvisation fluide et son énergie captée en prise directe, sans retouches. Des titres comme My Funny Valentine et Blues by Five illustrent à merveille la maîtrise technique et la créativité du groupe.
Milestones (1958)
Sorti en 1958, Milestones est un album phare de Miles Davis qui marque une transition cruciale entre le hard bop et le jazz modal. Enregistré avec un sextet d’exception comprenant John Coltrane, Cannonball Adderley, Red Garland, Paul Chambers et Philly Joe Jones, cet opus explore de nouvelles dimensions harmoniques et rythmiques. Ainsi, le titre éponyme, Milestones, est une composition emblématique qui introduit des structures modales, préfigurant le chef-d’œuvre à venir : Kind of Blue.
Kind of Blue (1959)
Kind of Blue, sorti le 17 août 1959, est un album emblématique du trompettiste Miles Davis, enregistré au Columbia’s 30th Street Studio à New York. Cet opus marque une transition vers le jazz modal, offrant aux musiciens une liberté d’improvisation accrue en se basant sur des modes plutôt que sur des progressions d’accords complexes. L’album réunit un sextet prestigieux composé de John Coltrane (saxophone ténor), Julian « Cannonball » Adderley (saxophone alto), Bill Evans et Wynton Kelly (piano), Paul Chambers (contrebasse) et Jimmy Cobb (batterie). Des morceaux tels que So What et All Blues illustrent cette approche innovante. Considéré comme le chef-d’œuvre de Davis, « Kind of Blue » est souvent cité comme le plus grand album de jazz jamais enregistré, avec une influence notable sur le jazz, le rock et la musique classique.
Sketches of Spain (1960)
Sketches of Spain, sorti en juillet 1960, est le fruit de la collaboration de Miles Davis avec l’arrangeur Gil Evans. Enregistré entre novembre 1959 et mars 1960 au Columbia 30th Street Studio de New York, cet opus fusionne jazz, musique classique européenne et mélodies traditionnelles espagnoles, illustrant le genre « Third Stream ».
L’album se distingue par sa réinterprétation de l’Adagio du Concierto de Aranjuez de Joaquín Rodrigo et de Will o’ the Wisp tiré du ballet El amor brujo de Manuel de Falla. Ces adaptations témoignent de l’attrait de Davis pour les sonorités ibériques et de sa volonté d’explorer de nouvelles dimensions musicales. Il est considéré comme une œuvre majeure de la discographie de Miles Davis.
E.S.P. (1965)
E.S.P., sorti en 1965, est le premier album studio du deuxième grand quintette de Miles Davis, composé de Wayne Shorter (saxophone ténor), Herbie Hancock (piano), Ron Carter (contrebasse) et Tony Williams (batterie). Enregistré en janvier 1965 aux studios Columbia à Hollywood, cet opus marque une transition vers le post-bop et le jazz modal, explorant des structures harmoniques innovantes et une interaction musicale télépathique entre les membres du groupe. L’album se distingue par des compositions originales telles que E.S.P. de Shorter, Eighty-One de Carter et Davis, et Little One de Hancock, qui illustrent la synergie créative du quintette. La pochette présente une photographie de Miles Davis et de son épouse Frances Taylor, capturant un moment intime avant leur séparation. Il est considéré comme un jalon essentiel dans la carrière de Miles Davis.
In a Silent Way (1969)
In a Silent Way, sorti le 30 juillet 1969, marque une étape cruciale dans la carrière de Miles Davis, amorçant sa période électrique et fusionnant jazz et rock. Enregistré en une seule session le 18 février 1969 au CBS 30th Street Studio à New York, l’album présente deux longues compositions : Shhh/Peaceful et In a Silent Way/It’s About That Time. Ces pièces, caractérisées par des ambiances méditatives et des structures innovantes, reflètent l’expérimentation sonore de Miles Davis. L’album réunit des musiciens de renom tels que Wayne Shorter (saxophone soprano), John McLaughlin (guitare électrique), Chick Corea, Herbie Hancock et Joe Zawinul (claviers), Dave Holland (contrebasse) et Tony Williams (batterie). À sa sortie, In a Silent Way a suscité des réactions mitigées, mais il est aujourd’hui reconnu comme une œuvre majeure ayant très largement influencé l’évolution du jazz fusion.
On the Corner (1972)
On the Corner, sorti le 11 octobre 1972, est une enieme illustration des tentatives reussie de Miles Davis d’explorer de nouvelles frontières musicales. Fusionnant jazz, funk et musiques expérimentales, cet opus se distingue par des grooves répétitifs et une utilisation innovante des instruments électroniques. Miles Davis y intègre des influences de compositeurs avant-gardistes tels que Karlheinz Stockhausen, enrichissant ainsi la texture sonore de l’album. Malgré une réception critique initialement mitigée, On the Corner est aujourd’hui reconnu pour son influence majeure sur des genres variés, notamment le funk, le jazz et la musique électronique. Encore un album qui témoigne de la volonté constante de Miles Davis de repousser les limites du jazz et d’innover dans le paysage musical contemporain.
Decoy (1984)
Le 5 septembre 1975, après un concert à Central Park, Miles Davis quitte la scène et ne réapparaitra plus pendant près de six années. C’est une véritable traversée du désert. Miles s’enferme chez lui et vit reclus dans la solitude, la dépression, l’alcool et la drogue. Il faudra attendre le début des années 1980 pour le retrouver.
Decoy, sorti en 1984, est emblématique de ce grand retour. Enregistré en 1983, cet opus marque un tournant avec l’absence du producteur Teo Macero, Davis assumant lui-même la production. L’album intègre des sonorités synthétiques, notamment grâce au clavieriste Robert Irving III, qui coécrit plusieurs compositions. Le guitariste John Scofield apporte une touche distinctive, mêlant funk et abstraction chromatique. Un excellent album fusionnant remarquablement jazz, rock et funk.
Amandla (1989)
Sorti en 1989, Amandla est le dernier album studio enregistré par Miles Davis avant son décès en 1991. Produit par Marcus Miller et Tommy LiPuma, cet opus marque une étape significative dans l’évolution du jazz fusion, mêlant influences africaines, funk, zouk et électro. Le titre, Amandla, signifie « pouvoir » en zoulou, reflétant l’engagement constant de Miles Davis dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud.
Avec des compositions comme Hannibal et Mr. Pastorius, l’album explore des textures sonores riches, intégrant synthétiseurs, percussions africaines et grooves funk. Critiquement acclamé, Amandla est souvent considéré comme l’un des meilleurs albums de la période fusion de Miles Davis. Un opus où l’on retrouve des musiciens de renom, tel que Joe Sample, Kenny Garrett, George Duke, ou Omar Hakim.
Aura (1989)
Aura est une œuvre visionnaire enregistré en 1984 mais publié en 1989. Cet album conceptuel se distingue par son ambition artistique et son approche expérimentale. Composé par le trompettiste danois Palle Mikkelborg, cet opus est un hommage à Miles Davis, structuré autour de dix mouvements correspondant aux couleurs de l’aura de ce dernier. Il fusionne jazz, musique électronique et orchestration symphonique, créant une toile sonore complexe et immersive. Voici comment Miles Davis lui-même en parlait, quelques années avant sa sortie : » La peinture m’aide aussi à faire de la musique. J’attends que Columbia veuille bien sortir « Aura », ce disque fait au Danemark avec la musique de Palle Mikkelborg. Je pense vraiment que c’est un chef-d’œuvre. «
Le vinyle, une culture
Si vous n’avez pas encore succombé au retour du vinyle, qui n’a par ailleurs jamais disparu, il est temps de vous y mettre.
Bien plus qu’un simple objet, il séduit de plus en plus, néophytes et passionnées, par la qualité de ses pochettes, sa fidélité sonore et la richesse du son.
De plus, il permet de se réapproprier l’instant et de prendre le temps.
Tout commence par ce petit rituel, où l’on choisit son disque, puis on extrait la galette de sa pochette et de son étui en plastique. Il faut ensuite la poser sur la platine, positionner soigneusement l’aiguille, savoir apprécier son crépitement si caractéristique, s’assoir et écouter, en parcourant la jaquette.
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Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute.
Hakim Aoudia.