Hebdo de l’énergie : l’actualité des marchés du 17 avril 2025

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Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 17 avril 2025.

Marché de l'électricité

Électricité et Carbone : pauses tactiques avant la reprise

Le marché de l’électricité en Allemagne a observé une pause après une série de hausses, avec une légère baisse des contrats à terme à 82,80 euros/MWh. Ce repli est dû à une demande d’électricité plus faible anticipée pendant les vacances de Pâques et à la baisse des prix du carbone. Toutefois, les traders anticipent une reprise potentielle des prix dans les semaines à venir, après cette phase de consolidation.

Parallèlement, le marché du carbone a enregistré un léger recul, le contrat EUA descendant à 65,62 euros/t, bien qu’il reste plus élevé que la semaine dernière. Ce rebond des prix du carbone semble exagéré, notamment en l’absence de fondamentaux solides. Dans l’ensemble, la dynamique des marchés de l’électricité et du carbone reste fragile, et bien que les prix aient légèrement baissé, des ajustements à la hausse sont attendus, notamment en raison de la faible liquidité et de l’incertitude économique.

À la une

Un réseau électrique au bord de la saturation

C’est une situation inhabituelle que traverse actuellement le réseau électrique français : une offre excédentaire persistante qui met le gestionnaire de réseau RTE en alerte. En mars et avril, l’équilibre du système a nécessité des mesures exceptionnelles, parmi les plus coûteuses du marché européen. RTE a même payé jusqu’à 12 000 euros/MWh pour exporter son surplus d’électricité vers les pays voisins.

Le paradoxe de l’excès

Ce déséquilibre provient d’un mix énergétique difficilement maniable. Le nucléaire, qui a retrouvé des niveaux de production inédits depuis six ans, et une capacité solaire en forte hausse  génèrent une surabondance en milieu de journée.

Le problème ? Une demande toujours modérée au printemps, combinée à une inertie du nucléaire peu adaptable aux pics et creux de consommation, et un gaz trop onéreux pour lisser les flux.

Conséquence directe : des prix négatifs sur le marché dès fin mars – un record de précocité – et des énergies renouvelables que l’on paie pour ne pas produire. Une aberration économique révélatrice d’un système qui peine à suivre l’accélération de la transition énergétique.

Et maintenant ?

RTE multiplie les appels à la rigueur pour les producteurs et agrégateurs : fournir des prévisions fiables, ajuster l’offre en amont. L’été pourrait offrir un répit grâce aux arrêts de maintenance nucléaire et à une moindre production éolienne. Mais le fond du problème demeure : sans capacité de stockage suffisante, cette surabondance deviendra un casse-tête récurrent.

Les tendances électricité de la semaine par notre expert​

L’appétit pour le nucléaire en hausse

Le géant public suédois Vattenfall a lancé Videberg Kraft, une filiale dédiée au nucléaire, afin de répondre aux exigences légales pour bénéficier du soutien de l’État. L’objectif : construire de nouveaux réacteurs – classiques ou modulaires (SMR) – sur le site existant de Ringhals. Ce cadre juridique distinct est la première brique d’un ambitieux programme de relance nucléaire, qui pourrait s’ouvrir à une coparticipation industrielle via le consortium Industrikraft.

Outre-Manche, le retard de 16 mois du projet d’interconnexion Eastern Green Link 1 (2 GW) entre l’Écosse et l’Angleterre inquiète. Cette liaison est cruciale pour évacuer l’énergie éolienne écossaise vers le sud. Les porteurs du projet invoquent des pénuries mondiales d’équipement. Ce revers symbolise une fragilité plus large : celle d’un réseau en décalage avec l’ambition verte.

Même prolongés, les réacteurs belges ne suffiront pas à éviter une pénurie dès 2030. Aurora Energy Research anticipe une dépendance accrue aux importations (17 % en 2030, 38 % en 2040), faute d’un développement suffisant du solaire et de l’éolien. Malgré les ambitions du gouvernement de prolonger davantage de réacteurs, Engie juge plusieurs extensions irréalisables.

La Commission européenne a ouvert une consultation sur son programme indicatif nucléaire. En ligne de mire : investissements, gestion des déchets, diversification des sources de combustible, SMR, fusion et compétences. Un signal politique fort.

– Helder FARIA RUBIO

Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie

Marché du gaz

Gaz et Charbon : une stabilité illusoire

Les prix du gaz en Europe ont montré une stabilité relative avant les vacances de Pâques, avec le contrat TTF à court terme oscillant autour de 35,29 euros/MWh, après un pic à 35,90 euros/MWh. Les températures élevées en Europe centrale et orientale devraient réduire la demande de chauffage, offrant un léger soutien à la baisse des prix à court terme. Toutefois, les stocks de gaz européens sont 26 % inférieurs à l’an passé, ce qui pourrait compromettre l’approvisionnement futur.

En parallèle, le marché du charbon enregistre un léger repli, avec le contrat API 2 tombant à 99,80 USD/t. Cette baisse est alimentée par la détente générale des prix des matières premières et par la faiblesse de la demande industrielle, notamment en Chine. Les dynamiques sur ces deux marchés restent influencées par des facteurs saisonniers, mais les fondamentaux, comme les faibles stocks de gaz et la modeste reprise du charbon, pourraient peser sur les prix.

À la une

Nouvel objectif de remplissage : 83% au lieu de 90%

Plutôt que de viser un taux de 90% d’ici le 1er novembre, comme le stipulent les règles actuelles, le Parlement européen propose de fixer cet objectif à 83%. Ce taux devra être atteint à tout moment entre le 1er octobre et le 1er décembre, offrant une plus grande flexibilité aux États membres.

Dérogations en cas de conditions de marché difficiles

Une des innovations majeures de cette proposition est l’introduction de dérogations pour permettre aux États membres de dévier de l’objectif. En cas de conditions de marché défavorables, un écart de jusqu’à quatre points de pourcentage sera autorisé. Toutefois, les dérogations cumulées ne devront pas faire chuter le taux de remplissage global sous 75%. Ce mécanisme vise à s’adapter à des situations imprévues.

Accord entre Parlement et Conseil de l’UE

Ce projet d’amendement, né de la prolongation des règles actuelles par la Commission européenne, sera soumis à un vote le 24 avril par la commission de l’Énergie du Parlement. Un compromis devra ensuite être trouvé avec le Conseil de l’UE pour finaliser le texte. Le Parlement européen propose par ailleurs de supprimer les objectifs intermédiaires de l’année.

Un Suivi Actif de la Commission Européenne

La Commission européenne, dans le cadre de cette nouvelle organisation, se verra confier la tâche de surveiller activement les marchés et d’explorer des solutions collaboratives, comme l’achat groupé ou l’agrégation de la demande, pour faciliter l’atteinte de cet objectif révisé.

Les tendances gaz de la semaine par notre expert

Un Jeu de Forces sur le Marché Européen

L’UE devra accroître ses importations de GNL de 20 % en 2025 pour répondre à la demande estivale et atteindre un remplissage de 90 % de ses stockages. Toutefois, cette augmentation se fera à des coûts plus élevés en raison d’un marché tendu. Les flux de gazoduc devront rester élevés, notamment en Allemagne, Pays-Bas, Italie et en France, pour soutenir cet objectif.

L’Allemagne, qui produit actuellement 5 % de sa consommation de gaz, explore des moyens d’augmenter cette production, notamment via des gisements conventionnels. Un effort soutenu pourrait porter cette production à 5 milliards de mètres cubes par an. Cependant, pour un impact plus substantiel, le gaz de schiste pourrait devenir nécessaire.

L’Azerbaïdjan joue un rôle crucial dans la sécurisation des approvisionnements européens, avec une expansion importante de son champ gazier de Shah Deniz prévue d’ici 2027. Le pays prévoit de doubler sa capacité d’exportation, passant de 10 à 26 milliards de mètres cubes par an. Le gazoduc TAP verra sa capacité doubler à 20 milliards de mètres cubes.

L’UE cherche des options juridiques pour rompre les contrats de gaz russes sans pénalité. Cette stratégie rejoint son objectif de réduire sa dépendance d’ici 2027, une initiative partiellement mise en œuvre avec l’interdiction du rechargement du GNL russe depuis le 26 mars.

– Helder FARIA RUBIO

Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Energie

Zoom sur l'énergie verte

L’héritage invisible de la crise ukrainienne

La guerre en Ukraine n’a pas seulement redessiné la carte énergétique de l’Europe, elle a gelé un pan entier du marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL).

Avant 2022, la Russie assurait près de la moitié des importations de gaz de l’Union européenne. Aujourd’hui, cette part est négligeable. Mais cette réorientation brutale n’a pas été sans conséquences ailleurs.

Pour compenser, une part importante des flux de GNL initialement destinés à l’Asie a été redirigée vers l’Europe, laissant plusieurs pays du bassin pacifique dans une situation de précarité énergétique.

Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que cette demande asiatique n’a jamais disparu — elle est simplement en veille, étouffée par des prix élevés.

Une fois les conditions de marché plus favorables, elle pourrait resurgir avec force et réduire l’excédent d’offre tant attendu.

Des projets qui piétinent

Le second frein à un éventuel excédent d’offre, ce sont les retards chroniques des grands projets d’exportation. Aux États-Unis, le projet Golden Pass — pourtant crucial avec ses 24,6 milliards de m³ par an — a été repoussé jusqu’en 2029. En Russie, Arctic LNG 2 peine à expédier ses premières cargaisons, étranglé par les sanctions. Même le Qatar, pourtant champion du GNL, pourrait connaître des lenteurs logistiques. Résultat : les capacités initialement attendues pour 2026 glissent doucement vers 2027, voire au-delà.

L’Asie en embuscade

Dans l’ombre, des géants énergivores comme l’Inde, la Chine, le Vietnam ou encore le Bangladesh attendent. Pour l’instant, les prix élevés ont freiné leur consommation, mais cette demande reste hautement élastique : une baisse des prix pourrait libérer un rattrapage massif, recréant rapidement une tension sur l’offre.

La géopolitique, juge de paix

À cela s’ajoute une instabilité géopolitique persistante. La guerre en Ukraine s’enlise, les tensions en mer de Chine et au Moyen-Orient jettent une ombre sur les routes stratégiques du GNL. Le climat est à l’incertitude.

Malgré les promesses d’augmentation de capacité, le monde pourrait ne jamais connaître l’excédent espéré. Le GNL entre dans une ère de rar

Recapiti
Anne-cécile agara