Un appel à la vigilance face aux dérives prévisibles du projet de loi sur l’aide à mourir
Face à l’adoption en première lecture de la proposition de loi sur l’aide à mourir, la Fondation OCH alerte sur les risques que ce texte fait peser sur les plus fragiles. Dans le communiqué ci-dessous, Emmanuel Belluteau, président de la Fondation, appelle à ne pas confondre soulagement de la souffrance et banalisation de la mort. Il rappelle que la vraie dignité consiste à accompagner chacun jusqu’au bout de sa vie, avec humanité, en particulier ceux dont la vulnérabilité altère parfois le discernement.
Communiqué d’Emmanuel Belluteau
Président de la Fondation OCH
Suicide assisté : Alerte pour les plus fragiles !
La souffrance est un non-sens et une absurdité ; avec Nietzsche, bien d’autres l’ont relevé alors qu’il était de bon ton de lui trouver une utilité, faute de savoir la combattre. Mais elle devient un scandale quand une société dispose des moyens de la prévenir ou de la soulager et ne le fait pas à hauteur des attentes ou des cris de ceux qu’elle atteint.
C’est en ces termes que le débat se pose aujourd’hui en France ! La majorité de ceux qui se disent favorables à l’aide à mourir expriment leur peur de souffrir. Cette angoisse appelle des réponses efficaces et proportionnées. Elle pose la question de notre volonté de soulager la souffrance, pas celle de la vie et de la mort !
La proposition de loi prend le risque, dans une société en perte de repères, de bouleverser radicalement les fondements et les équilibres de notre « vivre ensemble ».
Mais notre préoccupation est particulièrement forte pour les plus fragiles d’entre nous. Parmi les conditions pour pouvoir demander une aide à mourir figure l’aptitude à « manifester sa volonté de façon libre et éclairée » et, pour cela, ne pas être atteint d’« une maladie (qui) altère gravement le discernement ». Cette précaution est bienvenue mais elle ne constitue aucunement une garantie.
Pour beaucoup de personnes fragilisées (par le handicap, l’âge ou une autre raison), les notions de discernement et de liberté se posent de manière singulière. La majorité d’entre elles n’étant pas – et ne voulant pas être – reconnues malades psychiques ou incapables, elles ne relèveront pas de l’exception prévue par le projet. Comme tout citoyen, elles sont libres de leurs décisions et réputées responsables ; dans la réalité, elles sont souvent peu sûres de ce qui est bon pour elles, sujettes à des changements d’humeur, alternant les phases de dépression et d’optimisme. Le risque est très grand qu’elles soient – plus facilement et plus souvent que d’autres – amenées à se persuader (voire à se laisser convaincre) que la mort est la bonne solution.
De surcroît, beaucoup d’entre elles ont besoin qu’on les aide à éclairer ou à nuancer leurs « choix de vie ». Le projet les confrontera à des situations qu’elles ne seront pas en capacité de gérer de manière ajustée. Or si elles demandent à mourir, qui va le leur refuser, et au nom de quoi ? Certains de nos compatriotes doivent être protégés, y compris contre eux‑mêmes.
La proposition de loi stigmatise gravement les personnes handicapées ou les plus fragiles en suggérant que la fragilité et la souffrance rendent indignes ceux qu’elles atteignent. Il laissera penser à beaucoup – nous en avons déjà de multiples témoignages – que tous n’ont pas la même valeur et que toute vie ne mérite pas d’être vécue. Il convaincra certains qu’ils sont un poids insupportable pour leurs proches ou pour la société, d’autres seront culpabilisés, et il sera une source d’angoisse pour ceux et celles qui ont déjà du mal à trouver leur place. Et pour ceux qui les accompagnent et les aiment.
Mesdames et Messieurs les parlementaires, il vous appartient de faire en sorte que les principes de liberté et de fraternité soient invoqués pour justifier non pas de donner la mort mais pour prendre soin de chacun jusqu’au bout de sa vie, notamment des plus vulnérables. C’est cela, vivre et mourir dans la dignité !
Emmanuel BELLUTEAU, président de la Fondation OCH