La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail, au contrôle des comptes et de la gestion du centre hospitalier de Saint-Cyr au Mont d’Or, ci-après dénommé CHSCMO, pour les exercices 2012 à 2023, en veillant à prendre en considération, autant que possible, les données les plus récentes.
Le centre hospitalier spécialisé de Saint-Cyr au Mont d’Or (CHSCMO) est un établissement public de santé (EPS), spécialisé en santé mentale, ouvert en 1972, et dont le siège est établi dans la commune de Saint-Cyr au Mont d’Or, sur le territoire de la métropole de Lyon.
Il a été placé sous administration provisoire par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) du 7 novembre 2022, en raison de manquements graves portant atteinte à la sécurité des patients, annulé par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2024, contre lequel l’ARS AURA a interjeté appel.
Une dégradation de l’activité
Classé troisième établissement du Rhône en nombre de séjours, de patients suivis et d’actes ambulatoires dans son domaine, derrière le CHS le Vinatier et le CH Saint-Jean de Dieu, le CHSCMO connait une baisse importante de son activité. Ainsi, entre 2015 et 2022, la file active ambulatoire a baissé de 7,9 %, le nombre de journées de 7 % et le nombre de patients de 15 %, à contre-courant des objectifs fixés par les projets régionaux de santé et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens successifs signés avec l’ARS.
Bien que les effectifs médicaux soient restés stables sur la période, le nombre d’actes réalisés par les professionnels de santé a baissé de plus de 23 %. Ceux réalisés par le corps médical enregistrent quant à eux une chute de 35 %. Les causes de cette sous-productivité n’ont pour l’heure pas encore été identifiées par l’établissement.
Les patients fréquentant le CHSCMO sont également admis pour des durées de séjour et d’hospitalisation trop longues. Elles sont en quasi constante hausse, contrairement aux objectifs fixés par l’ARS, malgré la mise en place d’une évaluation des pratiques professionnelles sur les hospitalisations au long-court, à la demande de la direction et du président de la commission médicale d’établissement en 2017 et une attention portée sur ce sujet dans le projet d’établissement 2021-2026. Depuis l’arrivée d’un nouveau directeur en 2024, ces durées tendent à baisser de manière notable.
Une dégradation des relations avec les autres structures
Le CHSCMO est doté d’une unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) destinée à accueillir directement des patients en urgence, ou en provenance des urgences métropolitaines et départementales situées au sein de l’établissement Le Vinatier. Les patients, une fois évalués, devraient quitter l’UHCD passé un délai de 24-48h pour rejoindre, notamment, une unité d’hospitalisation située sur le site principal de Saint-Cyr.
Or, la hausse des durées moyennes d’hospitalisation au sein du CHSCMO a pour conséquence de maintenir des patients dans l’UHCD, qui, étant elle-même saturée, n’est plus en mesure d’accueillir des patients en provenance des urgences métropolitaines.
Cette situation a notamment conduit la communauté médicale du CH Le Vinatier à demander la résiliation de la convention institutive des urgences métropolitaines et départementales.
Le CHSCMO est également membre d’une communauté psychiatrique de territoire (CPT) et participe à un projet territorial de santé mentale (PTSM), auxquels il a contribué à la création. En raison de dissensions liées à la gouvernance de la CPT, le CHSCMO a retiré une partie de son soutien financier et refusé de participer jusqu’en 2024, notamment, au recueil d’informations indispensable au suivi du PTSM.
Une gouvernance défaillante, un pilotage inexistant
La chambre n’a trouvé aucune trace de la moindre demande de documents ou d’étude formulée par le conseil de surveillance. Ce dernier tout comme la direction n’ont, à titre d’exemple, jamais effectué de suivi du projet d’établissement, principal document stratégique. Il aurait difficilement pu en être autrement car celui-ci se révèle être peu opérationnel, en raison des objectifs et indicateurs non quantifiables qu’il comporte.
Bien qu’obligatoires, les contrats de pôles entre la direction et les chefs de pôles étaient inexistants avant 2014 et n’ont pas été renouvelés depuis 2019. Ceux transmis à la chambre ne respectent pas la réglementation et ne confèrent aucune autonomie aux pôles dans leur gestion quotidienne.
Des finances en apparence saines qui masquent un sous-investissement
La situation financière du CHSCMO parait saine mais la marge brute dégagée n’a pas été mobilisée pour investir, avec pour conséquence une dégradation générale des conditions d’accueil des patients et de travail des professionnels. Malgré le volet « investissement » du Ségur de la santé, et alors que le CHSCMO pouvait y prétendre, ce dernier a fait le choix de ne demander aucune aide, ni en matière d’investissement, ni en matière de désendettement, alors que ses besoins sont pourtant importants.
Les investissements qui devront être réalisés par le centre hospitalier ne pourront être portés sans aides extérieures. Pour les chiffrer et planifier ses travaux, il devra définir une stratégie et surtout, adopter un schéma directeur immobilier, qui ont fait défaut jusqu’à présent.
Une gestion des ressources humaines défaillante
La fonction ressources humaines a été marquée par une instabilité de sa direction et un manque de compétence. Ainsi, l’établissement n’est doté d’aucun tableau des emplois (certes non obligatoire), de sorte qu’il est impossible de comparer les réalisations aux projections. Il applique une notion de repos aménagé contraire à son accord local sur le temps de travail et n’a jamais appliqué la journée de solidarité, bien qu’obligatoire depuis 20 ans.
La chambre a en outre relevé de nombreuses irrégularités en matière de gestion des ressources humaines qui nécessiteront un important travail de remise en ordre.
D’importantes fragilités en matière de commande publique
Le niveau des achats passés sans aucun marché public a atteint des niveaux élevés en fonctionnement et en investissement.
Les règles internes du CHSCMO et celles organisant l’intervention du groupement hospitalier de territoire, compétent en matière de commande publique, sont, en l’état, insuffisamment sécurisées, notamment en matière de computation des besoins et d’habilitation à engager les dépenses.
Cette insécurisation et le défaut de pilotage global de l’opération de reconstruction des Roches-Hélianthe par le CHSCMO, ont conduit l’administration provisoire, puis la nouvelle direction, à mettre fin à ce projet, en raison des multiples approximations qui l’ont accompagné.
Le centre hospitalier a déployé le dispositif de cartes achat, qui permet à des porteurs de pouvoir régler directement des dépenses auprès de fournisseurs. Ce dispositif a parfois été détourné de son objet initial. Les utilisateurs (qu’ils soient porteurs ou non) ont ainsi régulièrement effectué des dépenses hors de tout cadre juridique, faute pour eux de disposer de la qualité d’ordonnateur ou d’une délégation de sa part. Le dispositif a également été utilisé par certains agents pour régler des achats personnels, sans lien avec les besoins des patients et les missions du centre hospitalier.
Un manque de déontologie
Le CHSCMO ne s’est jamais doté du moindre dispositif permettant aux agents de s’assurer du respect de leurs obligations en matière déontologique. Aucun référent déontologue et alerte éthique n’a ainsi été désigné.
L’établissement n’a jamais maitrisé, ni su distinguer les notions d’activités privées et accessoires. Un agent a ainsi irrégulièrement exercé une activité privée, par le biais d’une société, sans, dans le même temps, avoir exercé à temps non complet son activité au sein du CHSCMO, alors que cette condition est impérative. L’établissement devra donc récupérer l’intégralité des sommes perçues par cet agent dans le cadre de cette activité irrégulière.
Il ressort du contrôle de la chambre que l’ancien directeur, après avoir autorisé cet agent à exercer cette activité privée, est intervenu en dehors de tout cadre légal et déontologique au profit de cette même société en réalisant l’intégralité des prestations de ladite société.
L’ancien directeur a en outre fait montre de déloyauté envers son employeur, son établissement et ses agents. Alors que l’activité était en baisse et que le CHSCMO rencontrait des difficultés de recrutement du personnel médical, il a rédigé une note d’analyse au profit d’une clinique privée, située dans le département du Rhône, lui prodiguant des conseils, préjudiciables à l’activité de son propre établissement
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1. : assurer un suivi périodique du CPOM et du projet d’établissement.
Recommandation n° 2. : mettre en place un recueil exhaustif des événements indésirables.
Recommandation n° 3. : se doter d’un schéma directeur immobilier.
Recommandation n° 4. : régulariser la situation relative aux CET (facturation aux établissements débiteurs, mise à jour de la base de données, paiement aux agents partis à la retraite).
Recommandation n° 5 : établir un plan pluriannuel d’entretien conformément à la réglementation.
Recommandation n° 6. : respecter les obligations en matière de protection et de prévention de la santé physique et mentale des salariés, notamment par la mise à jour du dispositif de prévention.
Recommandation n° 7. : définir les règles en matière d’acquisition, d’attribution et de restitution d’équipements mis à la disposition des agents.
Recommandation n° 8. : engager les démarches nécessaires à la restitution des équipements de téléphonie mobile non restitués à l’établissement.
Recommandation n° 9. : appliquer strictement l’article L. 121-6 du code de la route.
Recommandation n° 10. : mettre en place sans délai la journée de solidarité, telle que prévue par la loi.
Recommandation n° 11. : mettre fin au repos aménagé.
Recommandation n° 12. : mettre à jour la documentation interne en matière de commande publique.
Recommandation n° 13. : expliciter l’organisation de la fonction achats entre l’établissement support du GHT et le CHSCMO dans le cadre des documents conventionnels.
Recommandation n° 14. : définir des conditions de recours à la carte d’achat respectant la réglementation en vigueur et en assurer le contrôle effectif.
Recommandation n° 15. : désigner un référent déontologue et un référent alerte éthique.
Recommandation n° 16. : émettre un titre de recettes d’un montant de 73 000 € en application de l’article L. 123-9 du code général de la fonction publique.