Après avoir exploré Marseille côté nature, saveurs et tourisme durable, place à la richesse de son patrimoine et à l’audace de son architecture. Deux nouveaux circuits nous entraînent à la rencontre d’un passé foisonnant et d’un présent en perpétuelle transformation.
Les 15, 16 et 17 novembre 2024, l’AJT s’est réunie à Marseille pour son assemblée générale. À cette occasion, l’Office du Tourisme, des Loisirs et des Congrès avait imaginé un programme dense et passionnant, à l’image de la cité phocéenne. Cinq circuits ont permis d’en explorer les multiples facettes : entre escapades nature, expériences culinaires, démarches écoresponsables, patrimoine vivant et prouesses architecturales, Marseille s’est dévoilée dans toute sa richesse et sa diversité. Une immersion vibrante dans une ville aux mille histoires.
Marseille, une ville à histoires et à visions
De la prison du château d’If aux ruelles de la Citadelle, des ex-voto de la Bonne Mère aux fontaines du palais Longchamp, Marseille se dévoile à travers ses légendes, ses monuments et ses lieux emblématiques. Mais la ville ne se contente pas de contempler son passé : elle le réinvente. À la Joliette, dans le quartier Euroméditerranée, gratte-ciel, Frac et Docks redessinent l’horizon. La Cité Radieuse, quant à elle, incarne toujours l’utopie moderniste d’un habitat pour tous.
Deux immersions complémentaires, entre mémoire et modernité, qui montrent que Marseille est bien plus qu’un décor : une cité vivante, vibrante, où passé et futur dialoguent à ciel ouvert.
4 - CIRCUIT PATRIMOINE
Marseille, c’est toute une histoire !
Par Valérie Appert
Si nous embarquions sur le ferry-boat de Marseille, nous n’irions pas loin. Cette fameuse navette navigue toujours entre les deux rives du port et boucle en cinq minutes la plus petite traversée maritime du monde, 283 mètres ! Non, notre petit équipage prend place dans le Story Boat, un bateau aux lignes inédites qui cabote au large de Marseille en racontant, c’est le principe, les récits et légendes d’une « ville à histoires ». Et des histoires, le château d’If, première étape de notre circuit, en a justement à revendre. Donc, cinglons !
Gens et légendes du château d’If
L’île d’If, caillasse aussi souriante qu’un Alcatraz à la marseillaise, pointe vers la mer ses bastions menaçants. Deux tours rondes flanquent le fort, claquemuré sur ses secrets. Au XVIe siècle, François 1er fait construire le château d’If qui se transforme vite en prison d’exception. Les plus mal lotis des prisonniers croupissent dans des culs-de-tours infestés de vermine et baignent dans l’eau croupie. Espérance de vie: quelques semaines !
L’écrivain Alexandre Dumas, qui connaît les lieux, en fait le décor de son roman Le Comte de Monte-Cristo. Son Edmond Dantès y aurait donc passé quatorze années avant de s’en échapper. Et chacun d’entre nous de visiter « sa » cellule, toujours à deux doigts de croire à la réalité du personnage. D’ailleurs les guides ne lésinent pas sur les détails : voici le tunnel qu’il aurait creusé vers la cellule de l’abbé Faria. La sortie en 2024 du film éponyme avec Pierre Niney a fait bondir la fréquentation du château d’If de 40 % ! Déjà, au XIXe siècle, la parution de ce passionnant roman d’aventures attirait les premiers curieux. On raconte que le conservateur du château fit visiter la cellule de Dantès à… Alexandre Dumas lui-même.
Le château eut d’autres occupants : le comte de Mirabeau, le corps du général Kléber, peut-être même le Masque de fer… Une histoire incongrue de rhinocéros et un panorama à 360 degrés sur l’archipel du Frioul complètent agréablement l’excursion. Avant le retour, nous recomptons nos membres : pas question d’oublier un ajitiste dans un cul-de-basse-fosse.
La Citadelle de Marseille, un nouveau lieu de visite
De retour sur le continent, sur la rive sud du port, la balade se poursuit dans la Citadelle de Marseille. Classée monument historique, elle est connue sous le nom de Fort Saint-Nicolas et fait face au Fort Saint-Jean, tous deux marquant l’entrée du bassin. Bâtiment défensif haut perché sur son promontoire, la citadelle a participé à la vie militaire et sociale de Marseille pendant quatre siècles. Fermée au public depuis 360 ans, elle est accessible depuis mai 2024 et se transforme progressivement en tiers-lieu patrimonial et culturel : on peut visiter ce site de 5 hectares à l’intérieur de ses remparts teintés de rose et apprécier le projet de restauration en cours, découvrir les multiples fonctions qui ont été affectées au lieu, voir une poudrière novatrice, un étrange moulin, des places en demi-lune, des jardins fraîchement inaugurés… Puis apprécier le point de vue sur toute la rade.
À table, au pied de Notre-Dame-de-la-Garde
Un bus nous évite la pénible grimpette jusqu’au sommet de la colline de la Garde. Cela nous aurait pourtant mis en appétit. Qu’importe : nous nous attablons au restaurant de Notre-Dame-de-la Garde. Oui, ce restaurant a bien le nom de la célèbre basilique, il en a même l’adresse. Il est situé dans le socle de l’édifice et développe un beau projet : réunir autour d’une même table des personnes en situation précaire et des clients traditionnels. Mais aussi offrir des postes à des personnes en situation de handicap. Circuits courts, service éco-responsable, produits de saison… Résultat : on y mange sacrément bien.
Et au sommet, la basilique
Pourquoi cet édifice religieux que l’on voit depuis à peu près n’importe quelle fenêtre de Marseille a-t-il été élevé au titre honorifique de « basilique » ? Parce que lui est attachée une dévotion toute particulière. Affectueusement rebaptisée « la Bonne Mère », Notre-Dame-de-la-Garde est dédiée à la Vierge, protectrice des marins et des pêcheurs. Construite au XIXe siècle sur les restes d’une petite chapelle portant le même nom, elle est constituée d’une partie basse, creusée dans la roche, et d’une partie haute où se pressent les visiteurs. En 1870 on a posé au sommet de son clocher carré une Vierge à l’enfant de 12 mètres de haut, doré à la feuille d’or.
On appréciera les couleurs de cette basilique hors-norme : des rayures blanches et vertes à l’extérieur (mêlant roche calcaire et pierre de l’Arno). À l’intérieur : du marbre blanc de Carrare, du marbre rouge du Var et des pans entiers de mosaïque dont la polychromie rappelle les fastes de Florence. Mais ce que l’on admire avant tout, nez en l’air, ce sont les ex-voto suspendus dans la nef. On trouve de tout : de petits bateaux, des médailles militaires, des bouées et même un Canadair miniature et un porte-conteneurs format jouet. Autant d’offrandes pour obtenir une grâce ou remercier qu’un époux ou un frère, marin de son état, ait eu la vie sauve…
Longchamp, un palais qui n’en est pas un
Au pied du palais Longchamp, notre dernière étape, nous séchons : qu’est-ce ? À quoi sert-il ? A priori, un palais se caractérise par des salons de grand standing et des lustres de cristal. Pas celui-ci qui n’est… qu’un splendide trompe-l’œil, une longue enfilade de colonnes en arc de cercle (138 m de long !) à travers lesquelles on distingue un jardin. La colonnade est animée par une profusion de nymphes et de chevaux de marbre. À chaque extrémité se trouve un musée (le muséum d’Histoire naturelle et le musée des Beaux-Arts). Il s’agit en fait d’un château d’eau, construit en 1869 pour « accueillir » de façon triomphale l’eau de la Durance qui a été canalisée sur près de 85 km jusqu’au centre-ville. Le « palais » n’en reste pas moins un délicieux lieu de visite et de promenade.