Stade de la Meinau : entretien avec Frédéric Thommen

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Perspective du stade de la Meinau à Strasbourg - © populous et rey - de crécy

Quelles sont les raisons qui ont conduit l’Eurométropole à préférer un projet de rénovation en site occupé à une construction neuve ex nihilo ?

Frédéric Thommen : Tout d’abord, une vision d’aménageur, portée dès le départ par les élus à l’initiative de ce projet, avec deux objectifs : d’une part, valoriser au maximum l’existant, dans la mesure où il présentait un potentiel de transformation ; d’autre part, éviter l’étalement urbain qui accompagne la construction d’un nouvel équipement ainsi que le développement d’infrastructures de transport supplémentaires. À Strasbourg, nous disposions d’un stade en bon état. De plus, sa jauge avait été définie avec le club et validée à travers les études d’avant-projet, notamment à l’époque où la ville avait candidaté à l’Euro 2016, un facteur qui a d’ailleurs beaucoup nourri notre réflexion globale. Cette jauge idéale se situait entre 30 000 et 35 000 places, sans avoir à tout déconstruire, surtout au regard des contraintes du site lui-même. En effet, à l’est du stade se trouve un ancien bras du Rhin ; au nord, une voie ferrée ; et au sud, un parc qui devait être préservé. Au-delà de ces aspects techniques, il y a aussi une dimension sociale forte : le Racing Club de Strasbourg Alsace (RCSA) est à la Meinau depuis 1904, soit plus de cent-vingt ans. Ce stade fait partie intégrante du patrimoine de Strasbourg. On pourrait presque dire que c’est… la deuxième cathédrale de la ville ! Un déplacement du stade aurait suscité l’incompréhension de la part des supporters, du club et des habitants. Le choix de la modernisation s’est donc imposé pour assurer la continuité historique et affective de cet équipement.

L’autre atout majeur était, sans nul doute, la desserte existante…

Frédéric Thommen : En effet, nous disposions déjà d’une excellente connexion multimodale, avec une gare reliée à la gare centrale de Strasbourg – et nous sommes d’ailleurs en discussion pour la desserte ferroviaire de la gare Krimmeri-Meinau avec le groupe SNCF et la Région Grand Est, collectivité territoriale compétente en la matière, pour augmenter les fréquences de passage les soirs de match. Le tramway passe juste devant le stade avec la ligne A, mais aussi la ligne C à l’est. Sans parler des nombreux parkings à proximité. Construire de nouvelles infrastructures ou prolonger des lignes de tramway se serait avéré bien inutile.

Stade de la Meinau à Strasbourg - © Pierre Pommereau

Quels étaient les enjeux de cette opération pour l’Eurométropole ?

Frédéric Thommen : Le cahier des charges stipulait d’augmenter la jauge, en la dimensionnant à la population de l’agglomération strasbourgeoise d’environ 500 000 habitants. Le contexte était très différent de villes comme Lille ou de stades comme le Matmut Atlantique (N.D.L.R. : naming jusqu’en juillet 2025) réalisé par les équipes de VINCI Construction et inauguré à Bordeaux en 2015. Le club a préféré une jauge plus modeste de 32 000 places quand le stade aura atteint sa taille définitive début 2026, afin de jouer aisément à guichet fermé. Le deuxième enjeu était la modernisation du stade. Il fallait créer des espaces d’hospitalité, des salons et des loges, inexistants jusqu’ici. Aujourd’hui, l’économie du football professionnel repose en partie sur la billetterie et les espaces VIP, en plus des droits télévisuels et des produits dérivés. Mais il faut aussi penser à tous les spectateurs. Pour ce faire, nous avons agrandi la fan zone, cet espace très prisé des supporters qui ouvre presque trois heures avant chaque match. Cette culture festive est inspirée des stades allemands, avec une ambiance conviviale, des orchestres, des stands de restauration… Par ailleurs, l’expérience du spectateur devait être améliorée : la coursive haute qui dessert les tribunes a été protégée pour y intégrer des services complémentaires comme des buvettes, des sanitaires et des annexes de la boutique.

Les stades accueillent des moments de liesse collective qui redessinent durablement les contours des villes. Qu’en est-il de l’insertion du stade dans son quartier ?

Frédéric Thommen : Ce projet ne pouvait pas être une source de nuisances pour les riverains, mais, au contraire, une opportunité pour le quartier. Le stade est situé dans la ceinture verte de Strasbourg que nous préservons et valorisons. Ainsi, il a été agrandi sans dépasser son emprise d’origine. Nous avons éloigné les parkings et « étiré » le parc de l’Extenwoerthfeld, au sud du stade, qui est un lieu historique de promenade, de loisirs et de pratiques sportives depuis plus d’un siècle. Quant à la fan zone, elle a été conçue pour s’ouvrir largement sur le quartier en dehors des temps de match et devenir un lieu de vie pour les habitants, avec une brasserie ouverte quotidiennement.

Comment avez-vous intégré l’enjeu de durabilité et fait de cette opération un projet vitrine en matière de respect de l’environnement ?

Frédéric Thommen : Tout d’abord en travaillant au maximum avec l’existant, ce qui nous a motivé à sélectionner le projet du studio d’architecture Populous associé à l’agence strasbourgeoise Rey – de Crécy atelier d’architecture : peu de déconstruction, peu d’emprise au sol, intégration de panneaux solaires, récupération d’eau, réemploi de matériaux ou réutilisation d’éléments démantelés de l’ancien stade… La signature architecturale du projet participe aussi à ce cercle vertueux avec le réemploi de fuselages d’avions qui habillent la façade de la tribune sud et servent de brise-soleil. Une première mondiale à cette échelle, qui illustre parfaitement la volonté de conjuguer modernité, respect du patrimoine et transition écologique.

Stade de la Meinau à Strasbourg - © Pierre Pommereau

Comment se déroule votre collaboration avec VINCI Construction ?

Frédéric Thommen : Le projet est soumis aux règles des marchés publics. Faire appel à un leader du BTP reconnu pour son expertise en entreprise générale était essentiel, puisque la maîtrise du planning était ce qui nous importait le plus pour un projet de cette taille, à réaliser en site occupé. Le choix de VINCI Construction, à travers les équipes d’Urban Dumez associées à GTM Hallé en tant que mandataire du groupement auquel contribue également l’agence Eurovia de Rosheim, s’est également avéré judicieux par la capacité des équipes à coordonner un chantier d’une grande complexité.

À date (N.D.L.R. : juin 2025), quelle étape des travaux retenez-vous ?

Frédéric Thommen : Nous avons été impressionnés par le savoir-faire et la réactivité des équipes de VINCI Construction, notamment dans leur gestion du planning. Nous avons dû faire face à plusieurs aléas, dont une phase de désamiantage plus importante qu’envisagée et des interrogations associées à la mise en œuvre du modèle de charpente alors que les travaux étaient déjà bien entamés. Les équipes de VINCI Construction ont toujours su s’adapter pour tenir l’objectif final. Pour la charpente, elles ont fait des propositions rapidement et ont relevé un incroyable défi technique, avec un assemblage au sol et un grutage hors terrain, sans étaiement. Une gageure technique et logistique qui demande une grande précision mais aussi une bonne alchimie sur le chantier.

Oseriez-vous un lien entre ce qui se joue sur un terrain de sport et sur un chantier de ce type ?

Frédéric Thommen : Les parallèles sont nombreux entre le football et un site de production : le geste précis, la performance globale, le sens du collectif, l’aventure humaine, le goût de se dépasser, la prévention et la sécurité comme sport d’équipe… De nombreux compagnons et encadrants du chantier sont aussi de fervents supporters du RCSA. Je suis convaincu que cela a contribué à un élan fédérateur et à une belle mobilisation, un sentiment d’appartenance fort, qui a donné de l’énergie au projet et qui a renforcé la confiance entre tous les acteurs.

La rénovation du stade de la Meinau est un projet piloté par l’Eurométropole de Strasbourg, propriétaire et maitre d’ouvrage. Il est financé par l’Eurométropole de Strasbourg, la Ville de Strasbourg, la Région Grand Est, la Collectivité européenne d’Alsace et le Racing Club de Strasbourg Alsace. Maîtrise d’œuvre : Populous – architecte mandataire + Rey – de Crécy atelier d’architecture / OTE / Otelio / MAFFEIS engineering / C2B.

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