La FIDH dénonce la criminalisation de la défense des droits humains au Pérou devant la commission interaméricaine des droits humains

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  • Adoptée en avril au Pérou, la loi portant sur Agence péruvienne de coopération internationale (APCI), dite Loi APCI, criminalise la représentation légale des victimes et des familles de victimes de violations des droits humains qui portent plainte contre l’État, ainsi qu’impose des sanctions disproportionnées et limite la liberté d’association.
  • Des organisations et des victimes ont alerté la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) sur le grave recul démocratique que traverse actuellement le Pérou.
  • L’inclusion du Pérou dans le Chapitre IV.B du Rapport Annuel de la CIDH a de nouveau été demandée, ainsi qu’un suivi constant de la situation des défenseur·es des droits humains.

Washington DC, Lima, 22 juillet 2025. Lors d’une audience publique devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), des organisations péruviennes et internationales de défense des droits humains, ainsi que des victimes et des familles de victimes de violations des droits humains, ont alerté sur les effets délétères de la loi de modification de l’Agence péruvienne de coopération internationale (APCI), connue sous le nom de Loi APCI.

Pour les organisations, cette loi n’est autre qu’une tentative de restriction et de criminalisation du travail de défense des droits humains au Pérou, avec pour but ultime l’entrave à la représentation légale dans les affaires dirigées contre l’État. L’État péruvien a soutenu la loi, en affirmant qu’elle « n’empêche pas le financement des actions en justice contre l’État  », tout en précisant que ce financement ne pouvait pas provenir de fonds de coopération internationale. Cette mesure implique pourtant une restriction significative des possibilités réelles d’accès à une représentation légale pour les victimes de violations des droits humains.

Depuis plus de quatre décennies, les organisations de la société civile péruvienne travaillent avec le soutien international à la défense des droits humains. La Loi APCI met en danger ce travail, laissant sans protection les victimes de graves violations telles que les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, la torture et la violence sexuelle commises par des agents de l’État. C’est ce qu’ont dénoncé Yovana Mendoza et Francisco Ochoa, dirigeant·es respectivement de l’Association des familles des victimes du massacre du 15 décembre et de l’Association des victimes d’Accomarca. «  Avec cette loi, l’État ne fera que normaliser les massacres et les assassinats, car il n’y aura plus personne pour défendre les pauvres de mon pays  », a déclaré Mendoza.

Approuvée en avril, cette loi s’inscrit dans un contexte déjà marqué par une détérioration accentuée de l’État de droit et de l’espace civique dans le pays. A présent les organisations de défense des droits expriment de vives inquiétudes quant à la possibilité même d’organiser des élections démocratiques aux garanties minimales de transparence l’année prochaine. Les organisations ont également souligné l’absence de politique publique visant à protéger les défenseur·es des droits humains, facteur aggravant dans la situation de risque et de stigmatisation à laquelle ils et elles sont actuellement confronté·es.

Les organisations ont également averti de l’effet d’intimidation déjà exercé par la loi, même avant la publication de son règlement d’application, comme l’a signalé la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Les organisations péruviennes ont choisi de ne pas prendre la parole lors de l’audience, par crainte de représailles. À cette occasion, ont étés porté à la connaissance de la CIDH des cas déjà documentés, comme celui des dirigeant·s autochtones impliqués dans l’affaire «  El Baguazo  », à qui il a été ordonné de changer de représentation légale en application de cette loi.

Face à cette situation grave, les organisations ont demandé à la CIDH d’exhorter l’État péruvien à abroger la Loi APCI, de condamner cette législation et de rappeler le rôle fondamental des organisations de la société civile dans la démocratie péruvienne. Les organisations ont également sollicité l’inclusion du Pérou parmi les situations les plus préoccupantes de la région dans le prochain rapport annuel de la Commission, ainsi que la mise en place d’autres mesures visant à renforcer l’espace civique dans le pays. La CIDH a exprimé sa disposition à effectuer une visite au Pérou. L’État péruvien, de son côté, a indiqué que cette demande devrait être formulée par les canaux institutionnels officiels.

Le Système interaméricain représente le dernier espoir de justice pour de nombreuses victimes dans le pays. Des mesures sont urgentes pour stopper le recul démocratique et garantir le respect ainsi que la protection des droits humains au Pérou.

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Recapiti
Maxime Duriez