Mémoire des rues de Paris : des plaques qui se perdent...

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À Paris, on assiste depuis quelques années à un singulier manège sur les façades parisiennes. En effet, des plaques de rue, datant du XIXe siècle, sont retirées pour être remplacées par de nouveaux modèles, différents dans leur conception et dans leur emplacement. La mairie de Paris a donc acté, sans aucune concertation, la disparition progressive d’anciennes plaques qui pourtant font partie de notre patrimoine historique et ont contribué à façonner le charme et l’identité du paysage parisien. Les plaques de rue sont d’ailleurs si indissociables de la Ville Lumière que des répliques en sont vendues dans les boutiques de souvenirs.

La monarchie de Juillet, Rambuteau et les plaques de rue

C’est sous la monarchie de Juillet que la transformation de Paris va être amorcée par le comte de Rambuteau préfet de la Seine, préparant ainsi les futurs travaux du baron Haussmann durant le Second Empire. À partir de 1844, Rambuteau rend obligatoire l’apposition des plaques de rue. Sur les clichés du Paris pré-haussmannien prises par Charles Marville – nommé photographe de la Ville de Paris en 1862 -, il est émouvant de reconnaître leur profil si familier dans ces rues au milieu du XIXe siècle.

Plaque de la rue Haute des Ursins. Photo Charles Marville

Ces plaques étaient fabriquées en lave de Volvic émaillée, réputée pour sa durabilité et sa capacité à résister aux intempéries. Les lettres étaient écrites en blanc sur un fond bleu et la police utilisée était du Garamond, la plaque étant entourée d’un liseré vert. Les plaques étaient scellées au ciment dans les façades et placées à bonne hauteur, permettant de les voir de loin et de résister aux tentatives de vol.

Le charme de l’ancien et la banalité du neuf

Depuis 2021, nombre d’entre elles sont remplacées par des « équivalents » modernes. Si les lettres sont toujours en blanc sur fond bleu, c’est désormais de l’Arial, sans empattement, qui est en vigueur, police de caractères bien plus banale et sans la moindre modulation. Et les nouvelles plaques sont en tôle émaillée, particulièrement fine, et contrairement aux anciennes qui sont scellées, elles sont simplement vissées et placées plus bas, quasiment à portée de main.

Rue Sauval 1er. Photo : Anne Elizabeth Rouault

Pour effectuer ces opérations, les services de la Ville utilisent diverses méthodes qui vont du vissage superposé à l’attaque au burin de la pierre de taille, en passant par le coup de peinture.

Rue des Couronnes 20ème. Photo : Anne Elizabeth Rouault

Rue Victor Letalle 20ème. Photo : Anne Elizabeth Rouault

Si la façade a été bûchée, dans le meilleur des cas la lacune est ensuite comblée par un enduit, là où dans d’autres, la dent creuse reste visible.

Rue Rotrou 6ème. Photo : Anne Elizabeth Rouault

Rue Rampon 11ème. Photo : Anne Elizabeth Rouault

À ce régime, on peut légitimement s’inquiéter du devenir des beaux encadrements sculptés qui leur servent d’écrin.

Rue Guynemer 6ème. Photo : Anne Elizabeth Rouault

Rue de la Montagne Sainte-Geneviève 5ème.Photo : Anne Elizabeth Rouault

Dans certaines rues, on voit l’ancien et le nouveau modèle coexister – en espérant que cela soit pérenne - nous permettant de vérifier que l’argument d’une meilleure lisibilité qui a présidé à la décision du remplacement, ne tient pas. En effet, d’une part il ne semble pas avoir été prévu que le format des plaques modernes soit adapté à leur contenu, d’autre part leur matériau - la tôle - présente le désavantage d’être réfléchissant.

Boulevard de la Tour Maubourg 7èmePhoto : Anne Elizabeth Rouault

Rue Balzac 8ème. Photo : Anne Elizabeth Rouault

Si le remplacement des anciennes plaques nous inquiète, on constate également que des plaques disparaissent de certaines façades. En 2023, David Belliard, adjoint à la Maire de Paris, avait d’ailleurs lancé un concours participatif « À vos plaques, prêts, partez ! » dont l’objectif était de recenser les plaques de rue abîmées ou manquantes. Et depuis quelques temps, on peut même trouver des plaques, soit volées ou bien reproduites, qui sont vendues sur des sites de vente entre particuliers. Lors du Conseil de Paris du 5 juin dernier, Maud Gatel, présidente du groupe Modem et indépendants, a déposé un vœu demandant des mesures de protection des plaques, suites au nombreux vols constatés. Lors de cette même séance, David Belliard a lui aussi déposé un vœu relatif à la protection des plaques de rue parisiennes. Si on peut se féliciter de ces initiatives, il reste que le sujet du remplacement des plaques datant du XIXe siècle n’est pas abordé et reste opaque.

Une trace du Paris pré-haussmannien

Ces témoignages familiers qui subsistaient encore du Paris pré-haussmannien disparaissent sans que quiconque ait été consulté. Or, comme d’autres éléments apposés sur les façades, tels les numéros de rue ou ces panonceaux indiquant que l’eau et le gaz sont présents à tous les étages, les plaques du XIXe siècle font partie de la mémoire et de l’identité de Paris.

Est-il encore possible d’enrayer ce phénomène voire d’envisager la remise en place de toutes les plaques anciennes ? Nous espérons que les amoureux du Paris ancien seront à nos côtés pour se mobiliser autour de cette pétition.

Anne-Elizabeth Rouault

 
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Recapiti
Nicole HUET