18 sapeurs-pompiers loirétains reviennent tout juste de l’Aude où brûle encore le plus grand incendie des 50 dernières années. Témoignage.
Le ciel a perdu son bleu. Il se fait cuivre, chargé de cendres et d’odeurs de résine brûlée. Le vent frappe les visages, chaud, lourd, comme un souffle venu d’un four. C’est dans cet enfer qu’arrivent parmi les premiers les 69 sapeurs-pompiers du Centre déjà dans le sud par prévention. 18 sont Loirétains dont le lieutenant-colonel Bruno Terré aux commandes de toute la colonne régionale. « Il est 16h44 le mardi 5 août, à cinq kilomètres à peine du point de départ de l’incendie. On nous positionne entre les communes de Tournissan et Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse. La mission : défendre la D3. »
Sauvés par les Canadair
Les camions s’alignent de front et ouvrent les vannes. Mais, rien n’y fait, la bataille était perdue d’avance. « Ça devient rouge partout, d’abord à gauche puis à droite, témoigne Brahim Halis. Le feu avance très très vite (à 5 km/h, un homme au pas, ndlr). Jusqu’à nous passer au-dessus et nous encercler. La cabine où nous nous réfugions devient une étuve. On se soutient alors que la situation est intenable. Heureusement, les Canadair nous sortent de là avec leurs largages. » Brahim a beau compter 14 ans de volontariat chez les pompiers, jamais il n’a combattu un tel brasier. Émilie Boissonnet non plus. « Et pourtant, j’ai vu celui de la Teste-de-Buch en 2022. »
36 maisons brûlées
Le lieutenant-colonel Bruno Terré conduit ses hommes, et femmes, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse. Ils arrachent les habitants à leur foyer, les protègent pour eux. Certains brûlent déjà, le feu en aura emporté 36, mais pas question d’en rester là. « Je leur ai accordé qu’une pause pour manger nos rations militaires, retrace le Loirétain. Une autre, très courte, pour prendre une douche méritée. Direction ensuite une crête à l’ouest à tenir pour protéger le village de Lagrasse en contrebas. Ce que nous avons réussi. »
Solidarité face à l'incendie
Du pire naît parfois le meilleur. Axel Bourgeois et Romain Dardonville se sont engagés pour servir. Solidarité rendue. « Les habitants du village nous apportaient des bouteilles, des cafés…racontent-ils. Toute la nuit, ils nous applaudissaient depuis le bord des routes. Les commerces restaient ouverts, comme ce bar, juste pour nous. Avant de partir, un restaurateur a même refusé nos cartes bancaires, il y en avait pour plus de 500 euros. »
Les 18 sapeurs-pompiers du Loiret sont finalement rentrés dans la nuit de jeudi à vendredi. Fatigués, mais relevés par une nouvelle colonne régionale partie d’Orléans la veille, ils laissent derrière eux 16 000 hectares de cendres et de silence. Devant : la certitude que l’été n’a pas dit son dernier mot.