La soirée des César 2020 restera gravée comme l’une des plus controversées de l’histoire du cinéma français. L’attribution du prix de la meilleure réalisation à Roman Polanski a provoqué une onde de choc, opposant deux figures emblématiques du septième art : Adèle Haenel et Jean Dujardin.
Le départ fracassant d’Adèle Haenel
Lorsque le nom de Polanski est annoncé, la salle Pleyel retient son souffle. Mais Adèle Haenel, connue pour son franc-parler, se lève et quitte la cérémonie en lançant : « C’est une honte ». Quelques heures plus tard, elle confie à Mediapart son amertume : « La soirée avait bien commencé, avec des discours puissants de Florence Foresti, Aïssa Maïga ou encore l’équipe de Papicha. Mais elle a sombré dans une série de remerciements convenus ».
L’actrice dénonce une volonté de « séparer l’homme de l’artiste », une formule qu’elle rejette fermement. Selon elle, ce choix illustre un cinéma français attaché à son monopole de parole, préférant perpétuer une certaine élite plutôt que d’ouvrir la discussion sur des sujets brûlants comme les violences sexuelles ou la crise hospitalière. « Ce qu’ils ont fait hier soir, c’est nous renvoyer au silence », martèle-t-elle.
L’attitude ambiguë de Jean Dujardin
Face à cette controverse, Jean Dujardin s’est retrouvé dans une position délicate. Proche de Polanski à travers le film J’Accuse et partenaire d’Adèle Haenel dans Le Daim, il publie au lendemain de la cérémonie une photo ironique sur Instagram : lui, masque sur le visage, en mode OSS 117, légendée « Je me casse, ça pue dans ce pays ».
Si certains y voient une référence au coronavirus qui commençait à inquiéter, d’autres interprètent ce message comme une réaction implicite à la polémique des César. La publication est rapidement supprimée, mais le malaise reste. Beaucoup reprochent à l’acteur son absence de prise de position claire dans une affaire qui divise profondément le milieu culturel.
Un débat qui dépasse le cinéma
Cette polémique illustre une fracture plus large entre une partie du cinéma français, attachée à défendre l’œuvre artistique indépendamment de l’homme, et une nouvelle génération d’acteurs et actrices qui réclame une remise en question profonde des mécanismes de pouvoir et de silence.
Dujardin, soutenu par son entourage, notamment son épouse Nathalie Péchalat, se dit déterminé à poursuivre ses choix artistiques, malgré les critiques. Adèle Haenel, elle, incarne la voix d’une révolte féministe qui secoue les institutions culturelles, bien au-delà du cinéma.
👉 L’affaire Polanski aux César n’est pas seulement un épisode médiatique : elle met en lumière la tension entre tradition et renouveau, entre prestige artistique et responsabilité morale. Une question persiste : le cinéma français saura-t-il transformer cette fracture en véritable débat de société ?
