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CRC PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR
La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur a contrôlé la commune de Rognac à compter de l’exercice 2019.
La situation financière de la commune s’est dégradée lentement en raison d’une hausse plus dynamique des charges que des produits de gestion. Depuis 2020, trois maires se sont succédés à la tête de la commune. À cette gouvernance instable s’est ajouté un pilotage défaillant de l’administration. L’information comptable et la gestion des ressources humaines présentent d’importantes irrégularités. Différentes anomalies ont été constatées dans la gestion des frais de mission. L'utilisation irrégulière d'une carte d'achat par les maires successifs jusqu’en 2024 a également été relevée.
SYNTHÈSE
Commune de 12 000 habitants située dans un territoire industrialisé, Rognac a connu une période d’instabilité de sa gouvernance avec la succession de trois maires depuis 2020.
La situation financière de la collectivité se dégrade lentement en raison d’une hausse plus dynamique des charges que des produits de gestion. En dépit d’une diminution des investissements, cette évolution a contraint la capacité d’autofinancement et entraîné un recours accru à l’emprunt pour couvrir le besoin de financement. La dette a ainsi doublé au cours des cinq derniers exercices et, si elle paraît maîtrisée à ce jour, la commune doit rester vigilante quant à son évolution dans les années à venir.
L’organisation et le pilotage de l’administration se sont révélés défaillants en raison d’un déficit d’encadrement et d’expertise et du renouvellement important du personnel, l’ensemble favorisant une détérioration du climat social. L’archivage des documents administratifs est lacunaire et les procédures internes ne sont pas formalisées. La gestion des ressources humaines présente de nombreuses irrégularités en matière de recrutement, d’attribution des indemnités ou de télétravail.
Des lacunes sont également apparentes en matière d’information budgétaire et comptable, dont la qualité doit être rapidement améliorée. De nombreux manquements ont été constatés tels que l’absence d’adoption d’une démarche pluriannuelle des investissements ou une application imparfaite des procédures de provisionnement, de rattachement des charges et produits à l’exercice concerné et de régularisation des dépenses et des recettes. La commune doit également présenter une image fidèle de son patrimoine en réalisant un inventaire actualisé de son actif.
L’organisation décentralisée de la fonction achat ne permet pas d’assurer le respect des principes de la commande publique. La chaîne de décision peut conduire à des dépassements de la durée et du montant maximal des marchés ou à l’inobservation de la règle de computation des seuils. De telles pratiques induisent des risques juridiques et financiers élevés.
Les frais de mission, de déplacements et de restauration ont fortement progressé, passant de 170 000 € en 2019 à 280 000 € en 2023. Si certaines dépenses concernent l’organisation sur le territoire de la commune d’évènements festifs, de nombreuses anomalies ont toutefois été constatées comme le dépassement des plafonds légaux de remboursement de ces frais et l’absence de justificatifs pour nombre de dépenses.
L’utilisation irrégulière par les maires successifs d’une carte d’achat nominative jusqu’au milieu de l’année 2024 a contribué à un manque transparence dans la gestion communale. Les paiements se sont accrus, passant de 39 990 € en 2019 à 117 300 € en 2023. Beaucoup concernent le règlement de dépenses d’hôtels et de restaurants parisiens réputés, de billets d’avion ou l’achat de vins et spiritueux, sans justificatifs ni prise en compte de l’intérêt général dans la gestion des deniers publics. La carte d’achat a été détruite et le contrat résilié le 17 décembre 2024.
RECOMMANDATIONS
La chambre formule 12 recommandations :
- Recommandation n° 1. : Formaliser dans les meilleurs délais les procédures permettant une gestion efficiente des documents et des archives municipales, conformément à l’article L. 212 6 du code du patrimoine.
- Recommandation n° 2. : Limiter l’effectif du cabinet à une personne, conformément à l’article 10 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987.
- Recommandation n° 3. : Adopter dans les meilleurs délais un guide interne de la commande publique ainsi qu’une nomenclature des achats permettant l’exacte computation des dépenses par famille d’achat.
- Recommandation n° 4. : Respecter l’imputation comptable des frais de déplacement et de relations publiques des élus et des agents selon la nomenclature appropriée afin de disposer d’une information fiable et directe sur la réalité des sommes dépensées par nature.
- Recommandation n° 5. : Établir un inventaire des actifs de la commune en liaison avec le comptable public.
- Recommandation n° 6. : Procéder au provisionnement pour risques prévu par les dispositions de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales.
- Recommandation n° 7. : Se doter dans les meilleurs délais d’un plan pluriannuel d’investissement.
- Recommandation n° 8. : Mettre en place dans les plus brefs délais des lignes directrices de gestion permettant une sécurisation juridique des procédures en matière de ressources humaines et une gestion efficiente des carrières et des effectifs conformément à l’article L. 413-1 du code de la fonction publique.
- Recommandation n° 9. : Mettre en place un système de contrôle automatisé du respect effectif du temps de travail des agents, conformément au décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires.
- Recommandation n° 10. : Élaborer les fiches de poste des agents et mettre en place l’entretien d’évaluation professionnelle prévu à l’article L. 521-1 du code général de la fonction publique.
- Recommandation n° 11. : Mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements des lanceurs d’alerte conformément à l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016.
- Recommandation n° 12. : Mettre en conformité l’attribution des logements de fonction notamment en faisant cesser l’attribution du logement occupé par deux anciens agents de la commune.