Icône de la soul et figure majeure du label Motown, Marvin Gaye reste, plus de quarante ans après sa disparition tragique, l’une des voix les plus marquantes de l’histoire de la musique. À la croisée du groove, de l’engagement politique et d’une sensualité brute, son œuvre traverse les décennies sans perdre de sa puissance. En ces temps de redécouverte du vinyle et de regain d’intérêt pour les classiques de la musique afro-américaine, l’écoute des albums de Marvin Gaye reste incontournable. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs albums de Marvin Gaye à écouter absolument, en vinyle de préférence !
A Tribute to the Great Nat King Cole (1965)
En novembre 1965, Marvin Gaye rend hommage à son idole avec l’album A Tribute to the Great Nat King Cole. Ce sixième opus, produit par Hal Davis, Marc Gordon et Harvey Fuqua, revisite douze classiques de Nat King Cole, tels que Mona Lisa, Unforgettable et Nature Boy. Enregistré entre Détroit et Los Angeles, l’album reflète l’admiration profonde de Gaye pour Cole, dont le style vocal et la présence scénique ont grandement influencé sa propre carrière. Malgré des interprétations sincères et une orchestration soignée, l’album n’a pas rencontré le succès escompté à sa sortie. Néanmoins, il demeure un précieux témoignage de la polyvalence de Marvin Gaye et de son respect pour les standards de jazz.
United (avec Tammi Terrell) (1967)
Publié le 29 août 1967 sous le label Tamla de Motown, United est le premier album en duo de Marvin Gaye et Tammi Terrell. Cet opus emblématique du genre soul a atteint la 7e place du classement R&B et la 69e position du Billboard 200 aux États-Unis.
L’album comprend des titres phares tels que Ain’t No Mountain High Enough, Your Precious Love et If I Could Build My Whole World Around You, qui ont consolidé la réputation du duo. La chimie vocale entre Gaye et Terrell, combinée aux compositions de Nickolas Ashford et Valerie Simpson, a produit des morceaux intemporels.
In the Groove (1968)
Sorti le 26 août 1968 sous le label Tamla de Motown, In the Groove est le huitième album studio de Marvin Gaye. Cet opus marque son retour en solo après une série de duos réussis avec Kim Weston et Tammi Terrell. L’album comprend la chanson emblématique I Heard It Through the Grapevine, qui, après sa sortie en single le 30 octobre 1968, a dominé les charts américains pendant sept semaines consécutives. Ce succès a conduit Motown à rééditer l’album sous le titre I Heard It Through the Grapevine. Parmi les autres titres notables figurent Chained et You, qui ont également connu un succès commercial. L’album présente des collaborations avec des producteurs de renom tels que Norman Whitfield, Ivy Jo Hunter et Frank Wilson, et met en avant les talents de Gaye en tant que producteur sur des morceaux comme At Last (I Found a Love) et Change What You Can.
What’s Going On (1971)
L’album What’s Going On, sorti en 1971, marque un tournant décisif dans la carrière de Marvin Gaye et dans l’histoire de la musique soul. Profondément affecté par des événements personnels et sociopolitiques, notamment la mort de sa partenaire Tammi Terrell et les récits de son frère Frankie revenant du Vietnam, Gaye aspire à aborder des thèmes plus engagés dans sa musique. La chanson titre, What’s Going On, initialement écrite par Renaldo « Obie » Benson des Four Tops après avoir été témoin de violences policières lors d’une manifestation étudiante en 1969, est rejetée par son groupe en raison de son contenu politique. Marvin Gaye décide alors de s’approprier le morceau, d’y apporter des modifications personnelles et de le produire lui-même.
Trouble Man (1972)
Publié le 8 décembre 1972, Trouble Man est le douzième album studio de Marvin Gaye. Il sert de bande originale au film éponyme de blaxploitation réalisé par Ivan Dixon. Cet opus marque une transition stylistique pour Marvin Gaye, qui, après le succès de What’s Going On, explore des sonorités jazz-funk. Il s’agit du premier album entièrement écrit et produit par l’artiste, illustrant son contrôle créatif accru.
Il se distingue par des compositions instrumentales sophistiquées et des morceaux vocaux, notamment le titre éponyme Trouble Man, qui a atteint la 7e place du Billboard Hot 100 et la 4e place du classement R&B. Marvin Gaye y démontre sa polyvalence en jouant de plusieurs instruments, dont la batterie et les claviers, et en assurant toutes les parties vocales.
Let’s Get It On (1973)
Sorti le 28 août 1973, Let’s Get It On fusionne soul, R&B et funk, marquant une transition audacieuse vers des thèmes plus sensuels, voire charnels. L’album a dominé le classement Billboard Soul Albums et atteint la deuxième place du Billboard 200, consolidant ainsi la réputation de Marvin Gaye en tant qu’icône de la musique soul. Le morceau éponyme, enregistré le 22 mars 1973, s’est hissé au sommet du Billboard Hot 100, devenant l’un des singles les plus vendus de l’année. La production de l’album, assurée par Marvin Gaye et Ed Townsend, est saluée pour son innovation, notamment l’utilisation du multi-tracking vocal et d’arrangements extrêmement sophistiqués.
I Want You (1976)
Sorti en 1976, I Want You est le treizième album studio de Marvin Gaye. Produit en collaboration avec Leon Ware et Arthur « T-Boy » Ross, l’album se distingue par son ambiance sensuelle, quasi érotique. Le reflet de la relation de Marvin Gaye avec Janis Hunter, sa muse de l’époque, qui deviendra sa seconde épouse.
La pochette de l’album reprend The Sugar Shack, un tableau emblématique du peintre Ernie Barnes. Une œuvre qui représente une salle de bal du Chitlin Circuit, un réseau souterrain qui permettait aux afro-américains de se réunir pour faire la fête durant la ségrégation.
Here, My Dear (1978)
Sorti en décembre 1978, Here, My Dear est un album profondément personnel de Marvin Gaye, né de son divorce houleux avec Anna Gordy, sœur du fondateur du label Motown. Obligé par décision judiciaire de reverser à son ex-épouse la moitié des revenus de son prochain disque, Gaye conçoit d’abord cet album comme une formalité, avant d’en faire une œuvre cathartique, guidée par la nécessité d’exorciser sa douleur.
Enregistré au studio Marvins Room, le double album retrace les étapes de sa relation amoureuse, de la rencontre, I Met A Little Girl, à la séparation, You Can Leave, But It’s Going To Cost You, dans une narration intime et souvent à charge, mais sans jamais se dédouaner. Gaye y explore un processus de création presque mystique, improvisant ses mélodies à partir de marmonnements spontanés.
Malgré un accueil initial tiède, Here, My Dear est aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre soul, à la fois cru, poétique et brûlant d’émotion.
In Our Lifetime (1981)
Publié le 15 janvier 1981, In Our Lifetime est le seizième album studio de Marvin Gaye et son dernier chez Motown. Initialement conçu comme un album disco, le projet a évolué vers une exploration plus profonde de thèmes spirituels et sociaux, reflétant les tourments intérieurs de l’artiste. Les sessions d’enregistrement ont débuté en Californie et à Hawaï, mais c’est à Londres, où Gaye s’était exilé pour des raisons fiscales, que l’album a pris sa forme définitive.
Malheureusement, Motown a publié l’album sans le consentement de Gaye, en modifiant certains morceaux et en omettant le point d’interrogation du titre, élément clé du concept original. Cette ingérence a exacerbé les tensions entre l’artiste et le label.
Dream of a Lifetime (1985)
Publié en 1985, Dream of a Lifetime est le premier album posthume de Marvin Gaye, compilant des enregistrements inédits issus de sessions chez Motown et Columbia. Finalisé par Harvey Fuqua et Gordon Banks après le décès tragique de Gaye en 1984, l’album mêle soul, funk et R&B, reflétant les tensions entre ambition artistique et production commerciale des années 1980.
Le single Sanctified Lady s’est hissé dans le top 5 du classement R&B, tandis que des titres comme Symphony et It’s Madness révèlent une profondeur émotionnelle rare. Bien que considéré comme un opus mineur, l’album demeure une pièce essentielle pour comprendre l’évolution artistique de Marvin Gaye.
Vulnerable (1997)
Publié en 1997, l’album posthume de Marvin Gaye, Vulnerable, révèle une facette méconnue de l’artiste. Ce projet, initialement intitulé The Ballads, a débuté en 1968 avec l’arrangeur Bobby Scott. Insatisfait des premières sessions, Gaye a repris l’enregistrement en 1977 dans son propre studio, inspiré par ses relations tumultueuses avec Anna Gordy et Janis Hunter.
L’album comprend des standards tels que Why Did I Choose You ? et The Shadow of Your Smile, mettant en avant la voix suave de Gaye dans un registre jazz et pop traditionnel. Malgré son achèvement, le projet est resté inédit jusqu’à sa sortie par Motown en 1997.
You’re the Man (2019)
Sorti en 2019, You’re the Man est un album posthume de Marvin Gaye, compilant des enregistrements inédits et des démos datant principalement des années 1970. Ce projet, initié par Motown Records, offre un aperçu fascinant de l’évolution artistique de Gaye après le succès monumental de What’s Going On.
L’album inclut des morceaux emblématiques comme le titre éponyme You’re the Man, initialement prévu pour être le single phare d’un album concept sur les élections présidentielles de 1972. Les pistes, alliant soul, funk et commentaires sociaux, reflètent l’engagement de Marvin Gaye envers les questions politiques et humanitaires.
Le vinyle, une culture
Si vous n’avez pas encore succombé au retour du vinyle, qui n’a par ailleurs jamais disparu, il est temps de vous y mettre.
Bien plus qu’un simple objet, il séduit de plus en plus, néophytes et passionnées, par la qualité de ses pochettes, sa fidélité sonore et la richesse du son.
De plus, il permet de se réapproprier l’instant et de prendre le temps.
Tout commence par ce petit rituel, où l’on choisit son disque, puis on extrait la galette de sa pochette et de son étui en plastique. Il faut ensuite la poser sur la platine, positionner soigneusement l’aiguille, savoir apprécier son crépitement si caractéristique, s’assoir et écouter, en parcourant la jaquette.
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Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute.
Hakim Aoudia.
