La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail, au contrôle des comptes et de la gestion de la commune de Jonage pour les exercices 2018 et suivants.
Une situation financière satisfaisante
La situation financière de la commune est satisfaisante. Les investissements sont financés essentiellement par l’autofinancement. La commune a toutefois emprunté 2,2 M€ en 2021 et 2022 sans toutefois altérer sa capacité de désendettement, qui représentait trois années d’épargne brute de la collectivité fin 2023.
De graves insuffisances en matière de gouvernance et de gestion administrative et financière
La chambre rappelle que le législateur a posé le principe selon lequel le conseil municipal gère les affaires de la commune par ses délibérations, que ses réunions, y compris les comptes rendus qui en sont faits, et que les documents qu’il examine sont publics.
Or, tel n’est pas le cas pour la commune de Jonage. Le conseil municipal prend toutes ses décisions au terme de réunions publiques préparées auparavant à huis clos, sans justification, ce qui est irrégulier. Dès lors, les séances du conseil municipal ne donnent quasiment lieu à aucun débat. Leurs comptes rendus ainsi que les délibérations comme leurs documents préparatoires sont laconiques. Les commissions municipales ne se réunissent jamais, ne communiquent aucun avis à l’organe délibérant. Il est alors difficile de comprendre comment les décisions ont été prises, notamment par rapport aux objectifs du mandat municipal qui ne sont pas connus. Au surplus, le conseil municipal procède à un contrôle insuffisant des matières dont il a délégué la gestion au maire.
La gestion administrative pâtit de faiblesses structurelles, au premier rang desquelles, une rotation soutenue du personnel qui déstabilise la collectivité et remet en cause les efforts de formation des agents municipaux consentis par la commune. L’absence de culture administrative écrite, une utilisation et une maîtrise insuffisantes des outils informatiques, accentuent les effets négatifs de la vacance parfois prolongée de certains postes clés d’encadrement, qu’il s’agisse des ressources humaines, des finances ou des services techniques.
Cette fragilité organisationnelle a été non seulement source des nombreuses irrégularités relevées par la chambre mais a aussi eu pour conséquence une absence de connaissance par les services communaux de données fondamentales concernant la commune : effectifs, temps de travail, consistance du patrimoine et importance de ses variations, besoins d’achats, consistance des systèmes d’information.
Conjuguées à une absence de pilotage et de planification, ces lacunes augmentent les risques de gestion et favorisent la survenance d’irrégularités, telles que l’attribution de rémunérations irrégulières, le non-respect de seuils de la commande publique ainsi que des prestations récurrentes confiées aux mêmes fournisseurs.
La fiabilité de la comptabilité tenue par la commune sur la période contrôlée n’a pas été suffisamment assurée par manque de procédures internes notamment en matière d’engagement de la dépense et d’opérations de fin d’exercice (provisions, amortissements, rattachements des produits et des charges) qui sont mal définies et insuffisamment maîtrisées.
La comptabilisation des éléments d’actif qui composent le patrimoine communal par l’ordonnateur ne repose pas sur un véritable inventaire « physique », si bien que la valeur du bilan ne peut être confirmée. Dans l’ensemble, tant la comptabilité budgétaire, que la comptabilité en droits constatés présentent des faiblesses qui en altèrent la fiabilité de façon significative.
Une opération d’aménagement marquée par de graves irrégularités, emblématique des lacunes de la commune en matière de gestion de son patrimoine immobilier
L’opération de remembrement de parcelles et d’aménagement du parc d’activités du Velin a été menée en dehors de la comptabilité publique et conduit à faire prendre en charge par la commune les coûts, d’un montant de 810 000 €, qui auraient dû être mis à la charge des partenaires privés. De nombreuses irrégularités ont entouré cette opération ainsi qu’un conflit d’intérêts.
La chambre a aussi constaté l’insuffisante protection des intérêts financiers de la commune en ce qui concerne la gestion des baux commerciaux de ses propriétés immobilières.
Au terme de son examen de la gestion, la chambre formule de nombreuses recommandations, dont certaines avaient déjà été adressées à la commune lors de son précédent contrôle, publié en 2015. Il appartient désormais au conseil municipal, qui détient une compétence générale pour régler par ses délibérations les affaires de la commune, de s’en emparer et de veiller à leur mise en œuvre.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1. Respecter les dispositions légales et réglementaires concernant le fonctionnement et la transparence des débats et des décisions des commissions et du conseil municipal.
Recommandation n° 2. Établir des comptes rendus réguliers d’utilisation de la délégation accordée au maire par le conseil municipal à présenter à l’assemblée délibérante et mettre fin aux délégations de signature irrégulières (articles L. 2122-19 et L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales).
Recommandation n° 3. Appliquer les dispositions des articles L. 2123-18 et suivants du code général des collectivités territoriales relatives aux frais de représentation des élus.
Recommandation n° 4. Délibérer pour tout octroi de subvention, établir une convention pour toute subvention supérieure au seuil règlementaire et valoriser la mise à disposition des locaux dans les documents budgétaires.
Recommandation n° 5. Établir un état des lieux de l’architecture, du fonctionnement et de la sécurité du système d’information et mettre en place la gouvernance nécessaire à son pilotage, notamment au titre de la protection des données.
Recommandation n° 6. Créer une commission « MAPA » (recommandation réitérée).
Recommandation n° 7. Mettre en place un guide interne et des fiches de procédure en matière de marchés publics et établir un procès-verbal lors de l’examen des offres.
Recommandation n° 8. Publier les données essentielles de la commande publique.
Recommandation n° 9. Établir un tableau des effectifs retraçant le nombre d’emplois budgétaires ouverts et leur occupation.
Recommandation n° 10. Adopter un règlement du temps de travail respectant la durée annuelle légale.
Recommandation n° 11. Respecter la réglementation en vigueur applicable à l’attribution des indemnités horaires pour travaux supplémentaires et mettre en place un suivi de la justification, la réalisation et la comptabilisation des heures supplémentaires réalisées.
Recommandation n° 12. Corriger les irrégularités relatives aux éléments essentiels du contrat du collaborateur de cabinet pour la mandature 2020-2026 (recommandation réitérée).
Recommandation n° 13. Adopter une délibération déterminant les conditions et modalités de remboursement des frais de missions des agents et prévoir une procédure basée sur l’établissement d’ordre de mission préalable et d’état de frais accompagné de justificatifs a posteriori.
Recommandation n° 14. Définir une politique de gestion patrimoniale et en rendre compte régulièrement au conseil municipal.
Recommandation n° 15. Publier sur le site internet de la commune les documents obligatoires relatifs à l’information budgétaire des citoyens et améliorer l’accès de ces derniers à l’information financière.
Recommandation n° 16. Établir une convention de partenariat avec le comptable public et la direction locale des finances publiques