Quelles suites au contrôle des juridictions financières ?

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Face à une dégradation des finances publiques et un contexte difficile sur le plan politique et social, les juridictions financières réaffirment leur rôle de vigie de l’action publique et publient leur rapport annuel sur le suivi des recommandations. Chaque année, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) publient en moyenne 1200 rapports et adressent des centaines de recommandations aux responsables des administrations et organismes publics. Ces recommandations découlent des constats les plus significatifs mis en évidence lors des enquêtes et visent à orienter les réflexions et les décisions des acteurs publics dans le sens d’une amélioration de l’efficience des politiques et de la gestion publiques. 

L’impact des recommandations formulées par les juridictions financières

En 2024, 76 % des recommandations de la Cour et des CRTC ont été totalement ou partiellement mises en oeuvre. Une preuve tangible que les travaux des juridictions financières conduisent effectivement les acteurs publics à prendre des mesures pour améliorer l’efficience des politiques et de la gestion publiques. Un résultat d’autant plus satisfaisant qu’il est resté stable depuis 2018, malgré le contexte politique de l’été 2024, marqué par la dissolution de l’Assemblée nationale, qui a pu freiner l’exécution de certaines préconisations. En effet, un nombre significatif de recommandations encore en attente de mise en oeuvre concerne la conception de politiques publiques impliquant souvent plusieurs partenaires. Leur application requiert donc un travail de fond que les ministères compétents doivent inscrire dans une démarche de long terme.
La Cour a assuré en 2024 le suivi des recommandations formulées dans 75 rapports publiés en 2021. Ce recul de trois années permet aux destinataires de disposer d’un délai raisonnable pour engager les réformes nécessaires. Le rapport de suivi des recommandations rend compte des résultats de onze enquêtes réalisées en 2024, pour vérifier les suites données à des contrôles ou enquêtes antérieurs. Ils portent sur des thèmes aussi divers que la politique de développement des biocarburants, les achats par les hôpitaux de masques chirurgicaux et autres équipements de protection individuelle ou la mise en réseau des chambres d’agriculture ; ils présentent également la gestion d’organismes et de services intervenant dans des domaines tout aussi variés, comme la Monnaie de Paris, la Mutualité sociale agricole ou l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Épide). L’exemple d’une enquête commune menée par une formation interjuridictions constituée de la Cour et de cinq chambres régionales et territoriales des comptes en 2023, sur la gestion du « trait de côte » est également abordé.
Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont tenus de rendre compte, dans le délai d’un an, des actions entreprises à la suite des contrôles des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Lors de la campagne de 2024, les CRTC ont réalisé le suivi des recommandations figurant dans les rapports publiés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023. Dans leur ensemble, elles relèvent un niveau avancé de maturité des actions, notamment en matière de fiabilisation des comptes, de gouvernance, d’harmonisation des régimes indemnitaires ou encore de respect de la durée légale de travail. Toutefois des facteurs d’inertie continuent d’affecter certains champs de la gestion publique locale, notamment lorsque des transferts de compétences, des mutualisations de services ou d’équipements et des réformes structurelles dans la gestion des personnels sont en jeu.

Le bilan des suites contentieuses des juridictions financières

La montée en puissance du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP), entré en vigueur le 1er janvier 2023, s’est poursuivie en 2024. Ce régime rend l’ensemble des gestionnaires publics justiciables devant la Cour des comptes dans le cadre d’un régime de responsabilité unifié de nature répressive. En 2024, 77 déférés ont été adressés au Parquet général, contre 68 en 2023. La répartition des déférés demeure stable, avec 55 déférés émanant des juridictions financières (soit 71 % du total en 2024), parmi lesquels 47 des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) et huit de la Cour des comptes, ce qui signifie qu’environ 5 % seulement des contrôles de la Cour et des CRTC conduisent à un déféré. Après avoir examiné les faits, la Procureure générale, qui détient le monopole des poursuites, peut décider de transmettre l’affaire à la chambre du contentieux, mais aussi de classer l’affaire ou d’opter pour une mesure alternative aux poursuites. En 2024, la Procureure générale a pris 44 réquisitoires faisant suite à un déféré et quatre réquisitoires d’initiative (contre respectivement 34 et neuf en 2023), traduisant un usage mesuré mais effectif du pouvoir d’initiative du ministère public. Enfin, neuf réquisitoires supplétifs ont permis de compléter ou d’étendre des poursuites déjà engagées.
Le rapport rend également compte des suites données aux présomptions d’irrégularités de toute nature que les citoyens et lanceurs d’alerte peuvent déposer sur la plateforme de signalement lancée en septembre 2022. Fin 2024, après moins de deux ans et demi d’existence, la plateforme a déjà reçu 2 448 signalements, soit environ 90 par mois, dépassant largement les attentes initiales. Au cours de la seule année 2024, 996 signalements ont été déposés sur la plateforme, dont 44 % de façon anonyme. Le Ministère public opère une vigilance particulière sur ces signalements anonymes et veille à contenir le risque de délation ou de dénonciation calomnieuse. Comme les années précédentes, les signalements reçus en 2024 ont été principalement classés par leurs auteurs comme relevant d’un « usage abusif des fonds publics » (18 %) ou d’une « faute de gestion particulièrement grave » (15 %). En 2024 les signalements de « manquement aux règles de la commande publique » ont aussi été particulièrement nombreux (11 %).
En 2024, après analyse par le Ministère public, 842 signalements ont été considérés comme suffisamment pertinents pour être transmis aux chambres compétentes. Parmi ces signalements, 85 % relevaient de la compétence des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) et 15 % de celle de la Cour.
306 des signalements transmis aux chambres (soit 36%) ont donné lieu à des suites. Près des deux tiers seront pris en considération dans le cadre de la programmation des contrôles tandis qu’un quart ont été intégrés dans le cadre d’un contrôle en cours. 4% des signalements ont été joints à une procédure contentieuse déjà en cours ou ont conduit la Procureure générale à prendre un réquisitoire d’initiative (principalement les inexécutions des décisions de justice).

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