Maroc : 30 mois de prison pour Ibtissame Lachgar, militante féministe détenue arbitrairement malgré un état de santé critique

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MAR 002 / 0925 / OBS 058
Condamnation /
Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire/ Cyber harcèlement /
Dégradation de la santé en détention /
Traitement inhumain et dégradant /
Restriction à la liberté d’expression
Maroc
22 septembre 2025

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence concernant la situation suivante au Maroc.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de la condamnation de la psychologue clinicienne et défenseure des droits des femmes et personnes LGBTQIA+ Ibtissame Lachgar (surnommée ‘Betty’ Lachgar), une militante et cofondatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) qui défend la dépénalisation de l’avortement, l’égalité de genre et les droits des personnes LGBTQI+ au Maroc.

Le 3 septembre 2025, le tribunal de première instance de Rabat a condamné Ibtissame Lachgar à 30 mois de prison ferme et à une amende de 50 000 dirhams (environ 4 750 euros) pour "atteinte à l’Islam". Cette condamnation fait suite à une publication diffusée fin juillet 2025 sur les réseaux sociaux, où l’on voit la militante porter un t-shirt "Allah is lesbian" accompagné d’un texte critique envers l’Islam, qualifié, tout "comme toute idéologie religieuse", de "fasciste, phallocrate et misogyne". Cette procédure pénale se fonde sur l’article 267-5 du Code pénal marocain, qui incrimine d’une peine de six mois à deux ans de prison toute « atteinte à la religion islamique », extensible à cinq ans si l’atteinte est commise en public, y compris par voie électronique. Lors de l’audience devant le tribunal de première instance de Rabat, Ibtissame Lachgar a déclaré que son t-shirt reprenait « un slogan féministe existant depuis des années contre les idéologies sexistes et les violences faites aux femmes », ajoutant « qu’il n’a aucun rapport avec l’Islam ».

Le procès d’Ibtissame Lachgar s’est ouvert le 13 août 2025, avant d’être renvoyé au 27 août puis au 3 septembre. Le 27 août 2025, la justice marocaine a refusé la demande de liberté provisoire présentée par la défense d’Ibtissame Lachgar en raison de l’état de santé précaire de cette dernière. Depuis, elle est incarcérée à la prison d’El Arjat près de Rabat, où elle est maintenue en isolement total, sans contact avec les autres détenues, même lors des promenades. Parallèlement, des mesures judiciaires complémentaires ont été prononcées à son égard, notamment des restrictions de déplacement, tandis que sur les réseaux sociaux, des milliers d’internautes mènent une campagne de harcèlement assortie de menaces de viol, de lynchage et de mort — certains appelant même à sa lapidation ou à son exécution.

Interpellée à son domicile de Rabat le 10 août 2025 sur ordre du procureur du Roi du Maroc, Ibtissame Lachgar a été placée en garde à vue puis en détention provisoire, malgré son état de santé fragile. Survivante d’un cancer des os, elle nécessite en effet une intervention chirurgicale urgente. Selon ses médecins, une opération critique du bras gauche devait avoir lieu en septembre, sous peine de risquer l’amputation. Comme l’ont rappelé ses avocats, son état est alarmant.

L’Observatoire dénonce la détention arbitraire, le harcèlement judiciaire et les campagnes virulentes de cyberharcèlement dont est victime Ibtissame Lachgar, qui ne semblent viser qu’à la sanctionner pour l’exercice légitime de son droit à la liberté d’expression, et appelle les autorités marocaines à la libérer immédiatement et à garantir un environnement sûr et propice à l’exercice de ce droit.

L’Observatoire exprime son inquiétude face à l’état de santé et de bien-être d’Ibtissame Lachgar en détention, et appelle les autorités à veiller à ce qu’elle ait accès à des soins médicaux adéquats et à garantir le respect de ses droits fondamentaux.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :
  Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique et physique d’Ibtissame Lachgar ainsi que de tou·te·s les défenseur·e·s des droits humains au Maroc ;
  Libérer immédiatement et sans condition Ibtissame Lachgar et tou·tes les défenseur·es des droits humains arbitrairement détenu·es au Maroc ;
  Annuler les condamnations prononcées contre Ibtissame Lachgar et mettre fin à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre ainsi qu’à l’encontre de tou·tes les défenseur·es des droits humains et veiller à ce qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes sans entrave ni crainte de représailles ; et
  Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect du droit à la liberté d’expression tel que consacré par les standards internationaux relatifs aux droits humains, et particulièrement l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies.

Adresses :

• M. Nasser Bourita, Ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Email : ministere@maec.gov.ma
• M. Abdellatif Ouahbi, Ministre de la Justice. Email : mjustice@justice.gov.ma
• Conseil national des droits de l’Homme. Email : cndh@cndh.org.ma
• M. Omar Zniber, Représentant permanent du Maroc auprès de l’Office des Nations unies et des autres organisations internationales à Genève. Email : maroc.ge@maec.gov.ma
• M. Allal Ouazzani Touhami, Ministre plénipotentiaire et chargé d’affaires, Mission du Maroc auprès de l’UE et de l’OTAN. Email : mission.ue@maec.gov.ma

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 22 septembre 2025

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’ OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
• E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
• Tel FIDH : +33 (0) 1 43 55 25 18
• Tel OMCT : +41 (0) 22 809 49 39

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Recapiti
Hugo GABBERO