16 ans jour pour jour après la sanglante répression des manifestant·es réuni·es au stade de Conakry, ce 28 septembre 2025, la FIDH, l’OGDH et l’AVIPA ont tenu une conférence de presse, à Conakry, pour commémorer les victimes du massacre de 2009. Alors que des avancées judiciaires historiques ont eu lieu, la grâce présidentielle accordée à Moussa Dadis Camara et les insuffisances du processus d’indemnisation menacent gravement les droits des victimes, sur fond d’un grave recul de l’État de droit en Guinée. Les organisations appellent les autorités guinéennes à poursuivre ce procès dans le respect des règles et des standards internationaux pour que les victimes puissent enfin obtenir justice, vérité, reconnaissance de leur statut et réparation.
Conakry, Paris le 28 septembre 2025. Le 28 septembre 2009, plus de 150 personnes ont été tuées et plus de 100 femmes ont été victimes de violences sexuelles lors de la répression d’une manifestation pacifique à Conakry. Après treize années d’attente, un procès historique s’est ouvert le 28 septembre 2022 et, en juillet 2024, huit accusés, dont Moussa Dadis Camara, ancien président et chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte au pouvoir à l’époque, ont été condamnés pour crimes contre l’humanité.
A peine huit mois après cette première victoire, les espoirs des victimes ont été brutalement ébranlés. Le décret présidentiel du 26 mars 2025 annonçant leur indemnisation a révélé de profondes failles dans son application : liste réduite des bénéficiaires, processus opaque et injuste, qui ont été sources de frustrations et de tensions au sein des victimes. Pire encore, le 28 mars 2025, le général Mamadi Doumbouya a accordé une grâce présidentielle à Moussa Dadis Camara, tandis que toutes les parties étaient en attente de la programmation du procès en appel. Alors que Moussa Dadis Camara a depuis quitté le pays, cette décision a gravement affaibli la crédibilité du processus judiciaire.
« La grâce accordée à Dadis Camara envoie un signal préoccupant, celui de l’impunité. Pourtant, le processus judiciaire est toujours en cours et la population guinéenne mérite qu’il aille à son terme. Pour que ce procès illustre la lutte contre l’impunité, nul ne doit faire obstacle à l’émergence de la vérité », déclare Me Alpha Amadou DS Bah, président de l’OGDH et avocat coordinateur du collectif d’avocat·es représentant les parties civiles.
« Nous saluons le courage des victimes, qui continuent de se battre malgré les menaces et les manœuvres politiques. En dépit de ces 16 années d’attente insupportables, elles veulent encore croire en la justice guinéenne et en sa capacité d’aller au bout de cette quête de justice. La communauté internationale doit rester vigilante pour que le droit à la vérité, à la justice et à la réparation soit respecté pour toutes les victimes, de manière équitable et transparente », ajoute Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA.
Le procès du 28 septembre symbolise, bien au-delà de la Guinée, un tournant majeur dans la coopération entre juridictions nationales et internationales. Il incarne une illustration concrète du principe de complémentarité consacré par le Statut de Rome, en mettant en évidence la capacité et la volonté des juridictions nationales de juger les crimes les plus graves, avec la mobilisation de la communauté internationale et de la Cour pénale internationale (CPI)
« Le massacre du 28 septembre est un crime contre l’humanité. Nous appelons les autorités guinéennes à respecter leurs obligations régionales et internationales et les partenaires privilégiés de la Guinée à rester mobilisés. Si cette œuvre de justice venait à s’arrêter ici, un signal terrible serait adressé aux populations civiles, en Afrique et à travers le monde, démontrant un nouvel échec de la justice internationale. Au nom du principe de complémentarité, nous appelons la Cour pénale internationale à rester engagée aux côtés de la justice guinéenne », souligne Mabassa Fall, représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine.
Depuis 2022, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), la junte militaire au pouvoir a multiplié les violations des droits fondamentaux : interdiction systématique des manifestations, arrestations arbitraires, disparitions forcées, fermeture des médias jugés critiques. La disparition d’Oumar Sylla dit Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah en juillet 2024 reste une plaie ouverte, symbole de la répression qui s’abat sur les voix dissidentes.
Le référendum constitutionnel du 21 septembre dernier représentait une étape décisive du processus de transition politique. Toutefois, il a été fragilisé par l’absence de dialogue entre les autorités de transition et les principaux partis politiques, ainsi que par la suspension de formations majeures telles que le RPG arc-en-ciel et l’UFDG. Vendredi 26 septembre, la Cour suprême a validé les résultats du référendum, déclarant une victoire du “Oui” avec 89,38% des suffrages exprimés. Par un décret présidentiel lu à la télévision nationale le 27 septembre au soir, les autorités guinéennes ont annoncé que l’élection présidentielle est fixée au 28 décembre 2025. Nos organisations appellent les autorités à restaurer l’Etat de droit et à respecter le droit légitime de la population guinéenne à choisir librement leurs représentants à l’occasion d’élections régulières, libres, et transparentes, conformément à leurs engagements régionaux et internationaux.