Changement climatique : quel impact sur la santé en Afrique ?

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Transcription de l’intervention de Josselin Léon, Délégué général d’Amref Health Africa (France) au micro de Carole Assignon, dans l’émission « Capsule Santé » du 15 septembre 2025, sur DW.

>> Ecouter l’émission

Carole Assignon (DW) : On parle de plus en plus du changement climatique. S’il a un effet indéniable sur l’environnement, son impact sur la santé des populations, et plus largement sur le système sanitaire, est aussi une réalité. Et il en est question dans ce magazine. Carola Cignon au micro, vous écoutez Capsule Santé. Bonjour à toutes et à tous. 

Vague de chaleur, inondation, tempête et incendie. L’augmentation de tous ces phénomènes liés au changement climatique a un impact sur l’environnement, mais aussi la santé physique et mentale des populations touchées. C’est ce que nous explique Josselin Léon, Délégué général d’Amref Health Africa (France), une ONG qui mène des actions dans le domaine de la santé publique en Afrique. 

Josselin Léon : L’Afrique est une des régions qui est les plus vulnérables aux effets négatifs du changement climatique. Le changement climatique, ce n’est pas qu’une question environnementale, c’est aussi une crise sanitaire silencieuse qui frappe d’abord les plus vulnérables et qui aggrave les inégalités.

Le changement climatique est un multiplicateur de crises sanitaires. Il y a l’augmentation des maladies vectorielles comme le paludisme ou la dengue. En Afrique de l’Est par exemple, le paludisme aujourd’hui s’étend à des altitudes beaucoup plus élevées parce que les moustiques prolifèrent à cause de la chaleur et des pluies irrégulières. 

On a ensuite les cyclones tropicaux, qui entraînent des crises d’accès à l’eau et des flambées de choléra et de diarrhée. L’insécurité alimentaire, qui est due aux sécheresses et qui cause des effets en cascade sur la nutrition des populations. Les phénomènes météorologiques, qui sont extrêmes et de plus en plus présents, comme les sécheresses, les inondations… Aujourd’hui, ils ont un impact direct sur les infrastructures des soins de santé et ils causent des morts. Cela a été le cas en Afrique de l’Ouest et Centrale, avec 1 500 victimes. Il y a eu aussi 1 million de personnes déplacées, qui vont ensuite aller dans d’autres pays, des pays hôtes, et qui vont peser sur les systèmes sanitaires qui sont déjà menacés.

Donc, comme on le voit, ces phénomènes extrêmes détruisent les infrastructures sanitaires, ils compromettent l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, et ils rendent la couverture sanitaire universelle encore plus difficile à atteindre.

Carole Assignon (DW) : Et on imagine qu’il y a aussi un impact sur la santé mentale des populations affectées ?

Josselin Léon : Quand il y a une santé ou un accès à la santé qui ne vient pas, effectivement, ça devient de plus en plus complexe pour les populations d’arriver à se projeter, d’arriver à trouver des systèmes économiques pour leur permettre de survivre, d’accéder à la nourriture ou aux systèmes alimentaires, et aussi au système économique pour les besoins de leurs familles. 

Carole Assignon (DW) : Et dans ce contexte, quelles sont les options pour lutter efficacement contre cet impact sur la santé des populations ? 

Josselin Léon : Pour nous, Amref Health Africa, la meilleure réponse est un système de santé qui est résilient et qui est capable d’absorber les chocs climatiques. Donc on va travailler sur le renforcement des systèmes de santé primaires avec la prévention et aussi les soins de proximité, bien sûr. Nous agissons auprès des communautés qui sont au cœur des crises, au cœur de ces systèmes. Nous formons aussi des professionnels de santé qui sont capables de répondre aux nouvelles pathologies liées au climat et détecter les alertes précoces. Parce que les gens qui sont dans les communautés sont les mieux à même de répondre aux menaces émergentes et éviter qu’elles se propagent.

Et ensuite, il faut aussi investir dans la prévention communautaire avec l’éducation à l’hygiène, à l’eau, à la nutrition, et mettre l’accent sur la prévention, la santé primaire et l’autonomisation des femmes et des filles.

Il y a aussi bien sûr la coopération, entre les États, avec les ONG, les associations, les bailleurs de fonds, le secteur académique. Parce que la lutte doit être globale et intégrée.

Je peux vous citer un petit exemple des recommandations qui sont sorties de la conférence AHAIC en 2025. C’est une conférence sur l’agenda de la santé en Afrique qui a été montée par Amref. La dernière édition en 2025 s’est déroulée au Rwanda. Les recommandations portaient sur la nécessité d’accroître le financement national de la santé pour les pays en charge, bien évidemment déjà en Afrique. Par ailleurs on recommande aussi de renforcer les systèmes de santé communautaire, d’intégrer ces enjeux climatiques dans le renforcement des infrastructures avec des innovations technologiques qui permettront justement d’être plus résilients. Il faut promouvoir et encourager l’innovation et les solutions locales. 

Carole Assignon (DW) : Au niveau d’Amref, quelles sont les actions que vous menez concrètement sur le terrain pour soutenir, justement, les communautés les plus vulnérables ? 

Josselin Léon : Amref Health Africa, c’est une ONG africaine qui est totalement ancrée dans les communautés. C’est notre approche phare qui investit dans des solutions durables.

En 2024, nous avons pu soutenir plus de 19 millions de personnes dans plus de 40 pays africains. Nous menons de concert 190 programmes, tant sur la santé maternelle, infantile, la nutrition, l’accès à l’eau, la formation du personnel de santé et aussi les soins de santé spécialisés.

Nous agissons à plusieurs niveaux.

Ça va être par exemple des constructions de puits, de citernes, d’infrastructures sanitaires, et notamment dans les zones rurales pour pouvoir prévenir les maladies hydriques.

On va aussi faire former des communautés à la surveillance météorologique et à la gestion des risques climatiques, pour qu’ils soient plus alertes.

Nous allons aussi appuyer des centres de santé pour garantir des conditions d’hygiène adéquates et former les sages-femmes et les agents de santé communautaires afin qu’ils améliorent l’accès à la santé pour les populations.

Nous déployons aussi des programmes de nutrition et de santé reproductive, particulièrement pour les femmes et les enfants.

Enfin, nous collaborons avec les gouvernements et les partenaires techniques pour pouvoir renforcer les systèmes de santé communautaires. A un niveau international, nous menons un plaidoyer pour pouvoir intégrer la santé dans les politiques climatiques, notamment lors des forums internationaux. 

Pour conclure, la résilience sanitaire va passer automatiquement par la résilience climatique. Chez Amref Health Africa, nous essayons chaque jour de travailler avec les communautés pour bâtir des systèmes de santé plus forts et capables de résister aux crises de demain.

Photo : Amref Health Africa / Tony Wild

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Bertrand Guillemont