Communauté de communes du Pays de Salers (Cantal)

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La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail 2024, au contrôle des comptes et de la gestion de la communauté de communes du Pays de Salers pour les exercices 2019 et suivants.

L’échec du projet de méthanisation
Située dans le département du Cantal en zone rurale et de moyenne montagne, au pied des Monts du Cantal entre Mauriac et Aurillac, la communauté de communes du Pays de Salers rassemble 27 communes et près de 8 409 habitants en 2021 . Elle a engagé en 2012 un projet territorial de développement des énergies renouvelables porté par le président alors en fonction, reposant sur la mise en place d’une filière de méthanisation des déchets agricoles et végétaux. Le projet a été monté en association avec un partenariat privé unique, le groupe Chadasaygas et plusieurs de ses filiales. Pour ce faire, la communauté de communes a créé une société d’économie mixte, la SEM Salers Développement, qui a pris des participations dans le capital de la société Salers Biogaz, filiale du groupe Chadasaygas. 

L’intercommunalité a également tissé de multiples liens directs avec le groupe, notamment avec Salers Biogaz, entité chargée de l’exploitation des deux unités de méthanisation devant alimenter en gaz naturel les camions de collecte des ordures. 

Ce projet s’est soldé par un échec industriel, financier et environnemental. En 2022, la société Salers Biogaz et ses dirigeants ont été pénalement condamnés pour de multiples pollutions et des dysfonctionnements d’exploitation. Pour l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), l’échec du projet de méthanisation est porteur d’importantes conséquences financières.

Une gouvernance du projet non transparente

Plusieurs contrats conclus entre la communauté de communes et le partenaire privé n’ont pas donné lieu à délibération du conseil communautaire, en toute irrégularité. Par la suite, le contrat signé en novembre 2019, emportant location de camions bennes fonctionnant au diesel à la suite de l’échec du projet d’approvisionnement en gaz issu de la méthanisation, n’a été porté à la connaissance du conseil qu’en juin 2022, dissimulant à l’organe délibérant l’échec rencontré durant plus de trente mois.

De même plusieurs décisions, actées sur la période 2014-2018 mais produisant toujours effet, avec des risques avérés pour l’intercommunalité, ont été adoptées par le seul bureau, en lieu et place du conseil de communauté : ainsi de la participation de la SEM au capital de Salers Biogaz, et des cautionnements consentis au bénéfice de la même société. Le suivi du projet de méthanisation par l’organe délibérant a été notoirement insuffisant. L’organe délibérant ne s’est pas réellement impliqué dans le projet de méthanisation, ayant délégué à dessein sa compétence décisionnaire au bureau où siègent moins d’un tiers des élus de l’EPCI. La mise en œuvre du projet, puis les péripéties qu’il a rencontrées, n’ont ainsi jamais été exposées et débattues par le conseil communautaire.

Pour la communauté de communes, des effets financiers actuellement chiffrés à plus de 1,86 M€

L’échec du projet de méthanisation aura coûté plus de 1,86 M€ à l’EPCI, répartis entre budget principal et budget annexe des ordures ménagères. La charge en résultant équivaut à plus de deux années d’épargne brute des budgets en question, et de l’ordre de la moitié du montant total annuel de leurs produits de gestion. La situation financière de l’intercommunalité s’en trouvera nécessairement obérée, au détriment d’autres projets et du déploiement des services communautaires offerts à la population. 

Se voulant innovant et prometteur, le projet de méthanisation a bénéficié de nombreuses subventions publiques, accordées à l’EPCI comme au groupe Chadasaygas, par l’État – ministère de l’Environnement et ADEME – ainsi que par l’Union européenne. Chiffré à 2,251 M€, le soutien public a été engagé en pure perte du fait de l’échec économique du projet, sans compter l’impact environnemental et la question du traitement des friches industrielles que constituent les unités de méthanisation, désormais mises à l’arrêt.

L’économie générale du projet reposait initialement sur un partage du risque entre le partenaire privé et la collectivité publique. Or ce partage était dès l’origine déséquilibré, au détriment de la collectivité, en raison du degré de risque non maîtrisé qu’elle a accepté d’endosser et d’une fiabilité aléatoire du partenaire privé, qui ne disposait d’aucune expérience ni référence solide en matière de méthanisation agricole. 

La chambre ne peut qu’engager la communauté de communes à faire preuve de plus de prudence et à exiger de meilleures garanties de ses partenaires privés, afin de préserver au mieux ses intérêts dans l’éventualité de carences et insuffisances graves, voire de défaillance desdits partenaires.

RECOMMANDATIONS 

Recommandation n°1 : Adopter une délibération pour définir les attributions du bureau de manière effective et précise.

Recommandation n°2 : Formaliser les rendus-comptes des séances du bureau et des délégations exercées par le président.

Recommandation n°3 : Etablir des ordres de mission pour chaque déplacement d’agent.

Recommandation n°4 : Respecter la réglementation relative au remboursement des frais de déplacement et procéder au recouvrement des sommes indument versées.

Recommandation n°5 :  Porter le montant des provisions relatives aux dettes de la société Salers Biogaz, à hauteur du risque d’irrécouvrabilité encouru.

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