​​Santé mentale : Psychiatrie et inclusion sociale se pensent ensemble - SIDIIS​  - Groupe SOS

Compatibilità
Salva(0)
Condividi

10 octobre 2025 • ACTUALITÉS

 Les prénoms des personnes accompagnées ont été changés pour préserver leur anonymat. 

En France, l’hôpital psychiatrique – et les gens qui y sont pris en charge – représente encore un monde à part, un monde qui fait peur et qui est stigmatisé. Il est l’un des seuls domaines de la médecine à pouvoir vous contraindre au soin*. Il est l’un des seuls, aussi, à pouvoir empiéter sur votre vie entière, en vous hospitalisant des jours et des nuits, parfois des années, parfois en chambre d’isolement. D’un côté, les personnes atteintes de troubles psychiques se retrouvent exclues de la société et sans ressources ou presque en quittant ce milieu. De l’autre, le modèle économique des services hospitaliers encore dominants doit pouvoir être interrogé. Le Groupe SOS propose depuis des décennies de nombreuses solutions “horslesmurs de l’hôpital, en partenariat avec les équipes hospitalières. 

Depuis août 2022, un dispositif expérimental cherche la bonne formule pour renouveler le soin psychiatrique en France : le projet SIIS, dont fait partie l’équipe mobile SIDIIS (Suivi intensif pour la désinstitutionnalisation et l’inclusion sociale), porté par l’association Groupe SOS Solidarités. Son ambition ? Développer une alternative à l’hospitalisation psychiatrique, avec un accompagnement mobile combinant soins et inclusion sociale. 

La conviction de SIDIIS est claire : l’hôpital est un lieu de soin, pas un lieu de vie. « Il n’y a aucune raison purement médicale qui puisse expliquer de rester 15 années en continu ou quasi-continu dans un hôpital, aucune. La problématique, elle est forcément ailleurs » constate Marie, coordinatrice de SIDIIS. « Lorsque l’hospitalisation devient longue ou chronique, un effet pervers s’installe. Tu perds ton emploi, ton logement, tes liens sociaux, tu t’autostigmatises... jusqu’à ce que la sortie ne soit plus possible. Et si personne ne vient te voir, tu es juste oublié. A 55 ans, les cliniques privées ou l’hôpital te préparent une sortie précoce en Ehpad. C’est ça, la triste réalité. »  L’hospitalisation en psychiatrie – consentie ou contrainte – ne doit pas être un réflexe, mais devenir l’ultime recours. Pour cela, pas de secret : si le suivi psychiatrique intensif n’est pas à l’hôpital, il doit être mis en place là où vivent les personnes, pour ne pas les exclure de la société. C’est pourquoi SIDIIS a pris la forme d’une équipe mobile, qui accompagne des personnes “lourdement institutionnalisées”, c’est-à-dire qui fréquentent régulièrement les services d’hospitalisation**. 

Pour cela, l’équipe accompagne chaque personne avec une approche dite de rétablissement. « On cherche à redonner du pouvoir d’agir » résume Marie. « On essaye d’enlever tout rapport de domination entre le système de soin et la personne, d’avoir une relation horizontale où elle redevient peu à peu actrice de son parcours, et où elle se sent capable de vivre son trouble hors de l’hôpital. » Chaque personne suivie se fixe des objectifs, qui ne sont pas du tout limités au domaine purement médical, mais peuvent être de nature administrative, relationnelle, sociale, culturelle, sportive… Pour accompagner la diversité des objectifs, l’équipe est pluridisciplinaire : psychiatres, infirmières, travailleuses sociales, psychologues, médiateur·trice de santé pair, toutes et tous peuvent être sollicité·e·s selon la nature du projet personnalisé co-construit avec la personne. Ce sont des gens qui n’ont pas eu beaucoup de soutien à l’estime de soi.” explique Bastien, médiateur de santé pair, plus généralement appelé pair-aidant. Notre rôle c’est de défendre des projets qui vont vers l’autonomie, même quand ça semble impossible. Quinze ans qu’elle est à l’hôpital ? Pas grave, on essaie de donner les moyens et de les garder ancrés dans le réel. En cas de crise ou de signes précurseurs à la crise, le suivi s’intensifie, pour essayer d’éviter une nouvelle hospitalisation dès que cela est possible. 

Une équipe pluridisciplinaire au service du rétablissement

L’équipe est composée de : 

  • Bastien et Erika, médiateur et médiatrice de santé pair (pair-aidants) 
  • Morgane, Jodi, Valentina, Juliette et Julie, travailleur·se·s sociales 
  • Emma et Joseph, psychiatres 
  • Fanny et Emilie, infirmières diplômées d’Etat 
  • Adèle et Chloé, psychologues 
  • Céline, assistante de direction 
  • Marie, cheffe de service 
  • Camilla, directrice 

« On est toutes et tous unis pour redonner du pouvoir d’agir aux personnes accompagnées et favoriser leur inclusion dans la société. Un magnifique défi, relevé par des équipes hyper engagées, qui doivent s’adapter très vite et sur des rythmes très intenses. »

Camilla Diaconale, directrice de SIDIIS 

« Il y a toujours des moments où le doute réapparaît. Mais l’équipe m’a montré que je pouvais faire les choses. Là si je repars en gros problème, je sais que je vais pouvoir remonter la pente, car avec SIDIIS je l’ai déjà fait. Et c’est moi qui ai réussi à le faire. »
Hocine, accompagné par SIDIIS depuis 2022

Hocine, accompagné depuis 2022, raconte à quel point le lien social a influencé sur son état psychique. Lui a été diagnostiqué bipolaire à 13 ans. Bien entouré par sa famille, et notamment son père, il arrive dans un premier temps à gérer ses crises en restant inclus dans la société. « Mon père était une vraie ressource pour moi. Quand je décompensais, je partais dépenser tout mon argent en deux semaines, à Barcelone ou ailleurs. Mon père m’appelait, me calmait, et gérait les relations familiales en attendant mon retour ». Alors quand ce dernier contracte une maladie en 2019, la vie de Hocine est bouleversée. « En 2021, un an avant le décès de mon père, je suis parti en énorme crise. J’ai été envoyé à l’hôpital. ».  C’est sa psychiatre, Emma Beetlestone, qui travaille également en temps partiel à Sidiis, qui propose le suivi par ce dispositif en 2022. Il raconte son accompagnement : “C’est mettre la personne au centre du projet. Avec ce qui va et ce qui ne va pas. Et chercher à avancer, sans trouver la facilité. Si tu ne vas pas bien, il faut te promener, discuter, trouver des solutions. On doit être face à nos problèmes dans une certaine mesure, et être accompagnés dans nos problèmes. C’est avec les objectifs que tu réussis que tu reprends confiance en toi, que tu te prouves à toi-même que tu peux refaire des choses. Il y a toujours des moments où le doute réapparaît. Mais l’équipe m’a montré que je pouvais faire les choses. Là si je repars en gros problème, je sais que je vais pouvoir remonter la pente, car avec SIDIIS je l’ai déjà fait. Et c’est moi qui ai réussi à le faire.”  

Pour proposer un accompagnement global hors-les-murs, les partenaires de SIDIIS sont un maillon essentiel. Le milieu hospitalier marseillais, bien sûr, qui prend en charge le soin lors des crises psychiques les plus aigües. Mais aussi les ressources d’ordre plus “communautaires” comme le lieu de répit, qui offre un hébergement apaisant, avant ou après la crise, avec des intervenant·e·s en santé mentale. Les structures médico-sociales locales aussi, qui hébergent souvent les publics accompagnés quand elles ne sont pas hospitalisées et qui doivent elles aussi parfois déconstruire et s’adapter pour accueillir des personnes avec des troubles psychiques. “On s’est mêmes déjà retrouvés dans un conseil syndical d’un immeuble pour expliquer ce qu’était une crise psychique, pour aussi déstigmatiser. Oui quand tu entends ta voisine rire ou crier toute seule, très fort, c’est impressionnant. Mais ça ne veut pas dire que c’est dangereux, et que la personne n’est pas suivie de près” rappelle Marie. Car avant tout, l’objectif est de travailler avec les ressources de la personne, celles de son quotidien, comme tout un chacun. 

L’expérimentation SIDIIS doit durer encore 2 ans. Si l’évaluation finale est bonne, le dispositif pourrait être répliqué partout en France. Les défis sont encore nombreux : trouver les meilleures modalités de financement, prouver l’efficacité statistique long terme pour les diverses situations, affiner le processus de sortie du dispositif vers un autre suivi moins intensif. Marie y croit “On est en phase expérimentale, mais avec une ambition radicale. On documente tout, on s’ajuste constamment. On voit déjà une réduction drastique des temps d’hospitalisation chez les personnes qu’on suit.”. Ça c’est pour le côté statistique. Côté inclusion sociale et santé mentale ? 

On est en phase expérimentale, mais avec une ambition radicale. On documente tout, on s’ajuste constamment. On voit déjà une réduction drastique des temps d’hospitalisation chez les personnes qu’on suit.”
Marie, cheffe de service

Les exemples sont multiples et encourageants : pour Sophie, le premier séjour en psychiatrie a lieu lors de son adolescence, après une tentative de suicide. A 30 ans, elle entre en crise délirante. “J’ai mis 2 ans à redescendre”. Elle est envoyée régulièrement en hospitalisation longue. “Sur les 16 dernières années, j’ai passé 7 ans en psychiatrie. Quasiment la moitié du temps.” Elle sort de ces passages sans ressources, vivant à la rue pendant 3 ans avant enfin de retrouver des petits boulots et un appartement près de la Gare Saint-Charles. Elle ne mâche pas ses mots sur ses passages à l’hôpital : « On est infantilisés, on n’a pas notre mot à dire, on est enfermés, c’est très difficile d’avoir des visites, on est marginalisés. Sans parler de la stigmatisation générale. Ça te brise. Le pire que je puisse faire à quelqu’un, c’est de l’envoyer en hospitalisation psy. C’est une grosse douleur d’être pris en charge par un système où le soin s’apparente parfois à une incarcération. Et on est coupable d’être victime dans l’histoire. ». Ainsi, quand elle a l’occasion d’être suivie par le dispositif SIDIIS alors à ses débuts, elle accepte immédiatement. “A travers l’équipe mobile, tu te sens plus entouré. T’as besoin d’un filet de sécurité. Moi, avec mon trouble, je suis comme avec un kitesurf. J’ai mes humeurs, j’ai l’environnement, j’ai ma psychose. Il y a toutes ces choses à dompter tout le temps. Il y a toute une équipe là avec nous. Même si la crise arrive, ça limite la casse.” Hocine, lui, est peu à peu préparé vers la sortie de SIDIIS. Il partage ses envies pour le futur : “Je veux continuer à vivre avec ma copine, reprendre le foot. J’aimerais beaucoup devenir agent administratif, dans l’idéal à la CAF, pour aider les gens à toucher leurs droits.” Des objectifs de vie délicieusement banals. 

*Lorsqu’une personne n’est pas en mesure de consentir aux soins psychiatriques dont elle aurait besoin, un parent ou un proche peut établir une demande de soin sans consentement. Selon le Code de la santé publique (CSP), les soins sans consentement sont l’exception. Dans ce cas on considère que c’est plus l’absence de soins qui crée préjudice au patient que leur mise en œuvre sans son consentement. 

** Pour être suivi par SIDIIS, il faut être fréquemment hospitalisé en psychiatrie adulte : 

  • + de 100 jours d’hospitalisation en deux séquences ou plus, sur une période de 24 mois les 36 derniers mois 
  • Ou plus de 270 jours consécutifs au cours des 12 derniers mois. 

A lire également

7 octobre 2025

Soutenir les associations, préserver la cohésion sociale

Elles sont 1,3 million à tisser jour après jour le lien social. Dans les quartiers populaires comme dans les villages…

Lire la suite

Recapiti
josepha.zulu@groupe-sos.org