Tunisie : la répression des manifestations pacifiques à Gabès doit cesser immédiatement

Compatibilità
Salva(0)
Condividi

Alors que les habitant·es de Gabès manifestent pacifiquement depuis le 10 octobre pour dénoncer la pollution toxique provoquée par le Groupe Chimique Tunisien (GCT), les autorités ont répondu par une répression brutale : arrestations arbitraires, détentions sans avocat·es et intimidations. La FIDH appelle à la fin immédiate de cette répression et à la libération de toutes les personnes arrêtées pour avoir exercé leur droit légitime à protester.

Paris, le 23 octobre 2025 - Depuis le 10 octobre 2025, les habitant·es de Gabès (ville au sud-est de la Tunisie) se mobilisent pour dénoncer les intoxications répétées et provoquées par des fuites de gaz issues des unités polluantes du Groupe Chimique Tunisien (GCT). Créé en 1972, ce complexe industriel utilise notamment de l’acide sulfurique et de l’ammoniac pour la production d’engrais phosphatés. Ses rejets gazeux sont directement diffusés dans l’atmosphère, tandis que les déchets solides, dont le phosphogypse, sont déversés en mer, au large de la baie de Gabès.

Face à l’inaction des autorités devant l’intoxication de centaines de personnes et à la répression des manifestations pacifiques, la section régionale de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) à Gabès a décrété une grève générale. Celle-ci a eu lieu le 21 octobre, rassemblant plus de cent mille personnes dans le calme. Cette mobilisation d’ampleur a mis en évidence la profondeur du mécontentement local et a contredit les accusations officielles présentant les manifestant·es comme des fauteurs de trouble ou des « agents de l’étranger ».

Ces manifestations pacifiques, nées de la colère face à la dégradation des conditions de vie et de santé, ont été suivies d’une répression massive  : perquisitions nocturnes, arrestations et détentions arbitraires. En moins de deux semaines, plus de 150 personnes ont été interpellées, dont au moins 44 placées en détention provisoire, y compris plusieurs mineur·es, souvent sans avocat·es, en violation de l’article 13 bis du Code de procédure pénale.

«  Les arrestations massives et les poursuites contre de simples manifestant·es montrent la volonté de criminaliser la mobilisation citoyenne à Gabès. La plupart ont été auditionné·es sans avocat·es, en violation du Code de procédure pénale, et des allégations de torture ont été soulevées au procès. Pourtant, la grève du 21 octobre s’est déroulée dans un calme exemplaire, prouvant que les habitant·es n’aspirent qu’à la dignité et à vivre dans un environnement sain, » témoigne, Hela Ben Salem, avocate et Secrétaire générale de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD)

La FIDH dénonce le caractère arbitraire, disproportionné et répressif de ces mesures. La criminalisation des manifestant·es pacifiques, couplée à une rhétorique officielle stigmatisant des « conspirateurs financés par l’étranger », constitue une atteinte grave aux libertés fondamentales et menace l’ensemble de la société civile tunisienne.

La FIDH exige :
• La libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes arrêtées pour avoir exercé leur droit de manifester pacifiquement ;
• Le respect du droit de réunion et de liberté d’expression pour toutes les personnes et organisations engagées dans la protection de l’environnement ;
• La mise en œuvre effective, transparente et complète du plan d’actions correctives défini dans l’audit environnemental et social du GCT publié en juillet 2025, notamment en matière de rejets polluants, de gestion des déchets et de protection de la santé des riverain·es et des travailleurs ; le cas échéant, la fermeture ou le démantèlement des unités polluantes qui continueraient à présenter des risques graves pour la santé et l’environnement afin de protéger durablement les communautés locales.

La solidarité et l’action pacifique ne doivent jamais être criminalisées. La FIDH restera vigilante et continuera de défendre les droits humains et la société civile tunisienne.

Lire la suite
Recapiti
Raphaël Lopoukhine