A contre courant de la critique, unanime ou presque, j’avoue ne pas avoir aimé ce film, qui encore une fois se drape dans un soi-disant réalisme social pour nous servir une collection de clichés quelque peu éculés sur notre société et sa crise. Et que dire de la prestation de Vincent Lindon, réduit à un rôle d’ectoplasme chômeur, sans joie ni haine, contraint à devenir vigile délateur dans un supermarché, dont le seul acte du film est la démission finale… Film : La loi du marché de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, ou le degré zéro du cinéma !
Une confusion des genres
Mais, revenons (une nouvelle fois) sur le socialement juste qui ferait la force d’un film dont on dit, ultime louange incontestable, “c’est du documentaire“… Étonnante confusion des genres qui permet au réalisateur, Stéphane Brizé, de justifier une posture de voyeur social, sans point de vue sur la réalité filmée, parce que, comme je l’ai déjà écrit, “le réel n’a pas de sens !“. Et puis, il y a cette façon de filmer, caméra “à l’épaule”, pour faire plus vrai, avec des plans séquences interminables (la vieille idée de l’absence de montage pour faire “vrai”, là encore !), des dialogues dont les protagonistes sont systématiquement cadrés de profil, pour distendre et dénier toute tension dramatique au film.
Parce que là est le vrai sujet !
Ainsi, le film se résume à une seule tension dramatique, l’humiliation comme forme constante des rapports humains, du patron à la banquière, en passant par l’éducateur du fils handicapé. De plus, les rapports sociaux sont pensés et mis en scène comme un système hiérarchique qui ne peut que produire une inéluctable déchéance dans l’humiliation, qu’on la subisse ou qu’on la fasse subir à autrui. Il n’y a pas d’autre alternative, et l’issue n’est que dans le suicide ou dans la fuite, en aucun cas dans la révolte et, a fortiori, dans le combat !
Il n’y a pas de réalisme sans narration
Comme l’écrivait le critique littéraire Georg Lukács à propos de Balzac : “Les personnages des grands réalistes mènent une vie indépendante de leur créateur”, exprimant ainsi la prééminence du fictionnel dans toute œuvre, littéraire ou filmée, qui se revendique comme réaliste. Il n’y a ainsi pas de réalisme sans narration, sans point de vue sur le réel.
La loi du marché n’est que l’ennuyeuse et déprimante illustration de ce principe narratif.
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Par Gérard Poitou. MagCentre.