Hebdo de l’énergie : l’actualité des marchés du 24 octobre 2025

Compatibilità
Salva(0)
Condividi

Nos experts vous présentent leur analyse complète de toute l’actualité sur les marchés de l’énergie à la date de clôture du 24 octobre 2025.

Marché de l'électricité

Électricité : un marché électrique en équilibre précaire

Le marché français de l’électricité se distingue une fois encore du reste de l’Europe. Alors que l’Allemagne et les Pays-Bas voient leurs prix baisser dans le sillage du gaz, la France reste la seule à présenter une courbe à terme en contango, signe d’un système électrique spécifique. Ce paradoxe reflète un mélange de surproduction temporaire, liée au retour massif du parc nucléaire, et d’incertitudes persistantes à moyen terme : arrêts prolongés de réacteurs, tensions sociales, et interrogations sur la trajectoire énergétique nationale.

En 2025, la France conserve sa position d’exportatrice nette (17 % de sa production), tandis que la demande intérieure repart timidement à la hausse (+1,6 % sur neuf mois). Derrière la stabilité apparente, une prime de risque demeure : elle traduit autant la volatilité structurelle du système que la fragilité de son équilibre politique et climatique. À l’approche de l’hiver, l’électricité française navigue entre excédent et méfiance, dans un marché où le moindre incident pourrait faire vaciller cette fragile sérénité.

À la une

Ukraine : l’hiver s’annonce rude pour l’énergie

Alors que l’hiver approche, le Agence internationale de l’énergie (AIE) tire la sonnette d’alarme : malgré d’importants travaux de réparation, le système énergétique ukrainien reste extrêmement vulnérable.

Capacité de production amoindrie

La capacité électrique mobilisable est tombée de près de 38 GW avant l’invasion à environ 17 GW aujourd’hui. L’Ukraine a importé un record de 4,4 TWh d’électricité en 2024 avant de redevenir exportatrice nette à la mi-2025 — mais l’effet se renverse avec la recrudescence des attaques russes.

Côté gaz, la situation est encore plus préoccupante : la production a chuté de 40 % début 2025 et près de 60 % des capacités restent hors service.

Aides et diversification : un souffle fragile

L’Ukraine multiplie les plans d’urgence et pivote vers la diversification : stockage électrique de grande capacité, nouvelles capacités d’éolien, importations de gaz via Pologne, Lituanie, Slovaquie. Mais les infrastructures restent activement ciblées par la Russie, ce qui rend tout redressement fragile.

Enjeux humains et géopolitiques

Au-delà de l’aspect technique, c’est une question de survie pour des millions de familles ukrainiennes : le chauffage, l’électricité, la chaleur urbaine sont directement menacés. Le système énergétique devient un front de guerre à part entière.

L’Ukraine entre dans l’hiver avec un réseau électrique à moitié amputé, des importations massives et des infrastructures sous le feu.

L’essentiel à retenir ailleurs en Europe, par notre expert​

L’Allemagne en retard sur ses objectifs éoliens

Le rapport des gestionnaires de réseau allemands (TSO) indique que l’Allemagne pourrait manquer son objectif 2030 : 115 GW d’éolien terrestre est ciblé mais seulement 106 GW sont prévus. Pour l’éolien en mer, les 30 GW visés pourraient être atteints en 2032. Le parti social-démocrate appelle à renforcer les incitations à l’investissement.

Italie : l’industrie lourde au bord du gouffre

Le secteur des fonderies italien alerte : production en chute de 12 % en 2024, factures énergétiques deux fois plus élevées que celles de la France. Pour l’Associazione italiana fonderie (Assofond), l’industrie est « condamnée à mort » si les taxes et surcharges ne sont pas allégées.

Royaume-Uni : autonomie ou bureaucratie ?

L’Office of Gas and Electricity Markets (Ofgem) réaffirme son rôle indispensable dans la protection des consommateurs, malgré les appels à réduire ses compétences. Le bras de fer symbolise le dilemme entre régulation protectrice et efficience du marché.

– Helder FARIA RUBIO, 

Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Énergie

Marché du gaz

Gaz : abondance trompeuse, vigilance hivernale

Les prix du gaz européen oscillent dans une zone de confort trompeuse. Le contrat TTF évolue autour de 31–32 €/MWh, soutenu par des stocks bien garnis (82,8 %) et des flux stables en provenance de Norvège et d’Algérie. Pourtant, sous cette apparente détente, le marché reste nerveux.

Une vague de froid annoncée fin octobre pourrait raviver la demande, tandis que les frappes russes sur les infrastructures ukrainiennes font planer un risque d’importations accrues vers l’Europe. En toile de fond, Bruxelles avance vers une interdiction progressive du gaz russe d’ici 2028 et du GNL dès 2027 — une décision plus politique qu’économique, mais qui pourrait redessiner la carte des dépendances énergétiques. Abondance aujourd’hui, incertitude demain : le gaz européen reste suspendu entre sécurité affichée et vulnérabilité structurelle.

À la une

Un tournant énergétique et financier pour l’Europe

L’Union européenne (UE) a franchi un palier majeur en adoptant son 19ᵉ paquet de sanctions contre Russie, incluant pour la première fois une interdiction des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe.

Un calendrier sans ambiguïtés

Arrêt des contrats à court terme d’ici six mois et interruption des contrats à long terme au 1ᵉʳ janvier 2027. Initialement, la sortie du GNL russe était prévue en 2028.

L’objectif est autant géopolitique qu’énergétique : réduire la dépendance européenne à la Russie, affaiblir ses revenus énergétiques et garantir à terme une Europe moins vulnérable.

Comme l’affirme la Commission : « nous ne reviendrons jamais au gaz russe ».

Un impact double

D’un côté, pour l’Ukraine et l’UE, c’est « une bonne journée », selon le ministre danois mentionné, car cela affaiblit Moscou.

De l’autre, c’est un défi pour l’Europe qui doit sécuriser ses approvisionnements alternatifs, adapter ses infrastructures et absorber un coût potentiel de transition.

La stratégie énergétique

Du côté de la stratégie énergétique, ce paquet s’inscrit dans le cadre du plan REPowerEU qui vise à sortir des énergies fossiles russes avant 2030. En substance : l’UE franchit un cap notable ; le gaz liquéfié russe est désormais dans le viseur.

Le « switch» va être coûteux, complexe et imposera des arbitrages pressants pour les États membres.

Tour d’horizon des autres faits marquants, par notre expert

Le litige entre BP et Venture Global

Un tournant pour le marché du GNL. Le tribunal a donné raison à BP après des non-livraisons de gaz du terminal de Calcasieu Pass (Louisiane). Cette décision a fait chuter la valorisation de Venture Global et révélé des failles contractuelles dans les accords de long terme. Les analystes anticipent des clauses plus strictes, un ralentissement des investissements et une hausse du coût du capital pour les futurs terminaux. Pour l’Europe, dépendante du GNL américain depuis la rupture avec la Russie, ce jugement souligne de nouveaux risques d’approvisionnement.

Un hiver européen plutôt doux, mais avec un risque de Dunkelflaute

Un scénario doux avec de faibles vents et ensoleillement limité qui freinerait la production renouvelable. Selon ICIS, un hiver doux ferait baisser les prix du gaz de 17 %, un hiver rigoureux les ferait grimper de 30 %. Les conditions climatiques américaines pourraient aussi perturber les exportations vers l’Europe.

Tensions politiques persistantes

L’Hongrie prolonge ses subventions énergétiques jusqu’en 2026 malgré Bruxelles, tandis que la Slovaquie a fini par accepter les sanctions contre Moscou. L’UE cherche un équilibre entre sécurité énergétique, compétitivité et solidarité.

– Helder FARIA RUBIO

Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Énergie

Zoom sur l'énergie verte

Ambitions, contradictions ​et signaux faibles​

TotalEnergies, l’équilibriste de la transition

Le géant français de l’énergie recule sans se renier. TotalEnergies a annoncé qu’elle ne ferait pas appel de la décision du tribunal judiciaire de Paris l’obligeant à retirer de son site certaines affirmations jugées trompeuses sur sa neutralité carbone. Exit donc les slogans trop ambitieux, place à un discours « factuel » sur les réalisations concrètes.

Le groupe, tout en dénonçant les accusations de greenwashing, revendique 32 GW de capacités renouvelables dans le monde, soit l’équivalent de 15 réacteurs nucléaires, et 2 GW en France. Mais derrière cette vitrine verte, le cœur de la machine reste fossile : la major prévoit d’augmenter de 3 % par an sa production d’hydrocarbures sur les cinq prochaines années, portée par le GNL et plus d’une dizaine de nouveaux projets pétroliers et gaziers d’ici 2030, du Brésil au Qatar. Une dualité assumée, mais qui souligne le dilemme de la transition énergétique à la française.

Bruxelles cherche encore la voie du réalisme climatique

Les dirigeants européens ont esquissé les contours de l’objectif 2040 pour la réduction des gaz à effet de serre, sans parvenir à un consensus chiffré. Si la Commission plaide pour une baisse de 90 % par rapport à 1990, certains États réclament davantage de flexibilité, via des crédits carbones internationaux et des mécanismes de révision pour préserver la compétitivité européenne.

À un mois de la COP30 au Brésil, le temps presse : Bruxelles veut éviter d’y arriver les mains vides, mais les divergences persistent entre pragmatisme économique et ambition écologique.

Marché des garanties d’origine : accalmie nordique

Sur les marchés, la tendance est à l’attentisme. Les prix des garanties d’origine hydrauliques nordiques ont légèrement reculé, autour de 0,35 €/MWh pour le contrat Cal 25, dans un contexte de faible liquidité et de demande morose. Les opérateurs anticipent une poursuite du repli avant une possible reprise en 2026, à l’image du cycle observé l’an dernier.

Croatie : la clé des réseaux pour libérer le solaire

Enfin, en Europe du Sud-Est, la Croatie s’apprête à débloquer 3,6 GW de projets verts en suspens. L’autorité de régulation Hera proposera une nouvelle méthodologie de tarification du raccordement au réseau — un levier crucial pour transformer les permis dormants en projets réels avant leur expiration en 2026.

– Helder FARIA RUBIO

Responsable Vente Indirecte et Partenariats chez Capitole Énergie

Comme nos clients, choisissez Capitole Énergie !

Recapiti
Eloïse DOLO-PERIQUET