Un titre à double fond, pour un spectacle à double lecture : célébration du 150ᵉ anniversaire du Carmen de Bizet, mais aussi réinvention débridée d’un mythe universel — celui de la liberté, du désir et du jeu des identités. Huit danseurs et un chanteur se sont partagés la scène dans un feu d’artifices de styles et d’émotions, oscillant sans cesse entre le burlesque et la grâce, la parodie et la poésie.
La Carmen de Lafeuille n’est ni tout à fait femme, ni tout à fait personnage, mais plutôt une énergie, un mouvement perpétuel. Toréador, brigadier, muse… Chaque interprète incarne une facette du mythe, tandis que la musique de Bizet, réinventée, circule comme un fil rouge entre les corps. Le tout compose une fresque chorégraphique libre et joyeusement subversive, fidèle à l’esprit de la compagnie, déjà acclamée à l’international pour son spectacle Tutu.
Car/Men s’inscrit dans la lignée de ces œuvres qui ne citent pas, mais réinventent. Lafeuille y mêle avec élégance l’humour et la nostalgie, le théâtre et le cabaret, l’artisanat du geste et les technologies scéniques. On y rit, on y songe, on s’y laisse surprendre par des toréadors sur pointes, des volants virevoltants et une voix habitée — celle d’Antonio Macipe, qui insuffle au mythe une intensité nouvelle.
Le public dinardais ne s’y est pas trompé : standing ovation à l’issue du spectacle. En guise de final, Philippe Lafeuille lui-même est monté sur scène, invitant la salle à danser et fredonner ensemble sur des airs classiques mythiques. Une ouverture flamboyante pour un festival qui, une fois encore, conjugue exigence artistique et plaisir du partage.
Le Festival International de Musique de Dinard se poursuit aujourd’hui avec un programme foisonnant : l’opéra très jeune public (complet pour les deux séances), une rencontre musicale gratuite avec La Compagnie Sensible autour des instruments anciens, un récital Schubert & Co réunissant la pianiste Jodyline Gallavardin et le violoncelliste Pierre Fontenelle, et enfin le concert aux chandelles “Le voyage dans le temps”, véritable traversée poétique des salons musicaux du début du XXᵉ siècle.
Un festival plus que jamais ouvert sur le monde, ses musiques et ses élans — à l’image de cette Carmen réinventée, libre et insaisissable. Olé !