La gauche est plurielle. Cette affirmation n’étonnera personne. Il suffit, pour s’en rendre compte, de considérer le nombre de listes de gauche qui se présentent aux prochaines européennes. Dans le livre, Les figures de proue de la gauche depuis 1789, dont il a assuré la direction, l’historien Michel Winock s’ingénie à démontrer les raisons originelles et historiques de cette diversité. Pour mener à bien sa démonstration, il l’a illustrée de trente biographies réparties sur deux siècles. Chacune est réalisée par un auteur différent, chacun spécialiste reconnu du personnage et de la période où il a vécu. Les figures de proue de la gauche depuis 1789 : un livre Sous la direction de Michel Winock, aux Éditions Perrin !
Trente figures de proue
D’autres auraient pu être retenues, mais c’est un choix et celui-ci est tout à fait parlant. On y trouve Condorcet, Robespierre, Olympe de Gouge, Saint-Simon, non pas le duc, mais son arrière petit cousin, Benjamin Constant, Victor Hugo, Jean Jaurès, Clemenceau, Maurice Thorez, Pierre Mendès France, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, François Mitterrand et Michel Rocard… La liste est encore longue, qu’il faut aller découvrir dans ce livre.
Difficile, cependant, de ne pas citer les femmes de cette sélection
Celles-ci sont moins nombreuses que les hommes, mais à fortes personnalités. Olympe de Gouges d’abord, puis Louise Michel, Simone de Beauvoir, Arlette Laguiller, la travailleuse révolutionnaire, la seule personne de la série encore vivante. Toutes auraient mérité un développement, mais George Sand a retenu notre attention parce qu’elle fut, en quelque sorte, du moins peut-on le considérer ainsi sans craindre un anachronisme, une porte-parole de la région Centre-Val de Loire. Aurore Dupin fut « une révolutionnaire obstinée », constate Bernard Hamon, son biographe, « républicaine, féministe et socialiste, elle fut non seulement une écrivaine capitale, mais une actrice politique de premier plan. Le roman de sa vie contribua à accroître une célébrité qui ne s’est jamais démentie ».
Léon Gambetta et Jules Ferry
Difficile aussi de ne pas s’arrêter sur Léon Gambetta et Jules Ferry, auxquels Jean Garrigues, professeur à l’université d’Orléans, a consacré deux chapitres. Gambetta d’abord, que Clemenceau traitait « d’opportuniste ». Celui, que la coalition parlementaire des droites et de l’extrême gauche a renversé en 1882, a combattu sans relâche le Second empire avant de proclamer « la république le 4 septembre 1870 alors même que l’avenir de la France vaincue et occupée était lourd d’incertitudes ».
A propos de Jules Ferry, Jean Garrigues se demande, comme beaucoup avant lui, s’il était un homme de gauche. Mais, preuves à l’appui, et en tenant compte du contexte de l’époque, il démontre que « Ferry-Tonkin » est un des pères fondateurs de la troisième république et aussi le père de l’école publique et de la laïcité, donc de gauche.
De la gauche, à la gauche plurielle
La préface de Michel Winock éclaire merveilleusement, et dans sa globalité, l’histoire de la gauche, ou plutôt des gauches. Trois grandes révolutions l’ont fait naître et proliférer dans la diversité.
De 1789 à 1799, « la matrice de la vie politique française » se met en place. Dès l’automne 1789, alors qu’il n’existe pas de parti politique officiel, à la Constituante, les députés se placent à droite et à gauche du président en fonction de leurs affinités. « Ce clivage nait, au départ, sur la place qu’aurait le roi dans la constitution », explique Michel Winock. Puis, il « s’est accentué avec l’échec de la monarchie constitutionnelle et l’avènement de la république en 1792 ».
Trois principales strates
Cette république « du gouvernement de tous par tous » est fondée sur une trilogie : liberté, égalité, fraternité. Liberté de penser, liberté d’expression, liberté de réunion, liberté de la presse, liberté syndicale, liberté d’entreprendre… Autant de pommes de discorde. La révolution industrielle, qui se développe avec le machinisme et la naissance d’une classe ouvrière, produit une autre gauche, la gauche socialiste qui souhaite une société sans classe, égalitaire, dont le principe d’égalité et de fraternité « seraient le ressort ».
Enfin, la révolution bolchévique de 1917, que les socialistes ne pouvaient accepter en raison « de sa nature autoritaire et plus tard totalitaire en Union soviétique ». À ces trois principales strates, il faut ajouter « d’autres mouvements, d’autres catégories, sous catégories tant la maison est riche » dit Michel Winock, avec un sourire affectueux.
Une volonté commune
Les figures de proue de la gauche, depuis 1789, a un grand mérite : ses deux entrées, chronologiques et biographiques, qui mettent parfaitement en évidence le cheminement et la pluralité de la gauche, les difficultés rencontrées par des êtres qui pensaient et agissaient en fonction de leur époque. Tous ces grands noms se sont battus, avec leurs défauts, leurs qualités, leurs idées. Ils ont commis des erreurs, connu des réussites et contribué à la marche en avant de la société.
Bien écrit par des gens de talent, cet ouvrage a le grand mérite de mettre en perspective deux siècles qui ont vu vivre la gauche. Il montre, qu’en dépit des divergences, elle est animée par une volonté commune dans sa quête d’une possible égalité et d’une justice sociale. Il montre aussi sa fidélité à la révolution française, qui a mis à bas l’ordre héréditaire.
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Par Françoise Cariès. MagCentre.