Lettre ouverte à Sophie Binet à propos de l’exclusion du Snac de la CGT-Spectacle
Madame la Secrétaire générale,
En 1946, le Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs (Snac) est né de la fusion de cinq syndicats. Il réunissait des auteurs et des compositeurs au statut spécifique, puisqu’ils n’étaient pas des salariés.
La même année, le Snac s’est affilié à la FNSAC, Fédération nationale des syndicats du spectacle, de l’audiovisuel et de l’action culturelle, elle-même faisant partie de la CGT, dans le grand mouvement issu du Conseil National de la Résistance.
L’objet du Snac est – comme il l’était dès l’origine – la défense des auteurs et des compositeurs, collectivement ou individuellement, conformément à l’article L. 2131-1 du code du travail et à l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle.
Cette affiliation a toujours eu pour nous de la valeur et du sens : la valeur de la solidarité entre tous les travailleurs de la culture, et le sens de l’intérêt général, dans le dialogue et le respect mutuel.
Le 12 octobre 2025, le 20e congrès de la FNSAC a exclu le Snac, mettant fin à 79 ans de combats communs. Vous en avez eu sûrement connaissance.
Cette lettre ouverte a pour objet de dénoncer auprès de vous cette exclusion, qui nous paraît inadmissible dans le fond comme dans la forme.
Sur le fond : nous sommes accusés d’un certain nombre de faits ou de manquements que nous avons contestés un par un dans une analyse rigoureuse et documentée rédigée par notre avocate. Or, nos arguments n’ont été aucunement pris en compte, à tel point qu’on peut légitimement se demander s’ils ont seulement été lus.
Sur la forme : certains reproches relevaient simplement du débat ou de la négociation ; or, notre défense ayant été systématiquement ignorée, il s’avère que le débat n’a tout simplement pas eu lieu – laissant place seulement à un simulacre de discussion, une succession de prises de paroles entièrement à charge contre nous, dans un rapport de force très inégal visant clairement à nous humilier. Et nos deux représentants, présents sur une estrade ont dû, après le vote, affronter les applaudissements de la salle. Doit-on, à la CGT, applaudir publiquement à l’exclusion d’un syndicat qui a été à vos côtés pendant 79 ans ?
L’agressivité verbale, la désinformation, les dénonciations non fondées, les manipulations et les atteintes publiques à l’image d’autrui nous semblaient des pratiques révolues. Pour ce 20e congrès, il n’en fut rien.
Vous avez déclaré lors du congrès qui a vu votre élection en mars 2023, en parlant d’un climat de violence : « Cette violence n’est pas normale, elle n’a pas sa place dans les rapports militants, il faut qu’on travaille pour la faire disparaître. La lutte est déjà tellement dure, le militantisme doit rester un havre de paix ».
Il s’agissait d’une autre assemblée, mais sachez que lors de ce 20e congrès, notre exclusion a été ressentie par nos représentants, ainsi que par tous les membres du Snac, comme extrêmement blessante, dénuée de fondement, et en définitive profondément injuste.
Nous tenons donc à vous faire part de nos regrets et de notre amertume, en espérant que vous percevrez le caractère inquiétant de cette exclusion.
Ce long compagnonnage avec la FNSAC finit dans cet opprobre tristement mis en scène.
Nous saurons cependant tourner la page, et poursuivrons bien sûr, avec ou sans votre confédération, notre engagement au service d’autrices et auteurs de plus en plus menacés, forts de notre détermination, de nos convictions, de notre indépendance et de notre liberté de pensée.
Le Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs