Fédération des associations d'aide à domicile en milieu rural de l'Isère (ADMR 38)

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La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail de l’année 2024, au contrôle des comptes et de la gestion de la fédération ADMR 38 pour les exercices 2019 et suivants.

Un acteur historique de l’aide à domicile dont l’activité est en déclin

La fédération de l’aide à domicile en milieu rural de l’Isère (ADMR 38) est un acteur majeur de l’aide à domicile, compétence sociale du département de l’Isère, principal financeur de cette politique publique. Elle fédère 109 associations locales dont 74 dédiées à l’aide à domicile (les services d’aide et d’accompagnement à domicile : SAAD), les autres structures dispensant pour l’essentiel des soins infirmiers.

La fédération ADMR 38 fournit des services aux associations adhérentes (gestion des payes des salariés, facturation des bénéficiaires, gestion du flux des financements externes, suivi financier des établissements et services sociaux et médico sociaux, assistance métier par les responsables de secteur) et les représente dans une relation quasi exclusive avec les partenaires institutionnels, notamment le département au travers des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM).

L’implication forte de la fédération dans la gestion des associations locales se caractérise par :
•    l’organisation d’une solidarité financière entre les associations adhérentes par la reprise quasi systématique de leurs excédents (jusqu’à 95 % des résultats positifs repris) et la couverture de leurs déficits par l’usage d’un « fonds réseau » géré par la fédération ;
•    l’encadrement des charges couvertes par la solidarité entre associations. Par exemple, le volume des heures affectées au secrétariat des associations est limité par la fédération.

Faisant face à des difficultés de recrutement majeures au sein des SAAD, la fédération constate une baisse de l’activité d’aide et de soin à domicile de son réseau depuis 2019.
 


Un modèle original mais fragile

Le modèle des ADMR associant des professionnels et des bénévoles nombreux et investis, se trouve fragilisé à la fois par la pénurie de salariés et par le renouvellement difficile des bénévoles. 

Les difficultés structurelles de recrutement conduisent à des files d’attente de bénéficiaires potentiels, non mesurées, et à une baisse de l’activité alors que la demande reste soutenue.

Le renouvellement des bénévoles est incertain, notamment sur les postes à responsabilité de président et de trésorier au point que les rares fusions d’associations intervenues récemment l’ont été sous la contrainte de l’absence de bénévoles. Une même personne peut ainsi occuper simultanément plusieurs postes de président d’association, parfois jusqu’à six, dans le but de maintenir en activité des associations qui ne disposent plus de suffisamment de membres pour composer un bureau. 

Les associations s’appuient sur le bénévolat avec un engagement variable des bénévoles : accompagnement des bénéficiaires (visites à domicile, animations), participation à la vie associative, coordination de l’activité et gestion des services d’accompagnement. Les tâches qui leurs sont confiées vont jusqu’à des missions qui relèvent de la gestion des ressources humaines ou appellent des connaissances techniques « métiers » tels que l’évaluation des besoins des bénéficiaires ou l’établissement des plannings d’intervention.

Recourir aux bénévoles constitue un avantage pour l’ADMR 38 face à des concurrents qui font réaliser tout ou partie de ces missions de gestion et d’encadrement de proximité par des professionnels.

La valorisation financière du bénévolat, prescrite par les normes comptables en vigueur, n’est réalisée ni à l’échelle des associations adhérentes, ni de façon consolidée par la fédération. La prise en compte du bénévolat permettrait pourtant de définir plus précisément le coût de revient réel de l’intervention de l’ADMR 38 et d’afficher le déséquilibre financier structurel de l’activité de l’aide à domicile, alors que les équilibres sont déjà précaires quand bien même l’apport du bénévolat n’est pas comptabilisé.

Enfin, les nouvelles exigences en matière d’accompagnement à domicile portées au niveau national par le décret relatif aux services d’autonomie à domicile, publié le 
17 juillet 2023, et par le conseil départemental de l’Isère à travers les objectifs fixés contractuellement avec les services d’aide à domicile, impliquent une professionnalisation des modes de gestion.

Les difficultés de l’ADMR pour atteindre les objectifs souhaités par le conseil départemental dans un contexte de faiblesse du dialogue de gestion

Les deux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) conclus entre le département et l’ADMR n’ont pas d’objectifs quantifiés et ont peu été évalués, ce qui en fait des outils de pilotage limités des activités conduites par les associations affiliées à l’ADMR.

De plus, l’organisation propre de l’ADMR, qui représente un grand nombre d’associations locales, conduit à une présentation consolidée des informations financières et d’activité des associations, dont le détail demeure masqué pour le principal financeur. 

Parmi les objectifs promus par le CPOM, celui de la prise en charge des bénéficiaires en situation de grande dépendance nécessite de mettre en œuvre des organisations plus complexes (travail sept jours sur sept, travail de nuit, qualifications professionnelles des intervenants) que les ADMR peinent à atteindre en raison d’un fonctionnement local peu professionnalisé et faisant peser sur les bénévoles une part essentielle de l’organisation. 

Enfin, les salariés des associations adhérentes à l’ADMR sont plus souvent employés à temps partiel (94 % en 2023) que dans l’ensemble des autres associations sous CPOM (71 %), alors que le temps partiel est un des marqueurs du manque d’attractivité des professions de l’aide et du soin à domicile. 

Un fonctionnement interne à fiabiliser

Les statuts et le règlement intérieur de la fédération ADMR 38 donnent un rôle central au conseil d’administration, qui s’est régulièrement réuni de 2019 à 2024. 

Toutefois, les travaux du bureau dont les missions importantes, notamment en matière de contrôle financier, sont soulignées dans ces mêmes documents, doivent être mieux restitués au conseil d’administration par des comptes rendus, qui ne sont pas systématiquement rédigés alors que les statuts le prévoient.

De même, le rôle des commissions obligatoires prévues statutairement doit être défini et formalisé par le conseil d’administration et leurs comptes-rendus systématiquement communiqués.

La fédération doit enfin mettre en place une communication plus fluide et complète des informations vers les associations adhérentes.
 

RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1. : Veiller à la production et à la diffusion au conseil d’administration du compte rendu des actes de gestion courante du bureau.

Recommandation n° 2. : Effectuer selon la fréquence prévue par le règlement intérieur la vérification du fonctionnement des associations locales.

Recommandation n° 3. : Faire définir par le conseil d’administration le champ d’intervention de la commission du personnel, conformément à ce que prévoient les statuts de la fédération.

Recommandation n° 4. : Rédiger et diffuser des comptes-rendus exhaustifs des travaux menés par les commissions fédérales.

Recommandation n° 5. : Présenter des éléments permettant de connaitre la situation financière déconsolidée de chaque association.

Recommandation n° 6. : Mettre en place dans chaque service d’aide et d’accompagnement à domicile un indicateur de suivi des demandes d’interventions afin de connaitre la part de prise en charge ou d’inscription sur liste d’attente.

Recommandation n° 7. : Fiabiliser le processus de validation des évolutions salariales qui doivent passer par une approbation des instances compétentes (commission du personnel) et une formalisation (avenant au contrat de travail) suffisante.

Recommandation n° 8. : Respecter les conditions fixées par les contrats de travail pour l’alimentation et le fonctionnement du compte épargne temps et fiabiliser le processus par une gestion plus rigoureuse des documents.

Recommandation n° 9. : Augmenter la consommation du fonds innovation.

Recommandation n° 10. : Mettre en place des outils de mesure de l’activité des bénévoles pour faire apparaitre sa valorisation dans les comptes (dans l’annexe ou au pied du compte de résultat).

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