Teddy Furon : combattre la désinformation grâce au tatouage numérique

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Mis à jour le 25/11/2025

Directeur de recherche chez Inria, Teddy Furon est connu pour ses travaux sur le tatouage numérique, qui permet de protéger des images, des vidéos, des audios, etc. Très investi dans les transferts de l’industrie, cofondateur de deux startups, ce scientifique engagé œuvre désormais pour faciliter la détection de contenus produits par IA générative et assurer la sécurité numérique. Il vient de recevoir le prix Inria – Académie des sciences – Dassault Systèmes.

« Travailler pour que mes résultats soient transférés à l’industrie »

« Ce qui compte pour moi, c’est de faire de la recherche utile, pas de poursuivre des chimères académiques, annonce d’entrée Teddy Furon. Je travaille pour que mes idées soient transférées à l’industrie et donnent naissance à des produits. » Objectif largement atteint : ce scientifique de 51 ans, directeur de l’équipe-projet Artishau au Centre Inria de l’Université de Rennes, a déjà collaboré sous diverses formes avec des entreprises comme Meta, Alcatel-Nokia, Thales, Technicolor ou Facebook

Il est également cofondateur et conseiller scientifique de deux startups, Label4.ai et Imatag. Cette dernière compte parmi ses clients de grandes agences de presse mondiales, dont Reuters et l’Agence France Presse (AFP).

Pionnier du tatouage numérique

Teddy Furon fait partie des premiers chercheurs en France à avoir étudié le tatouage numérique, dès son doctorat qu’il commence en 1998. À l’époque, Pierre Duhamel, son directeur de thèse à Télécom Paris, l’alerte : « le sujet est tout nouveau, tout le monde l’aura peut-être oublié dans deux ans. Tu prends un risque ». Le jeune chercheur persiste dans cette voie, avec raison. Aujourd’hui, cette technologie protège la majorité des contenus que nous consultons – DVD, images numériques, audios, vidéos, textes – et nourrit de nombreux travaux de recherche. 

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 « Ce prix Inria, auquel participe un grand industriel, reconnaît l’utilité de mes travaux et leur capacité à donner naissance à des innovations. Je suis très heureux de le recevoir. » 

À l’inverse du tatouage sur la peau, destiné à être vu, le tatouage numérique se cache ; raison pour laquelle nous en ignorons l’existence. C’est un très discret message binaire qui se dissimule dans un fichier et permet de l’authentifier. « Un bon tatouage est invisible, robuste – il résiste par exemple à un recadrage ou une compression d’image – et contient beaucoup d’informations, explique Teddy Furon. Remplir ces trois exigences est déjà un challenge. »

Cofondateur et conseiller scientifique de deux startups

Le chercheur a contribué à la montée en maturité du domaine, puis a multiplié les innovations en s’inspirant de ses collaborations avec l’industrie. On lui doit par exemple le concept de sécurité du tatouage, qui va au-delà de la simple robustesse : il s’agit cette fois de résister à des attaques volontaires. Autre avancée, le "traçage de traîtres", appellation aux accents de film d’espionnage : comment générer un identifiant unique et robuste pour chaque destinataire, quand on distribue en quantité limitée un document hautement sensible ? 

Teddy Furon entretient une telle proximité avec l’industrie qu’il a sauté le pas en 2015 en devenant cofondateur d’Imatag, startup spécialisée dans le tatouage d’images et de vidéos. Elle est dirigée par Mathieu Desoubeaux, l’un de ses anciens ingénieurs de recherche chez Inria.

Imatag s’est notamment fait connaître avec son produit Monitor, qui permet aux photographes d’agences de presse de tatouer leurs clichés, afin de les retrouver sur les sites des médias européens où ils s’affichent et de déclencher automatiquement leur facturation ou la récupération de droits. « Le droit d’auteur est respecté et les professionnels sont rétribués justement. Alors que, par le passé, ils avaient le plus grand mal à savoir où et quand leurs photos étaient publiées. »

Détecter les contenus générés par IA, pour naviguer en toute sécurité

Longtemps rattaché à l’équipe-projet Linkmedia, Teddy Furon en a créé une nouvelle, Artishau, début 2025. Le tatouage numérique y tient toujours le premier rôle, au service d’un nouvel objectif : la détection des contenus générés par IA. « Dès août 2026, l’AI Act européen imposera aux fournisseurs d’IA de tatouer leurs contenus diffusés en Europe, rappelle le chercheur. Pour moi, c’est aussi un enjeu démocratique : je veux que mes travaux contribuent à identifier les deep fakes et à lutter contre la désinformation. »

Cette ambition a donné naissance en 2024 à sa seconde startup, Label4.ai, dont il est cofondateur et conseiller scientifique. Elle développe des solutions inédites pour tatouer discrètement et de manière indélébile les images, vidéos, sons et textes produits par IA générative

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« L’utilisateur doit naviguer dans le paysage numérique en toute sécurité, le citoyen doit pouvoir discerner le vrai du faux. » 

Imatag contribue également à cet objectif, avec une technologie de métadonnées signées embarquée sur l’appareil Nikon des photoreporters de l’AFP : elle leur permet d’authentifier leurs clichés. Pendant les élections américaines de 2024, elle a servi par exemple à démontrer que le salut nazi d’Elon Musk n’était pas un deep fake.  « Le photographe devient ainsi un tiers de confiance qui nous aide à discerner le vrai du faux. »

Bio express

  • 1994-1997 : agrégation en physique appliquée à l’École normale supérieure de Cachan
  • 1998 : DEA à Telecom Paris
  • 1998 - 2002 : thèse CIFRE Télécom Paris/Thomson Multimédia
  • 2002 : rejoint Inria en tant que chargé de recherche dans l’équipe Temics
  • 2015 : cofondateur de la startup Imatag (protection des contenus en ligne)
  • 2022 : directeur de recherche Inria, équipe-projet Linkmedia
  • 2024 : cofondateur de la startup Label4.ai (identification des contenus générés par IA)

Un mythe sur la vie de chercheur que vous voudriez déconstruire ?

« Je suis fonctionnaire, et on croit souvent que je travaille 35 heures par semaine. En fait, je suis parfois à 50, comme beaucoup de collègues ! Dans ce métier, il faut mener des recherches, publier, participer à des conférences, encadrer des thésardes et thésards, répondre à des appels à projets… C’est passionnant, mais beaucoup de journées se terminent très tard. » 

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