La Ligue guinéenne des droits de l’Homme (LGDH) et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) condamnent fermement le coup d’État militaire qui aurait été orchestré en Guinée-Bissau. La LGDH et la FIDH expriment leurs vives préoccupations face à cette confiscation du pouvoir, alors même que le peuple bissau-guinéen attendait la proclamation des résultats des élections présidentielle et législatives du 23 novembre dernier. La LGDH et la FIDH appellent au rétablissement de l’ordre constitutionnel, au respect des droits humains et de l’État de droit, et à la reprise immédiate du processus électoral, conformément à la Constitution bissau-guinéenne et aux textes régionaux et internationaux ratifiés par l’État.
Bissau, Paris, le 28 novembre 2025. Dans un communiqué prononcé le 26 novembre dernier, le brigadier général Denis N’Canha, chef du bureau militaire de la présidence, annonçait la prise de « contrôle total » de la Guinée-Bissau, par un groupe de militaires autoproclamé « le Haut commandement militaire pour la restauration de la sécurité nationale et de l’ordre publique ». Il annonçait également la destitution d’Umaro Sissoco Embaló, président de la République sortant, la suspension des institutions de la République, la suspension du processus électoral en cours, la fermeture des frontières terrestres et aériennes, la mise en place d’un couvre-feu ainsi que la fermeture des médias. Ce coup de force est intervenu à la veille de la publication des résultats provisoires des élections présidentielle et législatives du 23 novembre dernier. Plus tôt dans la journée, Umaro Sissoco Embaló avait lui-même appelé certains médias pour informer de son arrestation et d’un coup d’État en cours.
Le 27 novembre, les militaires ont annoncé l’investiture du général Horta N’Tam, chef d’État-major de l’armée de terre, en tant que président de la transition, ladite transition étant annoncée pour un an. Les militaires ont également déclaré la réouverture des frontières terrestres et aériennes et la levée du couvre-feu. Le même jour, le ministère des affaires étrangères sénégalais a annoncé l’arrivée d’Umaro Sissoco Embaló au Sénégal. Fernando Dias, le principal candidat de l’opposition à l’élection présidentielle, est lui caché depuis le 26 novembre. Depuis le 26 novembre, l’accès à internet et à certains réseaux sociaux est perturbé.
La LGDH et la FIDH dénoncent ce coup de force, perpétré en violation de la Constitution bissau-guinéenne, ainsi que des engagements régionaux et internationaux de l’État tels que la Charte africaine, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les organisations exhortent les militaires à rendre immédiatement le pouvoir aux civils, rétablissant ainsi les conditions nécessaires à la reprise du processus électoral et particulièrement à la promulgation complète et transparente des résultats électoraux et à l’investiture du nouveau président de la République, conformément à la volonté du peuple bissau-guinéen.
« Nous condamnons avec la plus grande vigueur ces graves violations des droits humains et des principes démocratiques. Nous appelons les militaires au pouvoir à rétablir l’ordre constitutionnel dans les plus brefs délais, à faciliter la reprise du processus électoral et à rendre le pouvoir aux civils. Le respect de l’État de droit, des droits humains et des principes démocratiques est une condition sine qua non pour briser la spirale d’instabilité politique dans laquelle les coups et tentatives de coup d’État ne cessent de plonger le pays », a déclaré Me Drissa Traoré, secrétaire-général de la FIDH.
La LGDH et la FIDH expriment leur profonde inquiétude face aux violations graves des droits humains commises depuis trois jours en Guinée-Bissau. Parmi les personnalités politiques détenues illégalement figurent notamment Domingos Simões Pereira, ancien premier ministre, président de l’Assemblée nationale populaire et leader du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-vert (PAIGC), ainsi que plusieurs dirigeants politiques : Octávio Lopes, membre du PAIGC et mandataire national du candidat Pereira, Pier Cá, Januário Betundé, Marcos da Costa, Roberto Imbesba, Ernesto Ié et Victor Oliveira.
Selon les informations recueillies par la LGDH, plusieurs magistrats qui exerçaient des fonctions d’observateurs dans le processus de dépouillement électoral, ont eux-aussi été arbitrairement arrêtés, et restent à ce jour détenus au secret, privés de tout contact avec leurs familles, leurs proches et leurs avocats. Il s’agit de MM. Mário Ialá, Romelo Barai, Cipriano Nanquilin, José Badó et Quintino Inquebé, Toutes ces violations portent de graves atteintes à l’État de droit et à l’intégrité du processus électoral.
La vague d’intimidation s’étend également aux personnalités publiques et aux citoyen·nes ordinaires. Le domicile de Rui Landim, journaliste et analyste politique a été violemment envahi par des hommes armés, le 26 novembre. Le même type de violence s’est reproduit au domicile du député Ussumane Camará. La LGDH a également eu accès à des vidéos troublantes montrant des jeunes brutalement battus par des individus armés, alors qu’ils tentaient de manifester pacifiquement pour réclamer la proclamation des résultats des élections et le retour à l’ordre constitutionnel. Tous ces faits révèlent une escalade intolérable de la violence et de l’arbitraire depuis le coup d’État présumé.
« Nous condamnons fermement ces violations graves des droits humains, et appelons à la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues. Il est essentiel que des enquêtes approfondies soient ouvertes sur ces violations afin d’en faire toute la lumière, en identifier et sanctionner les auteurs, et rendre justice aux victimes. », a déclaré Bubacar Turé, président de la LGDH.
La LGDH et la FIDH appellent les militaires à garantir le respect des libertés fondamentales, à cesser tout acte de harcèlement et de menaces à l’encontre des défenseur⋅es des droits humains, activistes et journalistes, ainsi qu’à garantir, en toutes circonstances, qu’ils et elles puissent exercer leurs activités légitimes de défense des droits humains sans entrave et sans crainte de représailles. De même, les deux organisations appellent à la levée immédiate des mesures illégales restreignant la liberté de la presse en Guinée-Bissau.
La FIDH et la LGDH notent avec satisfaction les premières réactions fortes des institutions régionales et internationales, et particulièrement celles de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP). Les organisations exhortent les institutions internationales et les partenaires de la Guinée-Bissau, en particulier la CEDEAO, l’Union africaine (UA), la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) et les Nations unies, à intensifier leurs efforts visant à ce que le Haut commandement militaire rétablisse l’ordre constitutionnel et l’État de droit, garantisse le respect des droits humains et la reprise du processus électoral, conformément aux engagements régionaux et internationaux de la Guinée-Bissau.