Londres, 1911. Un homme grièvement blessé est jeté dans les eaux noires de la Tamise, puis recueilli, amnésique, dans l’East End. Seuls indices : un smoking et une carte d’invitation. Rebaptisé Lazarus Lazare par ses bienfaiteurs, il entreprend, avec l’aide d’une communauté d’exilés et d’une jeune femme, Grazia, une quête pour retrouver son identité et comprendre qui a voulu sa mort. Entre polar victorien, roman social et comédie de mœurs, Jean-Baptiste Evette compose une intrigue dense, peuplée de personnages pittoresques et d’atmosphères trouble — pubs enfumés, quais poisseux, Londres menaçant où dans l’ombre de profile la silhouette de Jack l’Éventreur. Jordan Fantosme de Jean-Baptiste Evette aux Éditions Gallimard, ou le livre d’un Londres mystérieux et fantasmé !
Une enquête à pas comptés
Jean-Baptiste Evette plante son décor dès la première page : les docks, la Tamise, les ombres des ruelles où la misère et l’espérance s’entremêlent. L’amnésie du protagoniste — ressort narratif classique — devient ici un procédé pour révéler progressivement non seulement une identité, mais tout un tissu social. Le roman progresse comme une enquête à pas comptés : indices minuscules, rencontres inattendues, personnages secondaires qui s’imposent par leur humanité (le patron de pub, l’exilé italien, la jeune Grazia). L’atmosphère rappelle les grands récits londoniens du XIXᵉ siècle, mais Evette y injecte une modernité de ton et de psychologie : la mémoire vacille, le passé résiste, et la ville elle-même devient un enjeu. Les longues phrases descriptives et le goût du détail — que l’on pourrait comparer à Zola ou à Dickens — demandent de l’attention, mais récompensent par une immersion forte. Le rythme alterne instants contemplatifs et montées de tension : on lit ce livre pour le plaisir d’une écriture travaillée et pour la satisfaction d’un mystère qui se dévoile petit à petit.
Extrait
« La pluie fouette la surface noire du fleuve, elle ruisselle sur les toits et dévale les ruelles.
Puis il y a une accalmie. Quelques lueurs vacillantes apparaissent sur un fond de ténèbres. On le porte, on le soulève ; les lueurs se dédoublent, reflétées sur une surface lisse et mouvante. Une vague gratitude lui vient pour les mains qui le soutiennent, car, sûrement, il ne pourrait se déplacer sans leur aide. Ses pieds raclent le pavé, on le soulève un peu plus haut. Des clapotis lui parviennent, une brise froide et humide lui rafraîchit le visage. Il voit mieux les lumières jumelées, des étoiles ou des fanaux, bleus, rouges ou jaunes, mais elles basculent soudain. Il vole, il est délivré de la pesanteur, puis il heurte la surface de l’eau et s’enfonce dans l’abîme glacé.«
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Hakim Aoudia.
