Paru en 1925, L’Or de Blaise Cendrars fête son centenaire. Ce roman, premier du genre pour l’auteur, plutôt reconnu pour ses poèmes, s’inspire de l’histoire vraie de Johann August Suter, pionnier suisse dont la fortune californienne fut anéantie par la découverte d’or sur ses terres en 1848. Cendrars, en quarante jours, transforme ce destin tragique en une épopée moderne, mêlant réalité historique et fiction poétique. Une méditation sur la folie des hommes, la fragilité du destin et la puissance destructrice de l’or. Mais également un palimpseste : derrière Suter se devine le père de Cendrars, Georges Sauser, et la figure de Cendrars lui-même, reflet et altérité. Centenaire de L’Or de Blaise Cendrars, aux Éditions Folio Gallimard, ou le livre de l’ascension et la chute de Johann Sutter en pleine ruée vers l’or !
Un poète du rythme et de la modernité
Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédéric-Louis Sauser, incarne l’écrivain-voyageur, l’homme d’action et de plume. Né en Suisse en 1887, il parcourt le monde avant de s’installer à Paris, où il devient une figure majeure de l’avant-garde littéraire. Poète d’abord, avec Les Pâques à New York (1912) ou La Prose du Transsibérien (1913), il révolutionne la poésie par son lyrisme et sa liberté formelle. Blessé et amputé d’un bras pendant la Première Guerre mondiale, il apprend à écrire de la main gauche, symbole de sa résilience. L’Or, publié en 1925, marque son entrée dans l’univers du roman et consacre son talent de conteur, mêlant histoire et légende, réalité et mythe.
Un récit de conquête et de chute, en miroir
L’Or raconte l’ascension et la chute de Johann August Suter, pionnier suisse dont la fortune californienne fut détruite par la ruée vers l’or. Cendrars s’inspire de la brochure de Martin Birmann (1868), mais réinvente le personnage. Ainsi, Suter devient un héros tragique, victime de sa propre naïveté et de la folie collective. Le roman, écrit au présent de l’indicatif, donne une impression d’immédiateté et de fatalité. Pourtant, cette « merveilleuse histoire » est aussi celle de Georges Sauser, père de Cendrars, dont la faillite et le remariage ont marqué l’enfance de l’écrivain. L’Or est donc une œuvre de réconciliation et de vengeance, où Cendrars offre à son père une revanche posthume, tout en s’en détachant.
Extrait
« Mais Suter n’a plus le cœur à l’ouvrage.
Il laisse tout tomber.
Ses employés les plus fidèles, ses hommes de confiance l’ont abandonné. Il a beau les payer très cher, on gagne encore plus aux mines. Il n’y a plus de bras pour les cultures. Il n’y a pas un seul berger.
Il pourrait encore refaire fortune, spéculer, profiter de la hausse vertigineuse des denrées alimentaires; mais à quoi bon ? Il voit maintenant tomber ses réserves de grains et bientôt la fin de ses provisions.
D’autres feront fortune.
Il laisse faire.
Il ne fait rien.
Il ne fait rien.«
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Hakim Aoudia.