L’abattement de la taxe foncière pour les bailleurs sociaux

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Instauré en 2001, réformé en 2014 et reconduit jusqu’en 2030, l’abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) autorisé dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) permet aux organismes d’habitation à loyer modéré (HLM) de bénéficier d’une réduction de 30 % de la TFPB dont ils sont redevables sur leur parc locatif social. En contrepartie, ces organismes doivent mettre en place des actions, des projets ou des travaux, visant à améliorer le cadre de vie des habitants et à améliorer la qualité des services qu’ils rendent dans les QPV. L’ensemble des acteurs apprécie la souplesse de fonctionnement du dispositif. D’un montant estimé à 315 M€ en 2024, cet abattement constitue une perte de recette fiscale pour les collectivités territoriales, compensée par l’État à hauteur de 40 %, soit 126 M€ en 2024. La Cour a conduit ce rapport public thématique au moment où de nouveaux contrats de ville sont élaborés pour la période 2024-2030 et une nouvelle modification du périmètre des QPV intervient, dans un contexte de réduction des crédits budgétaires de la politique de la ville. Le dispositif d’abattement souffre de nombreuses imperfections, qui justifient de le réformer.

Un dispositif atypique apprécié pour sa souplesse

L’abattement de la TFPB dont bénéficient les bailleurs sociaux en QPV est un mécanisme fiscal qui vient en déduction du montant dont ils sont redevables. Les collectivités locales perçoivent de l’État une allocation compensatrice de 40 % au titre de leurs recettes de fonctionnement. Pour bénéficier de l’abattement, le bailleur social doit être signataire au 1er janvier de l’année d’imposition d’un contrat de ville. En contrepartie de l’abattement, les organismes HLM ont l’obligation légale de transmettre annuellement aux signataires des contrats de ville les documents justifiant du montant et du suivi des actions qu’ils ont entreprises pour l’amélioration des conditions de vie des habitants. Les objectifs et modalités pratiques du dispositif sont coconstruits. Son caractère partenarial lui confère 
une souplesse appréciée. L’enquête a toutefois révélé des pratiques de coopération contrastées, en fonction de la dynamique des partenaires, en particulier l’engagement de l’État qui apparaît variable selon les territoires. L’ensemble des acteurs rencontrés a souligné la facilité d’activation des dépenses ne nécessitant pas d’appels à projets ou de démarche administrative, à la différence des subventions. 
Le recours à des acteurs associatifs de proximité, impliqués dans l’insertion, leur apparait comme un facteur de cohésion territoriale vertueux. Néanmoins, la Cour a constaté que l’État n’est pas en mesure de connaitre, au plan national, la répartition des actions par axe, montant ou zone géographique, faute de transmission des plans d’action et de données agrégées disponibles, les bilans n’étant transmis qu’aux signataires des conventions.

Un dispositif aux imperfections multiples

La mise en œuvre de l’abattement de la TFPB au profit des bailleurs sociaux souffre de lacunes de pilotage et d’un manque de partage d’informations entre services de l’État. La Cour a constaté que les actions financées en contrepartie de cet avantage fiscal pouvaient s’écarter de sa finalité initiale sans système de contrôle effectif. Le rôle de chaque acteur, au niveau national, est difficile à appréhender tant les modalités d’organisation sont peu lisibles et variables. Alors que l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) affiche clairement son rôle pédagogique et fédérateur, celui de l’État est plus flou en raison de la diversité de ses interventions. Le contrôle a révélé que peu de données consolidées sont produites, en termes d’état des conventionnements, d’actions financées comme en termes d’impacts sur la politique de de la ville faute, notamment, d’instruments de mesure et d’indicateurs permettant de dégager des données consolidées et fiables. Le dispositif d’abattement de la TFPB pour les bailleurs sociaux dans les QPV est piloté par l’État de façon peu efficace, hétérogène d’un territoire et d’un service à l’autre ; il est source d’une comitologie excessive redondante avec d’autres dispositifs (Gestion Urbaine Sociale de Proximité-GUSP, etc.) L’utilisation effective du dispositif, censé financer des actions supplémentaires aux normes de gestion et d’entretien des bâtiments, s’écarte de sa finalité initiale et sa valeur ajoutée ne peut être identifiée clairement faute de définition partagée de ce qui relève de l’action « normale » d’entretien des bâtiments.

Un dispositif à réformer

Le dispositif d’abattement devra être amélioré en 2026, après la période de signature des conventions d’abattement et des contrats de ville de nouvelle génération, et après le renouvellement des exécutifs locaux. La Cour souligne la nécessité de réformer en profondeur le dispositif d’abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) accordé aux bailleurs sociaux dans les quartiers prioritaires, afin d’assurer un pilotage plus rigoureux et une utilisation réellement conforme aux objectifs initiaux. Il appelle à une meilleure circulation des données entre les services de l’État, les collectivités et les bailleurs, ainsi qu’à la création d’un outil national partagé permettant de disposer d’informations fiables et comparables pour suivre l’impact du dispositif. Le cadre d’intervention doit également être clarifié : la définition des actions financées doit s’appuyer sur un référentiel national permettant de distinguer clairement ce qui relève du droit commun et ce qui constitue des actions spécifiques justifiant l’abattement. Enfin, le rapport insiste sur la nécessité de renforcer les contrôles et les sanctions, en donnant aux préfets la possibilité de suspendre ou de récupérer tout ou partie de l’abattement en cas de non-respect des engagements, afin de garantir une gestion plus transparente, plus équitable et mieux orientée vers l’amélioration des conditions de vie dans les quartiers prioritaires.

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