opportunité ou dérive ? – 18h08

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Les plateformes sociales n’ont pas seulement transformé la manière dont nous consommons du contenu. Elles ont transformé la manière dont nous apprenons.
Chaque jour, des millions d’utilisateurs se forment, se renseignent, découvrent des concepts, analysent des enjeux ou résolvent des problèmes grâce à des vidéos, des threads, des podcasts ou des newsletters réalisées par des créateurs.

Ce phénomène bouleverse le monde de la transmission du savoir. Les créateurs sont désormais perçus comme des sources de connaissance. Certains apprennent la cuisine, d’autres la finance, l’histoire, la sociologie, la tech ou la santé. Cette mutation interroge :
Sommes-nous face à une opportunité incroyable pour démocratiser le savoir, ou face à une dérive qui confond visibilité et expertise ?

Le sujet est sensible et mérite une approche nuancée. Car la montée des créateurs comme nouveaux professeurs n’est ni totalement vertueuse ni totalement dangereuse. Elle reflète le besoin d’une pédagogie plus accessible, plus incarnée, plus vivante… mais elle expose aussi le public à des discours parfois simplistes, parfois imprécis, parfois idéologiquement marqués.

Chez 18h08, agence de marketing d’influence, nous accompagnons des marques qui souhaitent s’inscrire dans des environnements éducatifs fiables, responsables et structurés. Cet article analyse les forces et les limites de cette révolution silencieuse.

1. Pourquoi les créateurs deviennent les nouveaux professeurs ?

La question paraît simple, mais la réponse ouvre un vrai changement de paradigme. Les créateurs n’enseignent pas “à la place” des institutions : ils occupent un espace que celles-ci n’ont jamais vraiment investi. Ils incarnent un savoir plus flexible, plus narratif et plus proche de la culture numérique actuelle. Trois dynamiques expliquent cette bascule.

1.1. Les formats courts répondent à la fatigue attentionnelle

Les plateformes sont devenues des espaces où tout doit être compris vite.
Le temps moyen passé sur une vidéo se compte en secondes, pas en minutes. Et dans ce contexte, les créateurs excellent :

  • une explication rapide qui va droit au but,
  • une démonstration concrète qui parle au quotidien,
  • une mise en scène incarnée (gestuelle, voix, expérience personnelle),
  • un ton qui ressemble à celui d’un ami qui vous explique quelque chose autour d’un café.

Ce format ne remplace pas un cours magistral, mais il répond à un besoin immédiat : comprendre vite.
Un internaute peut saisir un concept économique, juridique ou scientifique en 45 secondes.
Ce n’est pas seulement pratique : c’est gratifiant. Le savoir devient “consommable”, sans effort d’entrée, et accessible partout : transports, pause déjeuner, canapé.

Et surtout : ces contenus court-circuitent la barrière psychologique du “je ne vais pas comprendre”. L’utilisateur n’a qu’à scroller.

1.2. Les créateurs parlent la langue de leur communauté

L’enseignement institutionnel transmet un savoir structuré, mais souvent déconnecté des codes culturels du moment.
Les créateurs, eux, adaptent le savoir comme un traducteur culturel :

  • références à des tendances Tik Tok,
  • détournements d’actualités,
  • humour léger ou autodérision,
  • storytelling rythmé.

Le résultat : un message immédiatement compréhensible, transparent et sans jargon.
C’est cette “démocratisation stylistique” qui fait toute la différence.

Là où un chapitre de manuel pourrait décourager, un créateur transforme le même sujet en une vidéo dynamique, contextualisée, parfois même scénarisée.
Les audiences apprennent sans sentir qu’elles “étudient”.

1.3. La confiance se déplace vers les individus

La nouvelle économie de l’attention repose sur la personnalisation.
Et dans cet environnement, les individus ont pris le pas sur les structures.

Les audiences font plus confiance à :

  • une personne qu’elles suivent depuis des mois,
  • qui décrit ses essais, ses erreurs, ses réussites,
  • qui s’adresse directement à elles,
  • et qui expose ses limites autant que ses compétences.

La parole individuelle rassure car elle semble honnête.
Elle apaise un contexte où les institutions, médias, écoles, politiques, apparaissent parfois lointaines, complexes ou opaques.

Cette bascule explique pourquoi les créateurs deviennent des référents, parfois même des autorités dans leur domaine : finance, écologie, santé mentale, entrepreneuriat, sciences.
Pas parce qu’ils “en savent plus”, mais parce qu’ils créent une relation.

L’enseignement devient un lien. Pas seulement une transmission.

2. Les créateurs peuvent enrichir l’éducation : des opportunités inédites

Réduire ce phénomène à une menace serait passer à côté d’un mouvement beaucoup plus riche. L’essor des créateurs ouvre un champ d’opportunités pédagogiques que l’école et les institutions n’ont jamais pleinement pu explorer. Les plateformes deviennent des espaces d’apprentissage alternatifs, complémentaires et parfois pionniers.

2.1. Démocratisation du savoir

Pendant longtemps, certaines disciplines étaient réservées à des initiés.
Les barrières étaient multiples : langage technique, accès restreint, formats peu attrayants, manque de temps.

Les créateurs bousculent cet ordre en rendant tout accessible :

  • astrophysique vulgarisée à travers des schémas ludiques,
  • géopolitique simplifiée en quelques repères clés,
  • cuisine technique expliquée avec des plans serrés et des gestes répétés,
  • programmation pas à pas avec des tutoriels courts,
  • photographie décortiquée via des exemples concrets.

Ce savoir n’était pas caché, mais il circulait peu.
Les créateurs le sortent de ses niches et lui donnent une nouvelle vie.

Ils démocratisent l’apprentissage comme Spotify a démocratisé la musique : à portée de main, à la carte, sans barrière d’entrée.

2.2. Mise en lumière de disciplines oubliées

Les réseaux sociaux ont fait émerger des domaines que les médias et les institutions ont longtemps laissés en marge.

Artisans, linguistes, mécaniciens, restaurateurs d’œuvres, couteliers, apiculteurs, archivistes : autant de métiers fascinants mais rarement représentés dans les circuits classiques.

Avec quelques vidéos bien pensées, ces créateurs ouvrent une fenêtre sur leur univers.
On comprend soudain le travail derrière une table en bois, la restauration d’une toile, la logique d’un moteur, les subtilités d’un dialecte.

Avant les plateformes, ces savoirs vivaient à huis clos.
Aujourd’hui, ils rencontrent des millions de personnes qui, sans cela, n’auraient jamais découvert ces univers.

C’est une redécouverte culturelle, presque patrimoniale.

2.3. Une pédagogie plus vivante, plus incarnée

L’un des plus grands apports des créateurs est la mise en scène émotionnelle du savoir.
Ils ne transmettent pas seulement des concepts : ils partagent un vécu.

Un créateur peut montrer :

  • comment il a appris,
  • où il s’est trompé,
  • comment il a corrigé,
  • ce qui lui a coûté,
  • ce qui l’a enthousiasmé.

Cette vulnérabilité pédagogique change tout.
Elle humanise l’apprentissage et le rend désirable.

Le savoir n’est plus une abstraction.
C’est une histoire. Une trajectoire. Une connexion.

Et cela crée un engagement que les formats institutionnels peinent parfois à obtenir.

2.4. Une adaptation immédiate aux besoins des publics

Enfin, les créateurs ont une créativité et une agilité incomparable.
Ils modifient leur manière d’enseigner selon :

  • les questions qui reviennent en commentaire,
  • ce que les audiences ne comprennent pas,
  • les tendances du moment,
  • les sujets d’actualité,
  • les retours instantanés de leur communauté.

Un concept mal compris ?
Ils refont la vidéo.

Une confusion récurrente ?
Ils dédient un carrousel à ce point précis.

Une nouvelle loi ou un nouveau phénomène ?
Ils l’expliquent dans la journée.

Cette réactivité pédagogique contraste fortement avec la temporalité institutionnelle, plus lente, plus structurée, parfois trop rigide pour les besoins du quotidien.

Les créateurs répondent là où ça chauffe.
Et c’est précisément ce que recherchent les audiences.

3. Mais cette évolution porte aussi des dérives possibles

L’essor des créateurs comme nouveaux professeurs ne représente pas seulement une avancée culturelle ou pédagogique. Il s’accompagne aussi de fragilités structurelles.
L’absence de cadre, de méthode, de vérification ou de responsabilité peut altérer la qualité du savoir transmis.
Et dans un environnement où une vidéo peut devenir virale en quelques heures, ces dérives peuvent se propager très vite.

3.1. Le risque de simplification excessive

Vulgariser, c’est rendre accessible.
Mais vulgariser en 30 secondes impose une contrainte redoutable : tout doit tenir dans un récit clair, compact… parfois trop compact.

Résultat :

  • des nuances essentielles disparaissent,
  • des subtilités conceptuelles passent sous silence,
  • des raccourcis deviennent des certitudes,
  • des hypothèses se transforment en vérités.

Un sujet économique, scientifique ou historique présenté en format “snack content” peut perdre sa profondeur et, à force d’être rendu digestible, devenir partiellement inexact.

Le problème ne vient pas de la volonté des créateurs, mais de la logique même des plateformes : l’algorithme récompense la simplicité, pas la rigueur.

C’est là que la pédagogie peut s’effriter.

3.2. Le biais d’autorité lié à la popularité

Sur les réseaux, la légitimité repose sur la visibilité.
Et c’est là que se loge un biais majeur.

Un créateur suivi par 200 000 personnes est perçu comme fiable… même si son expertise réelle est limitée.
L’audience confond influence et compétence.
Les “likes” deviennent une preuve.
Le nombre d’abonnés remplace la qualification.

Ce glissement est dangereux : un créateur qui maîtrise son format mais pas son sujet peut orienter des milliers de personnes sans mauvaise intention, mais sans fondement solide.

C’est un déplacement du pouvoir éducatif vers des référents dont le statut repose sur la popularité, pas sur la connaissance.

3.3. Le risque de dérives idéologiques

Un autre point sensible : la polarisation.
Sur les plateformes, certains créateurs s’expriment sans filtre, sans contradiction, sans cadre éthique ou méthodologique.

Ils peuvent diffuser :

  • une vision orientée,
  • un discours militant,
  • une lecture sélective des faits,
  • une interprétation émotionnelle plutôt que rationnelle.

L’absence de contrepoint ouvre la voie aux biais, aux amalgames, parfois même aux récits trompeurs.
Ce n’est pas nouveau dans l’histoire de la communication, mais la vitesse et l’amplitude de diffusion sont inédites.

Là où un débat universitaire expose plusieurs visions, un créateur peut imposer une seule lecture, amplifiée par l’algorithme.

3.4. La pression algorithmique

L’autre effet pervers concerne le créateur lui-même.
Pour rester visible, il doit publier en continu.
L’algorithme impose un rythme soutenu, parfois épuisant.

Cette pression peut pousser à :

  • simplifier davantage pour produire plus vite,
  • dramatiser pour capter l’attention,
  • polariser pour générer des réactions,
  • exagérer pour sortir du lot.

Ces comportements ne sont pas choisis : ils sont encouragés par la mécanique même des plateformes.

Et plus la pression est forte, plus la dimension pédagogique se dilue.

Le risque majeur : la valeur éducative se fait absorber par la course à la performance algorithmique.

4. Comment distinguer un créateur fiable d’un créateur approximatif ?

Les marques qui utilisent des créateurs dans des missions éducatives doivent évaluer leur fiabilité.

Voici quelques critères qualitatifs :

Un créateur fiable cite ses sources. Il explique d’où viennent ses informations. Il précise ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas. Il reconnaît ses limites et reformule lorsqu’il se trompe. Il privilégie la nuance à la viralité. Il prend le temps d’expliquer plutôt que de simplifier à outrance.

Un créateur approximatif, au contraire, utilise des phrases définitives, des affirmations absolues, des formules sensationnelles. 

Sa ligne éditoriale dépend plus de l’algorithme que de la rigueur. Son contenu repose sur des opinions, non sur des faits. Il évite les contradictions ou les questions complexes.

5. Quel rôle pour les marques dans ce nouveau paysage éducatif ?

Les marques jouent un rôle clé dans la montée des créateurs comme nouveaux professeurs.
Certaines les utilisent pour vulgariser leurs innovations.
D’autres pour expliquer un usage produit.
D’autres encore pour éclairer un sujet sociétal.

Mais pour le faire correctement, elles doivent respecter plusieurs principes.

5.1. Choisir des créateurs légitimes, pas seulement visibles

La légitimité passe par :

  • l’expérience,
  • le métier,
  • la rigueur,
  • l’historique de contenu,
  • la cohérence éditoriale.

La visibilité n’est qu’un bonus.

5.2. Assumer un rôle d’accompagnateur, pas de censeur

Une marque doit guider le créateur.
Elle ne doit pas le contraindre.
Le créateur doit garder sa voix et son approche pédagogique.

C’est cette authenticité qui crée l’impact.

5.3. Créer des contenus utiles, pas promotionnels

Si une marque veut que son message soit entendu, il doit avoir une valeur éducative réelle :
explication technique, décryptage, mise en contexte, apprentissage pratique.

Le public ne veut plus être convaincu.
Il veut comprendre.

6. Le conseil de 18h08

Chez 18h08, nous encourageons les marques à collaborer avec des créateurs capables d’enrichir réellement la compréhension d’un sujet.
Même si nous savons que la répétition est essentielle, ne s’agit pas d’utiliser les créateurs pour répéter un message.
Il s’agit de leur offrir un espace pour transmettre quelque chose d’utile et durable.

Les marques qui réussissent dans cette logique adoptent une posture de partage, pas de persuasion.

Elles valorisent la pédagogie.

Recapiti
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