Trois ans après sa première « tournée » citoyenne (9 réunions publiques, 1 500 Nivernais rencontrés), Imagine la Nièvre ! est reparti pour un grand tour des cantons, mardi 18 mars à Luzy. Environ 200 personnes ont répondu à l’invitation lancée par le Conseil départemental, désireux d’écouter à nouveau les habitants, dans un contexte mondial et national chamboulé par les crises, sur leur perception du présent et leur conception de l’avenir. Entre lucidité, optimisme et exigence, cette première soirée confirme l’attachement des Nivernais, anciens et nouveaux, à leur territoire.
« La Nièvre, comment ça va ? » Posée à la cinquantaine de Nivernais interrogés dans le film projeté en début de rencontre, la question a rythmé les débats, mardi 18 mars, dans une salle des fêtes luzycoise copieusement remplie pour le retour d’Imagine la Nièvre !. Une interrogation en forme de prise de pouls, de check-up d’un département qui n’a pas été épargné par les effets des crises politiques et économiques qui se sont succédé et enchevêtrées depuis le printemps 2022 et le premier cycle de rencontres citoyennes.
« Les choses ont changé depuis trois ans, et pas forcément en bien », a rappelé en préambule Fabien Bazin, président du Conseil départemental et initiateur d’Imagine la Nièvre !. « Dans un tel contexte, on a très souvent tendance à oublier la ruralité et ce qui s’y passe. Or, la grande force de la ruralité, c’est vous tous, et je ne suis pas démagogue en disant cela. Élus, habitants, techniciens, nous sommes capables de créer un avenir désirable. »
Maire de Luzy et vice-présidente du Département, Jocelyne Guérin applique depuis dix ans la recette de la démocratie participative à l’échelle de sa commune, et la partage avec fougue : « Ce qui nous anime tous, ce soir, c’est qu’on y croit, à ce beau département. Alors lâchez-vous, on va écrire une belle histoire. » L’invitation est saisie au vol au cours d’une heure de discussions qui peine à se clore dans le timing prévu, tant les envies de parler se bousculent.
Nivernais de toujours ou fraîchement installés, jeunes, actifs et retraités ajustent une mosaïque de témoignages aux couleurs vives de l’optimisme et de l’attachement à un territoire qu’ils jugent préservé. Sans pour autant repeindre en rose ni couvrir de paillettes un quotidien aux fragilités aussi sensibles qu’il y a trois ans : transports insuffisants, accès aux soins angoissant, marché de l’emploi déliquescent. « On voudrait que ça avance un peu plus, qu’il y ait plus d’emplois dans la région », affirme Sophie, interviewée dans le film. « Vu les études que veulent faire mes enfants, je suis sûre qu’ils ne vont pas rester dans la Nièvre. On sent qu’il y a une avancée pour la Nièvre, mais elle est encore en recul par rapport aux autres départements. Quand on en parle, personne ne la connaît. Il faudrait valoriser les atouts, le circuit de Magny-Cours, les lacs du Morvan. »
L’image de la Nièvre vécue et véhiculée, inspire d’autres commentaires : « Il se passe plein de choses dans la Nièvre, et on n’en parle pas assez. Comment est-ce qu’on attire quand on parle de désertification, de fermetures de classe, de désert médical ? », interroge Sabrina. « Cela fait quatre ans que je suis arrivée à Luzy, et la plupart des gens me demandent : qu’est-ce que tu es venue faire là ? Il y a un discours ambiant qui rentre dans les têtes et devient une vérité alors que ce n’est pas le cas. Pour moi, ici ce n’est pas la diagonale du vide, c’est la diagonale des possibles ; il y a plein de choses à inventer parce qu’il y a des manques. Alors si on veut faire bouger les choses, il faut communiquer sur ce qui marche. »
Illustration de « ce qui marche », le Limon, tiers lieu festif et inventif ouvert à Rémilly par un groupe d’amis, symbolise aussi le potentiel encore intact de la Nièvre, comme l’explique David, l’un des fondateurs : « Je suis originaire de l’Yonne, j’ai vécu quinze ans à Lyon. Je suis venu ici pour les paysages, le foncier pas cher. Il faut regarder ce qui se passe ailleurs, en Haute-Savoie par exemple : le territoire n’appartient plus aux habitants, des investisseurs l’ont acheté, pour l’or blanc. C’est important que le foncier soit bien maîtrisé. Il faut aussi que les élus accompagnent les porteurs de projet et leur fassent confiance. Qu’ils viennent plus souvent nous voir, et qu’ils comprennent. »
Comme souvent, les néo-Nivernais sont les plus fervents ambassadeurs de la Nièvre, du Morvan, de Luzy. Belges, Néerlandais ou Parisiens démontent le stéréotype d’une ruralité cataleptique : « Sur la région, il se passe quelque chose tous les week-ends. La ruralité bouge », assure Françoise, venue de Paris. « On est plutôt bien accueilli. Ici, faire des choses, c’est facile ; la seule difficulté, c’est le déplacement. Pour certains jeunes, aller à Bourbon-Lancy, Rémilly, Vandenesse, etc., ça peut être compliqué. C’est le gros souci pour que les gens s’installent ici. »
« Pour rien au monde on ne repartirait », martèle Stéphanie, originaire de Touraine, arrivée à Luzy avec son mari alsacien, après des études à Toulouse. « On est venu ici parce qu’on voulait que nos enfants grandissent dans un coin de nature préservé, avec une vie associative dynamique. On ne manque de rien. Ce n’est pas un problème que les jeunes partent pour leurs études, s’ils ont envie de revenir. Il faut leur donner des exemples de vie heureuse, pour qu’ils aient cette envie. »
La Nièvre, comment ça va ? Pas si mal, visiblement. « Vous avez dit des tas de choses qu’on n’entend pas dans les réunions habituelles », conclut Fabien Bazin. « Cela prouve que c’est important d’écouter les citoyens. Il y a trois ans, je disais que la Nièvre devait être le département le plus sympa de France. Ça, c’est fait. Maintenant, il faut que l’on devienne le département le plus malin, celui qui accompagne le mieux la petite enfance et les vieux. De nouvelles alliances sont à faire entre les élus, les citoyens, les techniciens. On essaiera d’être à la hauteur de vos espérances. »