20 mars 2025
Adoptée par le Sénat le 18 mars 2025, la proposition de loi dite “TRACE” (Trajectoire de Réduction de l’Artificialisation Concertée avec les Élus locaux) vise à assouplir la mise en œuvre du dispositif ZAN (Zéro Artificialisation Nette), inscrit dans la loi “Climat et résilience” d’août 2021. Si elle ne remet pas en cause l’objectif final de ZAN à l’horizon 2050, elle modifie en profondeur le cadre fixé, notamment en régionalisant la réduction de l’artificialisation et en repoussant l’échéance intermédiaire de 2031 à 2034. Une reconfiguration qui suscite de nombreuses interrogations chez les maires des petites villes.
Une trajectoire revisitée par les sénateurs
Depuis l’adoption du ZAN, de nombreux maires, notamment dans les petites villes, ont pu exprimer leurs difficultés à appliquer ce dispositif novateur. Le Sénat, à travers la loi TRACE, a souhaité leur redonner davantage de marges de manœuvre. Ainsi, la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation est désormais confiée aux régions, leur permettant d’adapter leur trajectoire entre 2024 et 2034.
En outre, le texte introduit un assouplissement en matière de comptabilisation des surfaces artificialisées : il maintient le mode de calcul basé sur la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers (Enaf) au-delà de 2031, au lieu de basculer sur un suivi “au réel”. Cette mesure viserait à mieux prendre en compte des réalités locales, comme les friches ou les espaces agricoles bâtis.
Plus de souplesse, moins de verticalité ?
Le texte introduit également des possibilités d’urbanisation supplémentaires : les communes pourront ouvrir jusqu’à 20% de leur enveloppe foncière locale à la construction, avec un dépassement possible sur accord du préfet. De plus, les projets d’envergure nationale et européenne seront exclus des décomptes locaux et régionaux, tout comme certains types d’aménagements stratégiques (logements sociaux, infrastructures industrielles et énergétiques, équipements scolaires, aires d’accueil des gens du voyage).
Autre point crucial, la gouvernance du dispositif est modifiée. Les maires et présidents d’intercommunalités auront davantage de poids au sein des futures “conférences régionales de sobriété foncière”, renforçant leur capacité à influer sur la mise en œuvre locale du ZAN.
Des assouplissements soutenus par le Ministre François Rebsamen
L’adoption en première lecture au Sénat de la proposition de loi TRACE confirme le maintien de l’objectif ZAN en 2050, tout en adaptant sa mise en œuvre aux contraintes des collectivités locales. Un constat partagé par le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, qui, dans un communiqué de presse du 18/03/2025, a insisté sur la nécessité de replacer les élus au cœur du dispositif et d’apporter des assouplissements utiles.
Parmi les assouplissements soutenus par le gouvernement figurent :
- Le retour à un mode de calcul de la consommation foncière basé sur les ENAF, mieux connu des élus locaux ;
- Le report du jalon intermédiaire d’évaluation de 2031 à 2034, pour laisser plus de temps aux collectivités ;
- La réservation d’un forfait national de 10 000 hectares sur 5 ans pour soutenir la réindustrialisation et la construction de logements sans impacter les quotas locaux.
François Rebsamen a enfin exprimé sa confiance dans la navette parlementaire pour affiner le dispositif, afin qu’il conjugue développement des territoires et sobriété foncière.
Un besoin de stabilité pour les maires des petites villes
Si le Sénat a adopté cette proposition de loi avec une large majorité, son avenir reste incertain. L’Assemblée nationale devra à présent examiner le texte, ce qui pourrait donner lieu à de nouvelles modifications. Pour les maires des petites villes, cette évolution en dents de scie du cadre réglementaire alimente un sentiment d’instabilité. Faudra-t-il encore revoir les documents d’urbanisme ? La trajectoire finale sera-t-elle encore modifiée ?
L’Association des Petites Villes de France (APVF) rappelle son attachement aux objectifs du ZAN, mais plaide pour une stabilisation du dispositif. Les députés auront la lourde tâche de trancher entre souplesse et ambition. Une clarification attendue avec impatience par les élus locaux. Affaire à suivre dans les prochaines semaines.