La presse papier en bout de course ?

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Avec l’essor du numérique, le format papier semble peu à peu relégué au second plan. Les abonnements aux journaux en ligne explosent, les informations sont accessibles en un clic et la rapidité prime sur le format traditionnel. Face à ces mutations, la presse papier peut-elle encore résister à la vague du digital ou est-elle vouée à disparaître ? Faut-il déjà tourner la page ?

Les chiffres de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) sont sans appel : la diffusion de la presse papier continue de reculer en France, notamment pour les quotidiens régionaux. En 2024, 2,6 milliards d’exemplaires ont été diffusés, soit une baisse de 1,8 % par rapport à l’année précédente.

Si certains lecteurs restent fidèles au format imprimé, il s’agit principalement des générations plus âgées, tandis que les jeunes privilégient le numérique. Une mutation qui confirme le déclin du « Print » et pose la question de son avenir.

Une montée en puissance du numérique dopé à l’IA

Dès 2019, Libération anticipait cette transition avec une offre d’abonnement numérique « à vie », une première dans le secteur. Plus récemment, Le Parisien a annoncé la suppression d’une trentaine de postes, justifiant cette décision par une « modernisation » et une « accélération de la transition numérique ». L’objectif ? Développer davantage de contenus vidéo et audio, tout en renforçant l’offre numérique.

La transformation s’accélère également chez Ouest-France, qui mise désormais sur l’intelligence artificielle. En collaboration avec le CNRS et l’Université de Rennes, et avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche, le média a lancé le premier laboratoire commun (LabCom) associant une rédaction et la recherche académique. L’enjeu : analyser des millions de documents (articles, photos, vidéos…) pour produire des contenus plus pertinents et interactifs.

Cette évolution ne concerne pas seulement la distribution de l’information, mais aussi la manière même d’exercer le journalisme. Alors que les éditeurs s’appuient de plus en plus sur l’intelligence artificielle, une méfiance persiste quant à son utilisation pour les sujets sensibles, notamment en politique ou dans les conflits. En revanche, son usage pour des tâches en coulisses, comme la transcription ou la traduction, semble mieux accepté, dans une logique d’assistance plutôt que de substitution aux journalistes.

La vidéo et le podcast gagnent du terrain

Telle est la triste réalité : « La lecture est en perte de vitesse chez les jeunes », comme l’indique une étude du Centre National du Livre (CNL) relayée par le Ministère de la Culture. Mais pendant que l’intérêt pour le livre s’essouffle, les écrans s’imposent en maîtres avec ce constat alarmant : les jeunes y passent en moyenne dix fois plus de temps qu’à lire.

Et ils ne sont pas les seuls à se détourner de la lecture. Selon le Digital News Report de 2022, la part de Français lisant la presse papier chaque semaine est passée de 50 % en 2013 à seulement 15 % en 2022. En conséquence, cette désaffection profite fortement aux formats numériques, notamment à la vidéo.

Aujourd’hui, les formats courts s’imposent comme un nouveau mode de consommation incontournable de l’actualité. En 2024, les vidéos d’actualités de courte durée sont regardées chaque semaine par 66 % des internautes, tandis que les formats plus longs attirent 51 % d’entre eux. Les plateformes comme YouTube, TikTok et Instagram concentrent 72 % de cette audience, reléguant les sites web des médias traditionnels à seulement 22 %. Cette situation constitue un défi majeur en termes de monétisation et de fidélisation des lecteurs.

Face à ces mutations, certains médias développent activement des contenus adaptés aux réseaux sociaux. Des acteurs comme Brut, Konbini ou Le Parisien en vidéo ont réussi à capter un nouveau public grâce à des formats immersifs et interactifs. Cependant, cette évolution ne fait pas toujours l’unanimité : en 2023, Hugo Travers (Hugo Décrypte) et son équipe se sont vu refuser une carte de presse en raison de leur statut de « créateurs de contenu » plutôt que de « journalistes ». Bien qu’ils aient finalement obtenu la fameuse carte après négociation, ils ont néanmoins dû rédiger des articles en complément de leurs vidéos. Une distinction qui illustre la réticence de certaines institutions à reconnaître la vidéo comme un format journalistique à part entière.

Le podcast connaît lui aussi une forte croissance : en janvier 2025, Médiamétrie a recensé plus de 172 millions d’écoutes ou téléchargements de podcasts français dans le monde, dont 140 millions en France. En parallèle, de grands médias comme le New York Times développent désormais leurs propres plateformes pour concurrencer des géants comme Spotify, misant sur du contenu exclusif et des stratégies de diffusion spécifiques. L’audio s’impose ainsi comme un format complémentaire au texte, offrant une alternative plus accessible et plus flexible à la consommation d’information.

Ces formats répondent à une tendance forte et bien ancrée dans notre époque axée sur le numérique : la recherche d’un accès rapide et pratique à l’actualité – car après tout, aujourd’hui, rares sont ceux qui prennent encore le temps de feuilleter un journal papier ! Podcasts et vidéos permettent ainsi d’être informé à tout moment, que ce soit en voiture, dans le métro ou pendant sa routine matinale.

Toutefois, il est important de garder à l’esprit que, si les médias numériques permettent d’accéder à une diversité de sujets inédite, leur abondance peut aussi s’avérer envahissante et déroutante. Alors que certains restent très engagés dans l’actualité en ligne, d’autres, submergés par le flot d’informations, ont tendance à s’en détacher davantage qu’auparavant.

Les réseaux sociaux sur la première marche du podium

Ce n’est plus un secret pour personne : l’essor des réseaux sociaux a profondément bouleversé l’écosystème médiatique. D’après le Digital News Report 2024, alors que moins d’un Français sur cinq (18 %) consultaient les réseaux sociaux pour s’informer en 2013, ils étaient plus d’un sur trois (35 %) en 2024.  Il est juste de dire qu’aujourd’hui, les réseaux sociaux représentent désormais le principal point d’accès à l’information en ligne, devant les principaux moteurs de recherche comme Google, Baidu ou Bing.

Grâce à Instagram, YouTube, TikTok ou encore Twitch, l’information se consomme différemment, notamment chez les jeunes générations. En outre, la généralisation des smartphones et de l’accès à Internet a aussi participé à la transformation des habitudes de chacun : désormais, les contenus sont non seulement diffusés en direct, mais également accessibles à la demande.

Afin de rester en phase avec leur époque, les médias traditionnels ont donc dû s’adapter en investissant dans ces plateformes pour toucher un public plus large. Cependant, l’information sur les réseaux ne se limite plus aux grands journaux ; de nombreux créateurs indépendants, influenceurs et commentateurs partisans produisent aujourd’hui leurs propres contenus, influençant in fine la perception de l’actualité. En parallèle, ces nouveaux acteurs occupent une place croissante sur YouTube et TikTok, tandis que les médias traditionnels conservent encore une influence significative sur Facebook et X (ex-Twitter).

En conclusion

Aujourd’hui, cette mutation de l’écosystème médiatique soulève de nombreuses questions : « comment garantir la fiabilité des informations dans un espace où se mélangent journalisme, divertissement et opinions personnelles ? », « comment les médias peuvent-ils assurer leur survie dans un environnement où les modèles économiques traditionnels s’effritent ? ». Une chose est sûre : le paysage de l’information ne cesse d’évoluer et la presse papier, bien qu’elle résiste encore, semble de plus en plus mise à l’écart. Face à ces défis, les médias doivent innover pour s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation tout en préservant leur crédibilité. Par ailleurs, si l’essor du numérique représente une menace pour la presse papier, il offre également de nouvelles opportunités : diversification des formats, exploration de modèles économiques hybrides, ou encore renforcement du lien avec les audiences au travers des réseaux sociaux.

L’avenir de l’information se jouera sans doute dans cette capacité à conjuguer instantanéité, accessibilité et rigueur journalistique. Reste à savoir qui saura tirer son épingle du jeu dans cette course effrénée à l’attention 😉.

Lisa Conrard

Recapiti
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