Aide humanitaire : 83 % des programmes de l’USAID supprimés sous Donald Trump

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Il n’aura fallu qu’une vingtaine de jours à l’administration Trump pour démanteler une institution clé du soft power américain. L’USAID, agence fédérale créée en 1961 et employant plus de 10 000 personnes, a vu 83 % de ses programmes supprimés par décision présidentielle.

L’USAID : un pilier de l’aide internationale

L’USAID (United States Agency for International Development) est l’agence américaine responsable de l’aide étrangère des États-Unis. Depuis sa création par John Fitzgerald Kennedy, elle finance des programmes dans des secteurs variés : santé, éducation, gouvernance, agriculture, sécurité alimentaire, eau potable et protection de l’environnement.

Son objectif principal est de lutter contre la pauvreté et de promouvoir des solutions durables pour améliorer les conditions de vie des populations vulnérables. L’agence collabore avec des gouvernements, des ONG, des entreprises et des institutions internationales afin de répondre aux crises humanitaires, qu’il s’agisse de catastrophes naturelles ou de conflits.

Un gel brutal de l’aide étrangère

Dès son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier, Donald Trump a signé un décret gelant l’aide étrangère américaine pour 90 jours, invoquant la nécessité d’un réexamen des programmes. Officiellement, cette suspension visait les initiatives favorisant l’avortement, le planning familial ou la diversité. Mais, en réalité, l’administration a procédé à un démantèlement en profondeur de l’USAID, réduisant drastiquement ses financements et ses missions.

Cette décision a provoqué un choc dans les milieux humanitaires. L’USAID gérait jusqu’alors un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, représentant 42 % de l’aide humanitaire mondiale. Partout dans le monde, des organisations subissent déjà les conséquences de ce gel : lutte contre le sida en Afrique du Sud et au Kenya, soupes populaires au Soudan, ou encore opérations de déminage au Cambodge.

Un impact humanitaire alarmant

L’UNICEF alerte : « Sans une action urgente, plus d’enfants souffriront de malnutrition, moins auront accès à l’éducation et les maladies évitables causeront davantage de victimes. »

L’OMS, elle, s’inquiète de la suspension des programmes de lutte contre la tuberculose, mettant en danger « des millions de vies ». La chercheuse Linda-Gail Bekker, directrice de la Fondation Desmond-Tutu, prévient qu’un demi-million de décès supplémentaires liés au sida pourraient survenir si les fonds américains étaient supprimés sur une décennie.

Peter Waiswa, membre du réseau humanitaire Compassion Connectors en Ouganda, témoigne : « Certaines écoles financées par Washington ont déjà demandé aux enfants de ne plus venir. » Au Cambodge, Ly Thuch, responsable des opérations de déminage, a annoncé la suspension de plusieurs initiatives vitales. En Afrique du Sud, pays comptant la plus importante population séropositive au monde, des patients se retrouvent sans accès aux soins.

La lutte contre le paludisme, qui bénéficiait de près d’un milliard de dollars de financement annuel de la part des États-Unis (40 % du total mondial), est, elle aussi gravement menacée.

Pour l’association française Handicap International, l’aide provenant des Etats-Unis  représente 20 % du volume global de ses opérations sur le terrain, ce qui concerne environ 225 000 bénéficiaires directs et indirectement plus de 4 millions de personnes. ( le déminage en Colombie ; l’éducation inclusive pour les enfants handicapés au Rwanda ; des centres de réadaptation au Bangladesh, au Népal et au Vietnam ; des programmes de logistique humanitaire en Ukraine, en Haïti et au Togo ; l’aide aux réfugiés en Éthiopie, en Jordanie et en Thaïlande.)

Des milliers d’emplois menacés

Le démantèlement de l’USAID n’affecte pas seulement les bénéficiaires de l’aide humanitaire. Ses 10 000 employés, dont les deux tiers basés à l’étranger, ont reçu l’ordre de cesser leurs missions et de rentrer aux États-Unis. L’administration Trump prévoit de licencier près de 90 % de ces travailleurs. Toutefois, la justice a suspendu ce plan, et un verdict est attendu quant au droit du président de supprimer l’agence sans l’aval du Congrès.

En 2023, les principaux bénéficiaires de l’aide de l’USAID étaient : L’Ukraine, l’Éthiopie, la Jordanie, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Yémen, l’Afghanistan, le Nigeria, le Soudan du Sud et la Syrie.

Un avenir incertain pour l’aide humanitaire internationale

La suppression de l’USAID soulève une question majeure : qui compensera les milliards de dollars consacrés par les États-Unis à l’aide internationale ? Aucune alternative claire ne se dessine. La Banque mondiale, dont Washington est le principal actionnaire, ne semble pas en mesure d’absorber ce manque à gagner. La Chine, confrontée à des difficultés économiques, réduit ses prêts aux pays en développement, privilégiant les infrastructures aux programmes humanitaires.

Les autres puissances mondiales, elles aussi, révisent à la baisse leurs engagements. Le 25 février, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a annoncé une diminution de l’aide internationale de 0,5 % à 0,3 % du PIB, redirigeant ces fonds vers la défense.

En France, en dépit des promesses d’Emmanuel Macron d’atteindre 0,7 % du PIB consacré à l’aide publique au développement (APD) d’ici 2025, la France s’engage désormais sur la voie inverse. À l’image de plusieurs voisins européens, elle a déjà amputé son budget d’aide au développement de près de 800 millions d’euros en 2024 et prévoit une nouvelle baisse de 18 % des crédits dédiés entre 2024 et 2025.

Cette tendance à la réduction des financements est aussi observée au niveau européen : l’Union européenne a annoncé une coupe de 2 milliards d’euros dans son budget d’aide au développement dès 2024. Plus inquiétant encore, la Commission européenne envisage une diminution drastique de 35 % des fonds destinés aux pays les plus pauvres entre 2025 et 2027. La Belgique suit la même trajectoire, ayant récemment décidé de réduire son budget d’APD de 25 %.

Ainsi, la suppression de l’USAID ne marque pas seulement un tournant dans la politique étrangère américaine, mais un possible désengagement global de l’aide humanitaire internationale.

La réduction soudaine de ces financements entraîne des conséquences humanitaires alarmantes, privant des millions de bénéficiaires d’un soutien vital. Il est plus que crucial pour les entreprises et les organisations philanthropiques d’adopter des stratégies efficaces pour sécuriser et renforcer leur impact à l’international.

Pour aller plus loin

Dans ce cadre, LepC en partenariat avec l’Institut Admical propose une nouvelle formation : intitulée « Mécénat sans frontières : comment agir à l’international ?

Première session : vendredi 4 avril de 9h à 17h 

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