Le devoir de vigilance existe, mais l’extractivisme résiste

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Le devoir de vigilance français a 8 ans. L’heure devrait être à la fête, il est à la mobilisation.  

En difficulté pour l’un, vidé de sa substance pour l’autre, les devoirs de vigilance français et européen sont en danger. Pourtant, ces législations qui se voulaient pionnières n’ont jamais été autant nécessaires, en particulier pour contrer l’expansion néfaste de l’industrie extractive. 

Le devoir de vigilance : le fruit d’un long combat 

Le 27 mars 2017, le Parlement français adoptait la loi sur le devoir de vigilance, après des années de mobilisation de la société civile. Une première mondiale, mais aussi une belle victoire pour les ONG du Forum citoyen pour la Justice économique coordonné par le CCFD-Terre Solidaire, engagées depuis longtemps sur ce sujet. 

☞ Lire aussi : Le devoir de vigilance, fruit d’un long combat porté par le CCFD-Terre Solidaire et la société civile 

La loi sur le devoir de vigilance impose aux grandes entreprises françaises de plus de 5 000 salariés en France un devoir de vigilance sur leurs activités et celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Ces entreprises ont l’obligation d’établir, de publier et de mettre en œuvre un plan de vigilance pour identifier et prévenir les risques qu’elles font peser sur les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, les droits humains et l’environnement. 

Plusieurs affaires en cours impliquent l’industrie extractive 

Le devoir de vigilance est également un levier judiciaire pour engager la responsabilité civile des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations et pour faire cesser toute atteinte aux droits humains ou à l’environnement.  

Parmi les affaires en cours, nombreuses sont celles qui visent des multinationales se consacrant à l’extractivisme, c’est-à-dire à l’exploitation à grande échelle de territoires et de ressources naturelles, bien souvent situés dans les pays du Sud. En voici quelques exemples. 

Total Energies et les expropriations forcées 

En 2019, plusieurs associations saisissent la justice dans le cadre d’un mégaprojet pétrolier en Ouganda. C’est la première action en justice sur le fondement de la loi française sur le devoir de vigilance. Les associations reprochent à Total Energies l’expropriation de plusieurs dizaines de milliers de personnes de leurs terres et de leurs habitations, mais aussi des risques significatifs pour la biodiversité et pour le climat. 

EDF et la non-consultation des communautés locales 

En 2020, une plainte a été déposée en France contre EDF en raison de son projet de parc éolien sur les terres de la communauté autochtone d’Unión Hidalgo au Mexique. La communauté n’a pas été correctement consultée au préalable, ce qui constitue une violation flagrante de ses droits fondamentaux, alors même qu’une étude d’impact environnemental indiquait que le projet pouvait affecter négativement les terres et ressources naturelles qui lui sont vitales. L’affaire est toujours en cours. 

☞ Lire aussi : Face à EDF, une communauté Zapotèque se bat pour faire reconnaître ses droits 

Carrefour et la pêche intensive 

Mi-mars, les associations Bloom et Foodwatch ont porté plainte contre Carrefour pour manquement à son devoir de vigilance dans sa filière thonière, pointant du doigt “les atteintes environnementales et humaines de l’industrie du thon tropicale”. 

☞ Lire aussi : Les affaires en cours, sur le site du Radar du devoir de vigilance 

Ces différents cas sont révélateurs de l’impact de l’industrie extractive sur l’environnement et les populations, mais aussi de l’étendue des ressources naturelles qui sont exploitées : minerais, hydrocarbures, terres, faune, flore… Peu de territoires sont à l’abri de la menace extractive et un devoir de vigilance efficace est un instrument important pour mettre fin à l’impunité des multinationales. 

☞ Lire aussi : Notre dossier « Industries extractives : terrain miné pour les droits humains et l’environnement »

Une loi qui reste trop peu appliquée 

8 ans après l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance en France, la partie n’est pas gagnée. Son application reste très insuffisante et trop peu d’entreprises se conforment réellement à leurs obligations. Les recours en justice sont longs et complexes, laissant les victimes sans protection solide en attendant. 

Un sursaut est urgent si l’on ne veut pas que cette loi ne devienne une simple coquille vide, à l’image de la loi européenne qui est aujourd’hui particulièrement menacée.  

Il est en effet crucial de pousser les Etats à réguler ces multinationales qui contournent les lois via des stratégies de greenwashing et de lobbying agressif, et qui profitent du manque de mécanismes internationaux contraignants. 

Le devoir de vigilance européen : Adopté au printemps 2024, le devoir de vigilance a fait de l’Europe le premier espace régional à se doter d’une législation sur le sujet. Moins d’un an après, il est déjà remis en cause par la Commission européenne et certains Etats comme la France. Présentée en février 2025, une nouvelle directive veut mettre un coup d’arrêt à la plupart des avancées ☞ En savoir plus 

Nous avons le pouvoir d’agir contre les abus des multinationales  

Devant la passivité de beaucoup d’Etats, les mobilisations citoyennes sont essentielles pour imposer aux multinationales de respecter les droits humains et l’environnement.  

Parce que chaque jour perdu permet aux multinationales de continuer leurs abus : nous devons amplifier la mobilisation et exiger des régulations plus strictes.

Sofia Dagna, Responsable de la campagne contre les abus des multinationales 

Rejoignez notre campagne « Abus des multinationales : on devrait tous pouvoir dire non » et signez notre manifeste pour exiger des lois ambitieuses qui respectent le consentement des communautés impactées. 

Signer le manifeste pour mettre un terme aux pratiques destructrices des multinationales extractives 

Photo de couverture : Alessandro Cinque, lauréat du Prix Photo CCFD-Terre Solidaire pour son projet sur les mines dans les pays andins

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Lili Payant