MRT 001 / 1225 / OBS 077
Arrestation / Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire /
Obstacle à la liberté de manifestation
Mauritanie
9 décembre 2025
L’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir sur la situation suivante en Mauritanie.
Description de la situation :
L’Observatoire a été informé de l’arrestation et de la détention arbitraire d’au moins neuf personnes, à savoir Mme Dieynaba Ndiom, défenseure des droits des femmes, responsable des subventions pour l’Initiative Pananetugri pour le Bien-Être de la Femme (IPBF), M. Kaaw Lô, militant de l’IRA, Mme Baalal Maïmouna Sall, vice-présidente du Collectif des veuves, Mme Jemila Ahmed, militante de l’IRA et membre du bureau de Elmina, Mme Hawa Diallo, militante de l’IRA, M. Moctar Keita, activiste de la société civile, et MM. Moussa Soumaré, Abdallah Ould Mohamed Mahmoud, et Moussa Thiam.
Le 28 novembre 2025, lors d’une manifestation pacifique organisée à Nouakchott le jour de la fête nationale mauritanienne (65ème anniversaire de l’Indépendance cette année) par des associations de familles de victimes et rescapé·es commémorant le massacre d’Inal de 1990, Dieynaba Ndiom, Kaaw Lô, Baalal Maïmouna Sall, Jemila Ahmed, Hawa Diallo, Moctar Keita, Moussa Soumaré, Abdallah Ould Mohamed Mahmoud, Moussa Thiam et plusieurs autres manifestant·es ont été violemment arrêté·es par les forces de l’ordre, et placé·es en garde à vue dans différents commissariats de la capitale.
Dès le lendemain, la majorité de ces personnes avaient été libérées, à l’exception des neuf activistes. Mme Ndiom a été transférée au commissariat de police judiciaire de Nouakchott Ouest dans la nuit du 28 au 29 novembre 2025. Sa famille, ses collègues et avocat·es n’ont, à ce moment-là, pas pu prendre contact avec elle.
Le 2 décembre 2025, Dieynaba Ndiom et cinq des autres personnes arrêtées avec elle ont été transférées au tribunal de Nouakchott Ouest. À l’issue de l’audience, dans l’après-midi, Mmes Dieynaba Ndiom, Hawa Diallo, Balaal Maïmouna Sall et Jemila Ahmed ont été libérées sans obtenir plus de précisions sur leur statut ou la poursuite éventuelle de la procédure judiciaire à leur encontre. MM. Moctar Keita et Abdallah Ould Mohamed Mahmoud sont quant à eux restés détenus.
Le 5 décembre 2025, l’ensemble des prévenu·es ont été renvoyé·es devant le juge d’instruction du 6ème cabinet d’instruction du palais de justice de Nouakchott Ouest. Le Procureur a requis un mandat de dépôt à leur encontre pour « trouble à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée ». Le juge d’instruction a décidé de libérer les femmes sous caution morale (placées sous contrôle d’un garant, elles peuvent circuler librement, tout en restant à la disposition du parquet), alors que les hommes, ont eux été placés sous contrôle judiciaire, et ne sont pas autorisés à quitter Nouakchott. Il est probable que le parquet fasse appel de la décision du juge d’instruction, tenant à ce qu’un mandat de dépôt soit mis en œuvre en attente de l’audience de jugement, dont la date n’a pas encore été précisée.
Le massacre d’Inal, au cours duquel une trentaine de militaires négro-mauritaniens avaient été exécutés ou disparus par les autorités Maures en place, a constitué le point de départ des persécutions à l’encontre de la communauté négro-mauritanienne, qui continue de réclamer justice et réparation. Les observations finales du Comité des Nations unies pour l’élimination des discriminations raciales (CERD) de 2018 exigent à cet égard que la Mauritanie abroge la loi d’amnistie de 1993 afin d’établir la vérité et les responsabilités sur ces événements et prenne des mesures pour assurer une réparation adéquate de toutes les victimes et de leurs ayants droit. La lettre de suivi des recommandations envoyée en 2020 par ce même Comité somme de nouveau la Mauritanie de cesser les détentions arbitraires et autres intimidations envers les défenseur·es des droits humains, et en particulier celles et ceux travaillant sur le racisme et l’esclavage.
L’Observatoire rappelle que l’espace civique en Mauritanie est de plus en plus restreint. Ces arrestations s’inscrivent dans une dynamique et tradition de répression des voix dissidentes dans le pays, notamment celles des défenseur·es et organisations qui militent contre l’esclavage par ascendance et pour le respect des droits des migrant·es ouest-africain·es.
L’Observatoire condamne l’arrestation et la détention arbitraire de Dieynaba Ndiom, Kaaw Lô, Baalal Maïmouna Sall, Jemila Ahmed, Hawa Diallo, Moctar Keita, Moussa Soumaré, Abdallah Ould Mohamed Mahmoud et Moussa Thiam ainsi que celles des autres manifestant·es du 28 novembre 2025, et considère que ces actes visent à les empêcher d’exercer leurs activités légitimes de défense des droits humains, dans un clair obstacle à la liberté de manifester dans le pays, et ce en contravention de l’article 10 de la Constitution mauritanienne et l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), relatifs à ce droit.
L’Observatoire demande aux autorités mauritaniennes de garantir en toutes circonstances la sécurité physique et le bien-être psychologique de Dieynaba Ndiom, Kaaw Lô, Baalal Maïmouna Sall, Jemila Ahmed, Hawa Diallo, Moctar Keita, Moussa Soumaré, Abdallah Ould Mohamed Mahmoud et Moussa Thiam, et de mettre un terme à tout acte de harcèlement – y compris au niveau judiciaire- à leur encontre, ainsi qu’à l’encontre de l’ensemble des défenseur·es des droits humains arbitrairement détenu·es ou poursuivi·es dans le pays.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux membres des autorités mauritaniennes en leur demandant de :
– Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique et moral de Dieynaba Ndiom, Kaaw Lô, Baalal Maïmouna Sall, Jemila Ahmed, Hawa Diallo, Moctar Keita, Moussa Soumaré, Abdallah Ould Mohamed Mahmoud et Moussa Thiam , et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains dans le pays ;
– Mettre fin à tout acte de harcèlement judiciaire à l’encontre de Dieynaba Ndiom, Kaaw Lô, Baalal Maïmouna Sall, Jemila Ahmed, Hawa Diallo, Moctar Keita, Moussa Soumaré, Abdallah Ould Mohamed Mahmoud et Moussa Thiam, et leur permettre d’exercer leurs activités légitimes de défense des droits humains sans entrave ni crainte de représailles ;
– Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect du droit à la liberté de réunion pacifique, tel que garanti par le droit international des droits humains, en particulier par l’article 21 du PIDCP, auquel la Mauritanie est partie.
Adresses :
• M. Moctar Ould Diay, Premier ministre de la Mauritanie, X : @DiayOuld
• M. Mohamed Soueidatt, Ministre de la Justice de la Mauritanie, Emai : contact@justice.gov.mr, X : @soueid82206
• M. Mohamed Salem Ould Merzoug, Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’étranger, Email : contact@diplomatie.gov.mr, X : @OuldMerzoug
• S.E. Mme Aicha Vall Verges, Ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire, Représentante permanente, Mission permanente de la République islamique de Mauritanie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Email : ambarimgeneve@diplomatie.gov.mr
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la Mauritanie dans vos pays respectifs.
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Paris-Genève, le 9 décembre 2025
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseur·es des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseur·es des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
· Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
· Tel OMCT : + 41 22 809 49 39