Grâce aux données du satellite Gaia de l’ESA et aux observations obtenues au VLT de l’ESO, une équipe scientifique, comprenant des chercheurs CNRS de l’Observatoire de Paris - PSL, a découvert une population d’étoiles âgées d’environ 0,5 à 2 milliards d’années dans les galaxies naines sphéroïdales entourant la Voie lactée. La découverte d’étoiles jeunes signifie que ces galaxies naines sont arrivées aux voisinages de la Galaxie, il y a moins de 3 milliards d’années, ce qui transforme complètement l’interprétation de leur dynamique et de leur contenu en matière sombre. Ces travaux paraissent dans la revue Astronomy & Astrophysics, le 27 novembre 2024.
Au cours des 30 dernières années, les astronomes ont fait des efforts considérables pour observer et analyser les populations stellaires des galaxies naines. Un peu plus de la moitié d’entre elles contiennent essentiellement des étoiles très vieilles (âgées de 6 à 10 milliards d’années) avec de très faibles abondances en éléments plus lourds que l’hélium.
On en déduisait alors que ces galaxies naines, comme celle du Sculpteur, avaient perdu leur gaz à ces époques reculées, durant lesquelles elles étaient devenues des satellites orbitant autour de notre Galaxie.
Ce scénario avait une conséquence majeure en cosmologie : il fallait que ces galaxies naines contiennent énormément de matière sombre, dont le rôle était de protéger leur contenu stellaire qui, autrement, aurait été détruit par le champ gravitationnel de la Voie lactée et les effets de marée l’accompagnant.
La découverte d’étoiles jeunes dans ces galaxies naines bouleverse ce scénario.
En effet, comme il faut du gaz pour former des étoiles, cela implique que ces galaxies avaient du gaz il y a 0,5 à 2 milliards d’années. Lors de leur accrétion dans le halo de la Voie lactée, les galaxies naines riches en gaz en sont dépouillées, du fait de la pression dynamique causé par le gaz chaud du halo de notre Galaxie. Le processus est nécessairement très rapide, car la masse des galaxies naines est considérablement inférieure à celle de la Galaxie.
La découverte d’étoiles jeunes dans les galaxies naines sphéroïdales résulte d’une analyse très poussée des données du satellite Gaia d’une part, et des analyses photométriques et spectrales faites au Very large Telescope de l’ESO, d’autre part.
Grâce à Gaia, les chercheurs et chercheuses ont littéralement "filtrés" les étoiles appartenant aux galaxies naines, pour exclure celles du halo de notre Galaxie. L’efficacité de ce filtrage est sans commune mesure à tout ce qui a pu être fait auparavant. Sans Gaia la moitié des étoiles observées dans le champ de vue de la galaxie naine du Sculpteur appartiennent à notre Galaxie. Avec Gaia, cette contamination n’est plus que de 1,4% !
Cela a permis de voir clairement les étoiles de Sculptor en la phase d’évolution qui correspond à des étoiles âgées de 0,5 à 2 milliards d’années, avec des masses jusque à 3 masses solaires.
Nous savons que parfois les étoiles "rajeunissent" en volant la masse d’un compagnon, voire en fusionnant avec lui. Mais pour expliquer ainsi des étoiles de plus de 2 masses solaires, il faudra invoquer la fusion d’un système triple, événement qui est extrêmement rare.
L’explication la plus simple est bien que ces étoiles sont vraiment jeunes et pas rajeunies. Les spectres de ces étoiles confirment que leur composition chimique est celle des autres étoiles de Sculptor. En plus de Sculptor, aussi les galaxies naines Sextans, Ursa Minor et Draco montrent la présence d’une population jeune, démontrant que ce phénomène est assez courant parmi les galaxies naines. Dans ce cas, il faut conclure qu’elles ont perdu leur gaz récemment.
Cela corrobore un scénario alternatif pour leurs origines, basé sur les mesures précises des orbites des galaxies naines obtenues par le satellite Gaia. Les galaxies naines sphéroïdales ont des vitesses orbitales deux à trois fois plus grandes que ce qui est attendu pour d’anciens satellites de la Galaxie, ce qui est compatible avec une arrivée récente à proximité de la Galaxie, il y a moins de trois milliards d’années.
Des simulations numériques prédisent que dans ce cas, des étoiles jeunes doivent se former dans la même (faible) proportion que ce qui est observé. La conséquence est considérable, car ces modèles reproduisent toutes les propriétés des galaxies naines sphéroïdales, mais avec très peu, ou même sans matière sombre.
- Laboratoire Galaxies, étoiles, physique, instrumentation (GEPI - Observatoire de Paris - PSL)
Tutelles : CNRS / Observatoire de Paris – PSL - Institut d’astrophysique de Paris (IAP)
Tutelles : CNRS / Sorbonne Université
Référence
Yang et al., The accretion history of the Milky Way IV. Hints of recent star formation in Milky Way dwarf spheroidal galaxies, A&A, 691, A363 (2024).
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